Fadela Amara à Sciences Po ou la synchronisation journalistique
L’ex-ministre de la Ville répondait aux questions de Sciences Po TV mercredi 16 mars, l’occasion pour LaPéniche de vous rendre compte de l’événement!
« Entre le bourgeois de la Sarthe et la banlieue, il y a une grande différence » avait pu déclarer Fadela Amara, avant le remaniement Fillon III à propos de notre ami sarthois. Ces propos, qui avaient suscité la polémique, ont vraisemblablement précipité son éviction du gouvernement. Ainsi, quand Fadela Amara vient à Sciences Po, qui plus est pour être interviewée par nos collègues de Sciences Po TV, c’est un événement. La forme de celui-ci ? Une émission : le 5chro’, un format original avec un jeu de mots qui ne l’est pas moins. LaPéniche a pu assister à la préparation et à son déroulement, backstage !
Si les slogans de journalistes te font vomir, toi l’étudiant auquel inlassablement on a répété que les dit journalistes ne sont que d’infâmes larves aux bottes du pouvoir, au moins retiendras-tu ceci: 5chro’ est une émission en cinq parties de cinq minutes, avec un thème pour chacune. Si cela fait de cette émission un artefact original dans notre école, c’est avant tout parce que ce format permet d’aborder un nombre de sujets importants tout en ne lassant pas l’auditoire, ou l’audimat estudiantin pour être plus précis. Bien sûr, il faut avouer que le résultat paraît assez amateur, surtout en raison du peu de matériel, trois caméras prêtées bon gré mal gré par le service audiovisuel de Sciences Po. Mais c’est une chaîne qui va monter, comme le montre la venue d’abord de Pierre Moscovisci il y a trois mois puis de Fadela Amara, ce mercredi 16 mars, sans doute attirés par la médiatisation grandissante de nos confrères plusieurs fois repris dans des médias nationaux.
Venue en tant que « femme libre », l’ex-Ministre de la Ville entre 2007 et 2010, devenue depuis inspectrice aux affaires sociales à l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS), a accepté de se plier aux règles du jeu de Sciences Po TV et de son plateau dans la Bibliothèque René Rémond. Très à son aise, la militante de Ni Putes Ni Soumises a dès le départ voulu signifier qu’elle avait été « virée » et non pas qu’elle avait quitté le gouvernement. Interrogée dans la partie concernant les Questions d’actualités, elle a jugé avec les événements du Japon que le débat franco-français sur le nucléaire était « du baratin ». La voix s’est ensuite fait plus ferme lorsque le sujet s’est déporté vers la diplomatie française, qui selon elle « a un rôle à jouer sur la scène internationale ». L’ex-candidate aux municipales de Clermont-Ferrand a pu continuer dans cette vision à contre-courant en affirmant que la politique du quai d’Orsay « s’était renforcée depuis quelques années » et que la position de Nicolas Sarkozy concernant la Libye était « la meilleure ». Elle résume sa position en trois mots : « que Khadafi dégage ! ». Revenant à un angle d’attaque plus intérieur, Fadela Amara a réaffirmé son attachement à la laïcité et en a profité pour condamner le débat mené par l’actuel gouvernement, qui selon elle n’est pas dans les préoccupations des Français.
Toujours en forme après cette seconde partie du show, elle a pu lancer un « c’est des jeunes, ils maltraitent toujours les personnes âgées ». Cette partie de l’émission, menée par Nicolas Davila, rédacteur en chef du 5chro’, a été complimentée par Fadela Amara qui a pu lâcher dans une boutade un « t’étais bon t’as titillé ! ». Pour vous faire votre propre avis, le mieux est de voir l’interview en intégralité.
