Élections étudiantes : « On se fait prendre pour des buses en tant que syndicat étudiant » estime un représentant de Solidaires

Retrouvez l’interview de Baptiste, représentant du syndicat Solidaire étudiant-e-s, l’un des quatre syndicats candidats aux élections étudiantes.

Pour commencer et éclairer nos lecteurs, quelles sont les cinq propositions phares de Solidaires ? 

Nous sommes pour la suppression des frais de scolarité, contre la sélection, c’est ce qui nous définit globalement le plus radicalement. Nous sommes pour une vraie démocratie étudiante dans laquelle les étudiants et les étudiantes sont vraiment pleinement impliqués dans le processus décisionnel de cette école, et nous sommes pour de vraies mesures contre les discriminations. L’an dernier pour citer une mesure claire, on a mené une grande campagne pour l’application réelle des aménagements de scolarité requis par les personnes en situation de handicap.  

Justement dans votre programme vous vous présentez comme “antivalidistes”, en quoi cela consiste exactement, quelles sont vos propositions à ce sujet? 

La question du validisme est venue sur la table, car à un moment donné il y avait au sein du syndicat beaucoup de personnes qui étaient assez informées sur ces questions. Et puis ça a été un gros problème à Sciences Po, et nous avons reçu énormément de témoignages de cas d’étudiants qui avaient des problèmes avec leurs aménagements, qui rencontraient des discriminations en fonction de leur handicap.

Il y a beaucoup de problèmes au niveau du pôle handicap, qui se sont accentués avec la crise sanitaire qui a exacerbé les situations de problèmes de santé, de maladies chroniques et de handicap.

Pendant le Covid, toutes les dépenses supérieures dues à la pandémie étaient mises très régulièrement sur le dos du pôle handicap. Dès qu’on demandait quelque chose, l’administration mettait les dépenses sur le budget du pôle handicap, comme les masques inclusifs pour les personnes malentendantes ou autistes et qui permettent de lire sur les lèvres ou voir les expressions faciales.

Cela a créé une tension sur le pôle handicap, qui fait que l’an dernier beaucoup d’étudiants et d’étudiantes ne pouvaient pas suivre leur scolarité normalement.  Nous avons mené une grande campagne avec des tas de témoignages qui a servi à attirer l’attention de l’administration sur ces questions, que les ressources nécessaires soient allouées.  

Vous dîtes dans vos tracts qu’il faut accompagner les étudiants dans des situations critiques, comme les victimes de violence ou les personnes en situation de rupture familiale. Que préconisez-vous concrètement? 

Cela fait partie de notre activité de “syndicalisme du quotidien”, en plus de notre activité de “syndicat de lutte”. C’est effectivement pour les étudiants qui nous sollicitent pour un souci administratif, financier, pédagogique, personnel, qui nécessite du soutien. 

Généralement, quand les gens sont dans une situation de détresse, ils ne savent pas vers quel service se tourner. Nous allons les diriger vers le bon service et si besoin, on les accompagne, notamment pour saisir la Commission de suivi social, ou pour des démarches auprès du Crous et de la CAF. 

Ce sont des mesures d’urgence mais à long terme, cela demande effectivement d’installer un plan avec toutes ces instances.  

Vous vous revendiquez être un syndicat autogéré, et vous souhaitez que l’université le soit également. Concrètement, qu’est-ce que cela veut dire, et comment met-on en place un tel programme? 

C’est la grande vision que nous avons pour l’enseignement supérieur, et qui en règle générale, dépasse largement Sciences Po. Nous sommes présents au niveau national. On se permet d’avoir un programme pareil parce que nous sommes une fédération de syndicats, présents nationalement dans plus de 30 universités.

Nous sommes aussi une union interprofessionnelle et nous militons avec des gens issus de la recherche et de l’éducation, ce qui nous permet d’avoir des grandes visions sur ce que devrait être l’enseignement supérieur et la recherche.

