Blogbuster #2 : Les science-pistes à l’étranger. Portrait d’artistes incompris plongés au cœur d’univers transcendants.
Ou : ces échecs épiques qui font toute la beauté de la 3A.
Un brin de poésie souffle sur le monde et emporte l’âme des 3A, pendant qu’un typhon les empêche, hélas !, d’assister à leurs cours. La troisième année, année culturelle *hum sabbatique* offre aux chers sciences pistes un temps d’introspection qui les pousse à s’intéresser à la beauté du monde. Devenus grands esthètes, ou poètes maudits, ils errent, solitaires, loin de leur terre natale et s’adonnent au plaisir de la déambulation contemplative. Loin des tracas parisiens, du stress de la ville lumière et de l’univers étouffant du paraître science-piste, ils peuvent laisser libre court à leur âme d’artiste ou d’intellectuel tourmenté, à cette déferlante imaginative aux tournures grandioses, inlassablement réprimée pendant ces années studieuses, et qui explose devant l’inexplicable transcendance de paysages confus et paisibles à la fois, dont la paix et le dédale imbriqué insufflent ces accents lyriques… Enfin… NON. On nous ment. Ce pseudo lyrisme d’artiste, c’est juste un bon cocktail de procrastination et de fête. Donc en fait, Elsa s’imbibe de culture berlinoise ‘‘ünterground’’ et Florian traînasse dans des cafés australiens. Ah, et le typhon, c’était une petite pluie bretonne hein, rien d’épique.
Signé : Paris jaloux.
Elsa s’adapte… plus ou moins:
Samedi je suis allée à la Fuckparade, qui est une manifestation d‘“hardcore elektro”, qui s’est construite en opposition à la célèbre Love Parade de Berlin, jugée trop commerciale (et c’est là qu’on voit qu’on donne pas le même sens au mot commercial). Ici vous pouvez voir un aperçu de ce que ça donne. Alors certes, c’est pas tout à fait mon genre de musique, mais c’était franchement cool. Il faisait super beau, j’étais là avec tout plein de copains, et on marchait dans tout Berlin (enfin Berlin Est quand même, faut pas déconner, on parle de subkultur là). Tout le monde dansait n’importe comment, tout le monde était complètement drogué, et même les flics (qui faisaient tous facilement 1m de large avec toutes leurs protections) avaient l’air d’avoir envie de danser.
On en a aussi pris plein les yeux, avec des imprimés léopard, du fluo, des collants arc-en ciel, des shorts à paillettes de la taille d’un tanga, et des coupes de cheveux qui n’hésitent pas à mélanger dreads, crâne rasé et deux ou trois couleurs sur le même crâne. Le tout s’est fini à 22h sur un terrain vague, avec moins de gens mais de la meilleure musique.
Bon évidemment, il fallait bien qu’il m’arrive un truc con, un fumigène m’a atterri dessus et j’ai maintenant une jolie brûlure sur le pied gauche, mais c’est anecdotique.
La soirée fut un peu moins réussie : en rentrant chez moi j’ai trouvé ma coloc, son mec et un pote à eux chez moi, qui mangeaient et buvaient un coup. Et là ça a dégénéré, le mec de ma coloc était super bourré, ne s’arrêtait pas de rigoler, disait des trucs chelous et ils commençaient à s’engueuler quand je suis allée me coucher. Ils se sont crié dessus, la porte a claqué plusieurs fois et le lendemain matin, il y avait du vin sur les quatre murs de la cuisine. J’ai pas encore trop osé demander ce qu’il s’était passé exactement, mais j’aimerais bien savoir qui a balancé la bouteille sur l’autre quand même. Enfin toujours est-il qu’il y avait plutôt une mauvaise ambiance à la maison et que j’ai passé mon dimanche dehors. Heureusement, j’ai eu de la bonne compagnie toute la journée et j’ai pu rentrer chez moi à 1h sans croiser personne, histoire d’éviter la gêne qui se serait ensuivie. (…)
http://sogeilberlin.tumblr.com/post/60859966383/the-only-good-system-is-a-sound-system
Florian, l’intellectuel contrarié ou le touriste vagabond et solitaire:
Ce week-end c’était road trip. Van volkswagen, barbecue, vidéos underwater, nuit à la belle étoile sur le sable blanc, discussions sur la vie, nouvel homme et soleil. Il manquait juste ce dernier point. Sans compter que vivre à huit dans un van de huit places, ça fait moyennement rêver. Du coup, on a tout annulé. Au dernier moment. Adieu ma nouvelle photo de profil Facebook du mec qui cherche un sens à sa vie, le regard porté vers la ligne d’horizon.
Le problème, c’est que moi, j’avais travaillé exprès consciencieusement toute la semaine (true story) pour libérer mon week-end. Du coup, je me retrouvais comme un imbécile, sans van et sans programme (poésie 2.0). Bref, comme je suis un rebelle, je me suis couché samedi à 5h du matin, après une soirée relativement improbable qui s’est terminée sur des réflexions existentielles du genre “Saving someone’s life is the best way not to be forgotten » (sic). Et de façon prévisible, je me suis réveillé à 14h, seul dans la maison avec mon pot de nutella et mon jus apple-mango. Comme je suis particulièrement frais au réveil, j’ai bien traîné mon corps pendant à peu près une heure, avant de me décider à enfiler un jean, une chemise, mes lunettes de soleil, et à partir à la découverte de la ville. Seul. Ouais seul, parce que la 3A c’est aussi apprendre à vivre seul un peu (et aussi parce que je n’avais ni crédit ni amis).
