L’Artillerie tire Sciences Po vers le haut
Vous avez profité des Journées du Patrimoine pour visiter l’Élysée ou le Crazy Horse ? On vous pardonne. Pendant ce temps, La Péniche s’est rendue place Saint-Thomas d’Aquin pour explorer le célèbre Hôtel de l’Artillerie, siège du futur campus parisien de Sciences Po. Que change l’acquisition du site pour les étudiants ? Comment va-t-il être aménagé ? Réponse dans notre reportage-choc réalisé de l’autre côté du boulevard Saint-Germain.
Un hôtel aux multiples réincarnations
Si l’Artillerie projette d’accueillir notamment les élèves de master et les enseignants-chercheurs, ce sera une véritable transformation pour l’ensemble des locaux de l’école. On ne touche pas au légendaire 27, rue Saint Guillaume, qui continuera d’abriter le Collège Universitaire et le cœur du campus. Cinq autres lieux (dont le 28, rue des Saint-Pères) seront conservés, avec cependant quelques modifications. À titre d’exemple, la bibliothèque du 30, rue Saint-Guillaume pourrait déménager. En revanche, toutes les écoles de master se regrouperont sur le site de l’Artillerie.
Cet ancien noviciat du 17ème siècle a d’abord eu une fonction militaire, suite à la Révolution française. En 1982, l’édifice a été protégé. Si la porte d’entrée baroque aux larges colonnades peut paraître quelque peu tape-à-l’oeil, le reste du site dégage une certaine élégance. Les bâtiments de la cour Sébastopol, soutenus par des arcades harmonieuses, entourent le jardin. Les escaliers en marbre aux rampes d’appui ouvragées dessinent des courbes végétales. Aux étages, le Salon Rouge et le Salon Jaune de style Empire ne rompent pas avec la sobriété. De l’autre côté du cloître, la cour Treuille de Beaulieu est dénudée, et celle de Gribeauval occupée par un bâtiment militaire à l’aspect vétuste.
Un projet architectural et éducatif bien précis
L’Artillerie n’est pas que de la poudre… aux yeux. Elle se veut un lieu complètement décloisonné, où les étudiants seront en contact direct avec les chercheurs. Les idées principales : raser les locaux militaires, relier la cour Gribeauval avec le 13, rue de l’Université, créer de vastes espaces végétalisés et souterrains illuminés par des verrières, ainsi que des salles alvéolaires. Le principal lieu de vie commune occupera la cour Gribeauval. On y trouvera une bibliothèque, un learning center de 1000 m2, une cafétéria à côté des centres de recherche en science politique, histoire, économie. Des fablabs, salles des marchés et autres salles de coworking seront également conçues, dans la logique d’incubation d’entreprises développée par Sciences Po.
La cour Treuille de Beaulieu sera principalement destinée à l’École de Journalisme et accueillera des salles de montage et plateaux collaboratifs. Le cloître et les monuments classés seront préservés. L’Hôtel de l’Artillerie veut se différencier du 27, rue Saint Guillaume et de ses amphithéâtres traditionnels, et ce grâce à une nouvelle pédagogie numérique et entrepreneuriale. Quatre équipes d’experts architectes sont en concurrence, dont Eiffage (Snohetta et François Châtillon) et l’équipe Moreau-Kusonoki, qui a déjà remporté le projet du Guggenheim à Helsinki. Parmi leurs projets, un seul sera retenu début 2018. Ils sont pour l’instant examinés étape par étape par des architectes du patrimoine, des enseignants, et modélisés par réalité virtuelle pour se mettre dans la peau de l’étudiant.
Des visiteurs enthousiastes
Certains se verraient déjà travailler sur le nouveau site, à l’instar de Clémentine et Valentin, étudiants en master. « L’hôtel de l’Artillerie est calme et lumineux » affirment-ils, ajoutant que « les bâtiments des écoles ( ceux d’aujourd’hui, ndlr ) sont excentrés et demandent constamment des trajets ». À cela s’ajoute parfois le manque d ‘équipements et la taille restreinte des bibliothèques des locaux de master.
Certes, l’Artillerie pèse lourd dans le budget de l’établissement. Elle a été rachetée pour la somme de 93 millions d’euros, et le coût de sa rénovation est estimé à 107 millions d’euros. La rénovation sera en partie autofinancée par l’arrêt des locations. On peut cependant penser que le jeu en vaut la chandelle. En effet, un campus à l’anglo-saxonne donnera une image plus attractive de Sciences Po. Les étudiants internationaux, parfois surpris par la rue Saint Guillaume un peu exiguë et très affairée, ne devraient pas rester insensibles lors de la découverte des futurs bâtiments.
Finalement, c’est sans doute pour les voisins de l’Hôtel de l’Artillerie que l’adaptation sera la plus difficile. Ces derniers, qui se plaignaient déjà du temps des essais militaires et de physique atomique, devront désormais côtoyer le flot frénétique des sciences pistes.
En attendant, pour la visite guidée ( partielle ), c’est par ici :