D’Alfred de Musset à Henrik Ibsen…Interview d’Isabelle Quirin, professeur de théâtre à Sciences-Po.
Les cours d’art, et en particulier de théâtre ont aujourd’hui une place à part entière dans l’offre de cours de l’établissement, grâce à notre cher Bureau des Arts. Preuve de leur reconnaissance accrue, ils vous font gagner 2 crédits par semestre alors qu’ils n’étaient auparavant qu’un cours récréatif au milieu d’une dure semaine de boulot. J’ai rencontré pour vous Isabelle Quirin, qui entame sa quatrième année d’enseignement du théâtre à Sciences-Po et nous fait part de ses impressions et projets pour ses élèves.
- La Péniche : Isabelle, peux tu nous présenter les cours de théâtre que tu enseignes cette année à Sciences-Po ?
Isabelle Quirin : J’enseigne trois fois deux heures de cours par semaine. Tout d’abord un tout nouveau cours, la classe d’improvisation. On fait tout un training pour incorporer les bases de l’improvisation (le temps, la forme de l’impro), avec des thèmes de travail comme « à la manière de Molière » ou la publicité.
D’ailleurs, j’attire l’attention des étudiants sur un grand matche d’improvisation qui aura lieu lundi soir prochain (17/11) entre l’équipe nationale de Montréal et la ligue d’improvisation de Paris, au Cabaret Sauvage. ll sera disputé entre des joueurs professionnels et le show sera présenté par Jean-Luc Reichman; la place est à 20 euros. Vraiment j’invite les étudiants à y aller!
Je suis à la LIFI, c’est un centre incroyable, unique.
(ndlr : il semble que le matche d’impro du 17/11 soit déjà complet mais pour tout le programme de la saison 2009 de la LIFI est disponible sur son site).
- La Péniche : Ensuite un cours qui vise à mettre en scène une pièce?
Mon cours du jeudi après midi consiste à travailler sur une oeuvre d’Henrik Ibsen, les Revenants, que nous allons mettre en scène pour la fin de l’année. Il y a aussi dans ce cours des sorties théâtre : Tartuffe en septembre et Gertrude en janvier, qui sera joué au théâtre de l’Odéon.
- La Péniche : Et enfin, une master classe. Qu’est-ce que c’est exactement?
Le Bureau des Arts a passé un partenariat avec Chrisophe Teillou, qui travaille au sein des relations publiques au théâtre de l’Odéon. On travaille sur Gertrude de Howard Barker, auteur contemporain anglais. On va aller voir la pièce et les élèves vont apprendre des extraits de scène. Puis il y aura une rencontre avec le metteur en scène ; on ne reste pas dans le théorique, il y a un vrai côté pratique. Il y a une prise de parti forte, violente, trash de la part du metteur en scène, dans tous les termes. Les élèves ont été perturbés au début.
- La Péniche : Comment es tu venue à enseigner le théâtre?
C’est l’envie de transmettre les bienfaits que le théâtre m’a apportés. Tout ce que le théâtre a permis d’aérer chez moi. Je me suis dit, ce n’est pas possible, il faut que je le partage.
Le théâtre est un art très complet. Il demande une disponibilité du corps et de la parole, une capacité d’ouverture et de dépassement de soi.
J’ai l’impression que je peux transmettre quelque chose aux étudiants. Et j’apprécie particulièrement l’enseignement à des non-professionnels ; il y a moins de pression de leur part, et on reste dans ce qui est l’essentiel, l’amusement. Je suis convaincue que le théâtre renvoie à où on en est dans la vie et procède vraiment d’un don de soi.
J’ai une approche très pratique du théâtre parce que j’ai suivi beaucoup de stages. Je lis beaucoup de livres de metteurs en scène : Peter Brook, Declan Donnellan qui est un metteur en scène anglais de ouf!, Michel Bouquet que je relis tout le temps, Novarina…
- La Péniche : Concrètement, qu’apportent selon toi ces cours de théâtre aux étudiants dans l’éventail des cours à Sciences-Po?
Ils permettent de faire quelque chose de différent de ce qui est enseigné dans le tronc commun : ils sont crédités au même titre que le sport donc il y a une vraie reconnaissance. Les élèves me disent souvent qu’heureusement qu’ils ont ce cours au milieu de leur semaine pour décompresser. Et puis, c’est un moyen de se rencontrer : l’université est tellement grande que le cours de théâtre est bienvenu pour rencontrer des gens puisqu’on organise au cours du semestre des soirées, des pots… Je pense surtout aux premières années, cela leur permet d’être dans un environnement moins anonyme. Les élèves aiment travailler en groupe dans le travail de mise en scène.
- La Péniche : Penses-tu qu’ils peuvent aider des élèves à se dépasser?
Certains élèves ressentent une timidité, une difficulté à gérer leurs émotions par exemple lorsqu’ils doivent présenter des exposés. C’est lié à la confiance en soi. Je ne sais pas si un semestre est assez, mais certains élèves me disent qu’ils trouvent beaucoup de plaisir à suivre le cours. Je suis assez surprise de ces réactions car je trouve que je suis assez exigeante. Je pense qu’au théâtre il ne s’agit pas de mettre son ego sur le plateau mais au contraire de se mettre en danger, je suis exigeante dans mes cours, d’où ma surprise lorsque j’ai un retour aussi positif de la part des élèves. Certains élèves ont tellement aimé leur année de théâtre qu’ils ont créé un groupe de mise en scène cette année.
- La Péniche : Dans quel état d’esprit faut-il être pour suivre un cours de théâtre?
A mon avis, l’humanité est à la base du théâtre. Le théâtre procède vraiment de cela. Il faut arriver avec la curiosité des autres.
- La Péniche : Quels projets as tu réalisés avec avec les élèves au cours des dernières années?
C’est la quatrième année que j’enseigne à Sciences-Po. La première année (2005-2006), on a compilé des extraits de scènes des principales oeuvres de Musset : Les Caprices de Marianne, Lorenzaccio, On ne badine pas avec l’amour. L’année d’après, nous avons travaillé sur une pièce absurde : la cantatrice chauve d’Eugène Ionesco. Enfin l’année dernière la classe du lundi soir s’est penchée sur Les précieuses ridicules de Molière. Et l’un des élèves Rémy, a écrit huit scènes parlant de l’exclusion ; les élèves les ont mises en scène, c’était vachement fort.
La Péniche te remercie!