Si l’on devait retenir deux thèmes dans l’intervention de Fadela Amara, il faudrait penser aux banlieues et à la laïcité. De fait, l’ex-ministre a pu démontrer qu’elle défendait un point de vue libre, même en étant arrivée dans la vie politique nationale et ses tentations électoralistes ou de popularité. Selon elle, les quartiers ont besoin d’une police de proximité, mais celle-ci doit fixer clairement les règles avec la population, qui doit bien comprendre ce qu’il faut faire ou ne pas faire. En résumé, « il faut du bleu dans nos quartiers, mais pas pour aller jouer au foot ». La situation d’une violence extrême reste pour cette femme d’origine algérienne « insupportable », dans la « France que j’aime ». Relativement satisfaite de son passage au ministère, la clermontoise a aligné les postures d’espoir, comme ce travail avec des entreprises du CAC40 qui a donné de bons résultats, ou le fait que la rénovation urbaine de ces quartiers ait pu bénéficier de quatre milliards d’euros et non pas seulement le milliard qui était prévu. A côté de cela, Fadela Amara fait preuve de lucidité sur le chômage dans les banlieues en déclarant que c’est « un échec, puisqu’il augmente encore ». De plus, elle a regretté que le plan Espoir Banlieues, lancé en grande pompe en 2008, n’ait pas porté ses fruits. A cela, elle a pu affirmer que plusieurs solutions étaient possibles, avec notamment la relance d’une dynamique de contrats aidés qu’il faut « flécher » mais aussi de l’aide de la part des villes riches vers les villes pauvres pour assurer une vie décente pour les habitants des quartiers.
Cet impératif de réformes va ici de pair avec un attachement sans bornes à la laïcité. Si l’on parle d’un débat aujourd’hui sur ce sujet, « il a toujours existé » pour Fadela Amara, citant par la même occasion le rapport « très riche » de la Commission Stasi de 2004 rendu au moment du débat sur les « signes religieux ostensibles » à l’école. Elle s’est aussi félicitée de la victoire de la laïcité concernant l’affaire de la crèche Babyloup à Chanteloup-les-Vignes, dont une des employées étaient venue travailler complètement voilée et n’avait pas voulu retirer son voile. Interrogée sur le cas de Diam’s, l’ex-militante a contre-attaqué en affirmant que, si les chanteuses devaient être des modèles, cela la gênait qu’elles portent le voile, symboliquement en contradiction avec la liberté de la femme. De plus, certains ont pu l’entendre affirmer que la loi sur la burqa (ou plus précisément le niqab) était en opposition frontale avec l’idée de la République n’intervenant pas dans la gestion des cultes.
Cette intervention restera probablement dans les mémoires du public qui y a participé, puisque il s’est ensuivi près d’une heure de questions réponses avec l’intéressée, dans une ambiance bon enfant et avide d’information. Très proche des étudiants, Fadela Amara a pu faire partager ses inquiétudes, ses convictions et sa vision de la société française, tout cela en prenant le temps de répondre à la moindre des questions qui venait à l’esprit de la quinzaine d’esprits vifs, caractéristique des sciencespistes ne l’oublions pas. Elle a dans le même temps pu montrer son soutien à Jean-Louis Borloo dans son éventuelle candidature en 2012. Déjà avant le remaniement, elle avait déclaré que « le meilleur, c’est Borloo », ce qui lui a sûrement coûté sa place.
Enfin, certains d’entre vous pourrons se demander pourquoi LaPéniche, média de l’écrit, a pu avoir la déraisonnable idée de venir fouiner dans les affaires de Sciences Po TV. Après tout, Sciences Po Télé est une drôle de créature du point de vue d’un rédacteur de l’écrit : un besoin de matériel important, des présentateurs (mais qu’est-ce donc que cela?!) et même un plateau et des affiches. Mais en même temps, peu de choses différencient les deux médias : un souci d’une information fiable, produite par les étudiants pour les étudiants, et la volonté de refléter notre école au maximum. Vous l’aurez compris, LaPéniche et Sciences Po TV sont synchro !
*Les cinq parties de l’émissions sont diffusées une par une tout au long de la semaine. Pour les voir, allez sur Youtube ou de devenez fans de Sciences Po TV sur Facebook.