Notre idée c’est que les étudiants, les étudiantes, sont des travailleurs et des travailleuses en formation. Et donc, de la même manière que les travailleurs qui produisent et qui devraient avoir l’ascendant dans leur entreprise, en tant qu’étudiants, il y n’a pas de raison que nous n’ayons pas aussi de l’ascendant sur la façon dont les décisions sont prises ici.

Le système de conseils tel qu’il est ne convient absolument pas, c’est complètement une mascarade, un petit théâtre. C’est pour cela que nous ne faisons pas de grandes promesses sur les conseils. On y va quand on a besoin d’y aller, quand on nous donne des informations dont on a besoin et qu’on ne peut pas se procurer autrement.  

Vous dites vouloir supprimer les frais d’inscription et les financements privés, mais comment peut-on arriver à financer tout ce système, toutes ces infrastructures, tout le matériel nécessaire sans cela?  Quel modèle de financement alternatif proposez-vous? 

On ne pense pas que Sciences Po doive être ce genre d’école luxueuse qu’elle est un peu aujourd’hui. On sait qu’il ne faut pas niveler par le bas, on dit juste qu’on ne veut pas d’inégalité criante comme ça entre les lieux d’études. Il n’y a pas de raison que Sciences Po soit super propre, qu’il y ait autant d’argent investi alors que la fac s’écroule. On pense effectivement que pour que l’enseignement supérieur soit émancipateur, il faut qu’il soit gratuit, qu’il soit libre, qu’il soit public entièrement. Et donc ça passe par des financements publics. On est implanté dans toutes les instances d’extrême-gauche et on milite pour plus d’impôts pour les plus riches. On peut aussi veiller à ne pas payer des intervenants extérieurs avec des sommes monstrueuses pour faire leurs douze heures de cours par semestre. 

Au sujet des  inégalités, la dernière étude d’Anne Muxel et de Martial Foucault dans leur ouvrage Une Jeunesse engagée montre que la part des enfants d’ouvriers et de d’employés parmi les étudiants de Sciences Po est passée de 3 à 14% en 20 ans. Comment réagissez-vous à ce constat?  

C’est bien. On peut reconnaître qu’ il y a des dispositifs qui sont mis en place, qui sont critiquables, qui sont imparfaits, mais bon, il y a des dispositifs. Sciences Po les fait aussi parce qu’on les force, pas par bonté de cœur.

Après il y a plein de choses à dire, notamment sur la procédure CEP. Il y a quelques années, il y a eu une réforme qui visait à intégrer plus de “blancs ruraux” et moins de “banlieusards”, via cette procédure, et ça nous a choqué. Au lieu de prendre en compte les lycées les moins bien classés de France, on a décidé de sélectionner le lycée le moins bien classé de chaque territoire. Et du coup on a enlevé des lycées alors conventionnés CEP au profit d’autres lycées dans d’autres régions.  

Au sujet de la procédure d’admission via Parcoursup au collège universitaire, elle fait systématiquement l’objet de débats à l’issue des sessions annuelles. C’est un sujet qui a été assezpeu évoqué lors de la campagne, est-ce que Solidaires aurait un avis sur la suppression des épreuves écrites ? 

Pas vraiment parce que tout simplement, comme on l’a dit, nous on est juste contre la sélection dans l’enseignement supérieur, donc cette procédure ou une autre, dans tous les cas, ça ne convient pas. Collectivement, nous n’avons pas de position particulière quant à savoir si c’est mieux ou moins bien qu’avant.  

Vous avez évoqué votre méthode de rapport de force. Est-ce toujours une stratégie nécessaire et fructueuse? 

Toujours nécessaire ? Oui, parce que nous, c’est notre méthode et c’est la seule. C’est la seule qu’on voit fonctionner, et c’est pour cela que l’on refuse la co-gestion. Ce n’est pas une posture pour être cool, pour être radical, c’est un constat qu’on a fait au niveau national et au niveau local.

On se fait prendre pour des buses en tant que syndicat étudiant quand on va dans des instances cogestionnaires, dans des conseils. On sert un discours qui dit que les étudiants sont impliqués dans la décision mais il n’y pas de réalité matérielle.