Du coup, j’ai pris un random bus – enfin un qui menait vers la City quand même, je ne suis pas si aventurier que ça – et je suis descendu vers Oxford Street pour me balader dans Surry Hills. Surry Hills, c’est un peu le quartier hispters-artistes de Sydney. Populaire dans l’après Seconde Guerre mondiale, il s’est embourgeoisé dans les années 1980, et est devenue le quartier progressiste et branché de Sydney. Appareil photo en main, j’ai donc erré pendant près de deux heures au milieu des rues vallonnées, des maisons toutes colorées et des cafés animés. Je suis passé devant tout plein de galeries d’art qui m’avaient l’air franchement sympathiques. J’ai hésité à m’incruster à un vernissage pour avoir un verre de champagne, en prétendant être un journaliste français, mais je me suis dit que le champagne à 16h n’était pas raisonnable. Je suis aussi rentré dans deux des dizaines de frip que j’ai croisées et qui, croyez-moi, font bien de l’ombre à celles de Paris. J’ai voulu m’acheter une chemise, un sac en cuir, un short et un pull, mais je me suis dit que j’étais pauvre alors j’ai résisté.
Comme j’étais frustré de n’avoir rien acheté, je me suis assis seul dans un café incroyable (…). J’ai fouillé mon sac, j’avais envie d’écrire. Je n’avais que des cartes postales. Je me suis dit que de toute façon, avec mon appareil photo et mon accent, les gens avaient bien compris que je n’étais pas d’ici. J’ai donc écrit trois cartes, avant de réaliser qu’il fallait que je me dépêche avant que le soleil ne se couche pour prendre d’autres photos.
J’ai donc poursuivi mon chemin, et je me suis senti artiste. Perdu dans mes escapades philosophico-photographiques, je me suis perdu pour de vrai.
(…)
http://koalas-vs-spiders.tumblr.com/post/61392846977/confessions-dun-voyageur-urbain
Du cynisme de Camille (et, en passant, petite dédicace au nouveau site Crossworlds):
Ce message résume bien notre vision du typhon avant qu’il n’arrive – et toute la déception qui est allée avec.
Dimanche 22 septembre, vers midi, tout le monde est en agitation pour se préparer au strongest storm on earth. Les magasins sont bondés, les gens stockent de la nourriture et des lampes-torches à foison, on commence à voir quelques indices dans le ciel de la tempête. Les locaux ne rigolent pas du tout et, inquiets, ils prennent la chose très au sérieux.
« Ça » arrive, ça va arriver, c’est tout proche ! L’excitation est palpable du côté de tous les étudiants internationaux qui n’attendent qu’une chose, assister à la fin du monde. On envoie des messages à nos proches, on s’amuse à écrire des publications alarmantes sur Facebook, on suit heure après heure les prévisions du Hong Kong Observatory. Ca y est. L’alarme force 8 est déclenchée. C’est parti. On attend Usagi.
On s’enferme et on attend. J’étais chez moi, je me faisais du riz et je jetais des coups d’œil à la fenêtre. Mais il n’y avait que de la pluie sur mes vitres. Quelques pots de fleurs renversés chez les voisins d’en face. Je crois que j’ai fait comme beaucoup de gens : rester dans mon lit à manger face à mon écran d’ordinateur. Finalement, cela a été une parenthèse régressive remplie de bonbons et de séries télé. Pas besoin de travailler, on n’allait pas pouvoir aller en cours le lendemain de toutes façons. Certains sur les campus ont fait des soirées à thème, du genre « derniers tacos avant la fin du monde ». Tous les étudiants internationaux avaient hâte de voir la Bête arriver.
Et puis rien. Le Monstre n’est pas passé. J’étais presque soulagée d’apprendre qu’il y avait quand même eu quelques morts, ça voulait dire que quelque chose s’était passé, mais ma copine locale m’a vite rembarrée.
Il n’y a donc rien eu de phénoménal. Ce brave Usagi nous a permis d’avoir un sujet de conversation toute la semaine : « Hey, how was your typhon ? » a été l’accroche la plus banale ces derniers jours. Autre réplique assez fréquente, « Li’s Field won. » Populaire parmi les Hongkongais, cette blague ironique fait référence à une sorte de bouclier au-dessus de la ville qui empêcherait les cyclones de se produire pendant les jours de semaine. On devrait son financement à « Li », autrement dit l’homme d’affaires Li Ka-shing. Le marché passe avant tout à Hong Kong !
Dommage, assister à la fin du monde ici, ç’aurait pu être une dernière expérience.
PS : Évidemment il n’y a pas eu de typhoon pier party.
One Comment
Clara Wright
Merci !
Merci pour le soutien!
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