Au Conseil de l’Institut, il y a 8 étudiants pour une trentaine de personnes qui siègent, mais de toute façon, c’est le président du Conseil a toujours plus de procuration que tous les représentants étudiants présents.

Après le rapport de force ce n’est pas mettre un couteau sous la gorge de de la direction tant qu’on n’a pas obtenu ce que l’on souhaite, c’est un rapport de force qui est mesuré en fonction de la situation.

Dans certains cas, le blocage, l’occupation, la manifestation, la grève étudiante peuvent être nécessaire.  En même temps, pour faire notre travail de représentants, on doit occasionnellement, quand c’est pertinent, aller aux réunions de l’administration, discuter avec les gens.  

Dans votre programme, vous insistez sur l’opposition à l’extrême-droite et la nécessité de la bannir de Sciences Po. Concrètement, comment est-ce qu’on détermine qu’un groupe, un syndicat, une association est d’extrême droite? Dans quelle mesure peut-on garantir le pluralisme d’opinions avec cette démarche ? 

Le pluralisme s’arrête à partir du moment où l’on commence à agir politiquement pour le mal des autres.

Baptiste, représentant du syndicat étudiant Solidaires

Je ne me pose pas trop la question de qui est d’extrême-droite, parce que ça me semble toujours naturel.

Hier, nous avons eu une altercation en Péniche avec un membre de Génération Z, et je sais (même s’il ne l’assume pas) qu’il est à l’UNI.  Quand on lui a dit qu’il était raciste, il nous a répondu “Oui, et c’est quoi le problème”. Donc dans ce cas, la question ne se pose pas.

Pour d’autres cas il faut creuser un peu plus. C’est pour cela que nous avons fait nos enquêtes. Par rapport à l’UNI, parce que c’est ce à quoi vous pensez, c’est un peu compliqué. L’UNI a été très longtemps tenu en laisse par les Républicains, avec des divergences en fonction de droitisation en fonction des sections locales. À Sciences Po, ça a toujours été plus une droite bourgeoise et institutionnelle, et il y a une réelle droitisation de ce genre d’organisation au fil de ces dernières années.

Maintenant l’UNI parle ouvertement d’immigration,  du voile en des termes très proches des personnalités politiques d’extrême-droite. L’année dernière durant l’entre-deux-tous nous avons bloqué Sciences Po pour dénoncer le faux choix qui avait été laissé à la France entre la droite libérale et l’extrême-droite raciste. Le blocage a été attaqué par des membres de divers groupes d’extrême droite (l’Action française, la Cocarde étudiante, Civitas etc.) et cela a été en partie revendiqué sur les réseaux sociaux de l’UNI nationale et sur les réseaux personnels des membres de l’UNI de Sciences Po.  

Une critique qui revient souvent à votre égard estime qu’en vous focalisant sur les discriminations que peuvent subir les minorités, vous pouvez délaisser “une majorité” d’étudiants qui mérite d’être représentée. Que répondez-vous à cela? 

Déjà, la majorité des étudiants ça ne veut rien dire. Et puis il y a deux niveaux dans la question.

Enfin, nous aidons n’importe quel étudiant qui rencontre un souci concret et qui nous contacte. On ne pas lui demander s’il est une femme et s’il est racisé, on s’en fout de ça. Après, par rapport à notre programme, quand on nous dit qu’il est axé sur les minorités, on répond qu’effectivement il y a des catégories qui sont plus discriminées dans la population. Ce sont des réalités structurelles qu’il faut adresser politiquement et collectivement pour faire bouger les lignes. Si une personne rencontre un problème ponctuellement on va l’aider, et si cela relève d’un problème structurel, on va l’adresser structurellement politiquement.

Note de la rédaction : les interviews des listes candidates sont publiées sans ordre particulier. Leur publication dépend uniquement de leur date de réalisation et donc de la disponibilité des syndicats.