1/2 Avocat d’affaires: M. Kyum C. LEE, cabinet Weil, Gotshal & Manges LLP
M. Kyum C. LEE est Avocat au Barreau de Paris. Diplômé du Master Droit Economique de Sciences Po en 2005, il travaille aujourd’hui dans les bureaux parisiens du prestigieux cabinet américain Weil, Gotshal & Manges LLP, où il a gracieusement accepté de nous recevoir.
Note: cet article n’est que la première partie de l’entretien, dont la suite est disponible ici.
En novembre dernier, LaPéniche.net a publié une interview de Richard Descoings sur la nouvelle Ecole de Droit.
-Présentez-vous en quelques mots :
J’ai intégré le Master Droit Economique de Science Po en 2003, après un Master 2 en droit. La même année, je réussissais le concours d’entrée à l’Ecole du Barreau. Je me suis donc inscrit dans les deux formations et ai mené de front mes études à SciencesPo et à l’école du barreau. Aujourd’hui, je travaille pour le cabinet d’affaire américain Weil, Gotshal & Manges LLP.
-Pourquoi avoir décidé d’intégrer Sciences Po alors que vous étiez déjà reçu à l’école du Barreau ?
Avant tout par intérêt intellectuel, mais c’était également une question de sécurité. En faisant Sciences Po, je disposais d’un éventail de choix plus large après mes études.
-Que vous a apporté votre formation à Sciences Po par rapport à votre formation antérieure en droit?
Sciences Po m’a surtout apporté de la « méthode ». Soyons clair, j’ai adoré mes études à Sciences Po et mon diplôme m’a ouvert de très nombreuses portes, mais je ne peux pas dire que j’y ai acquis les connaissances indispensables à mon métier. Cet aspect-là, je l’ai acquis à l’université et en stage. Au-delà du label que constitue le diplôme, Sciences Po m’a permis d’avoir plus confiance en moi, notamment, en ce qui concerne la prise de parole en public. Dans le Master Droit Eco, on devait faire beaucoup d’exposés sur des sujets sur lesquels on n’était pas forcément à l’aise. Ce type d’exercice est assez formateur.
Sciences Po, c’est également un plus en termes de réseau. Mis à part ma première collaboration qui m’a été offerte par l’un de mes professeurs à Sciences Po, je n’ai pas encore eu l’occasion de le solliciter, mais on ne sait jamais. Je pense quand même qu’être diplômé de Sciences Po peut être utile pour le contact avec certains clients ou certains recruteurs.
-Quels sont les éventuels manques de cette formation en ce qui concerne le métier d’avocat d’affaires?
Je vais être un peu rude. Je pense qu’en section Droit économique, du moins à mon époque, on a une approche très globale des matières juridiques, ce qui ne prépare vraiment ni pour le concours du Barreau, ni pour le métier d’avocat. Je comprends que la possibilité pour les étudiants de Sciences Po de se présenter directement au concours du Barreau soit très contestée.…
Je tiens cependant à préciser que je ne m’exprime ici qu’en mon nom et que mes opinions ne représentent aucunement la position du cabinet.
-Est-ce que vous avez des collègues qui viennent de SciencesPo ? Si oui, est-ce que vous voyez les faiblesses de leur formation ?
Un bon nombre de mes collègues au cabinet sont des anciens de Sciences Po. J’ai eu l’occasion de travailler avec des stagiaires qui avaient suivi uniquement le parcours juridique proposé par l’école, et je dois reconnaître que certains d’entre eux, bien qu’ayant par ailleurs de nombreuses qualités, n’avaient pas toujours les bases juridiques suffisantes.
-Dans ce cas, pourquoi les avez-vous recrutés ? Ils devaient bien pouvoir apporter quelque chose au cabinet ?
Bien sûr. Ici nous travaillons sur des opérations de fusions-acquisitions. Le closing d’une opération est un processus très lourd, qui demande beaucoup d’organisation, de rigueur et de compréhension du monde des affaires. Les bases juridiques ne sont pas les seules qualités que l’on attend d’un stagiaire. Il ne faut pas oublier que les stagiaires apprennent et progressent beaucoup pendant leur stage.
-Quels sont les éléments de la formation qui pourraient être améliorés afin de mieux correspondre aux attentes des recruteurs sur le marché actuel?
Il faudrait faire des TD comme en fac de droit, c’est-à-dire diminuer l’importance du système des exposés ou des dissertations, pour se concentrer sur l’analyse de cas pratiques, des commentaires d’arrêts….bref, il faudrait que les méthodes d’enseignement soient davantage orientées vers l’aspect juridique, et non la simple culture générale, notamment dans des matières comme le droit des obligations, ou le droit des sûretés qui comportent un aspect technique très important.
-Jugez-vous qu’une formation complémentaire soit nécessaire après ou en parallèle de Sciences Po pour être avocat d’affaire?
Oui, je pense effectivement qu’il est préférable de faire un M2 en complément. Pour maximiser ses chances d’être un bon avocat, il faut être un bon juriste, ce qui implique notamment un passage par la fac de droit, où l’on acquiert toute la méthodologie. Mais je sais aussi que la majeure Droit Economique est en amélioration constante. Peut-être qu’un jour l’enseignement qui y est dispensé rejoindra-t-il celui de l’université.
Illustration: BFMRadio
2 Comments
Laetitia M.
Je précise que nous avons publié en novembre dernier une interview de Richard Descoings présentant la nouvelle Ecole de droit. Il est toujours délicat de publier des interviews d’anciens diplômés en sachant que les maquettes des masters évoluent très vite, et qu’un professionnel ayant quitté Sciences Po il y a dix ans n’a pas reçu la même formation que les élèves actuels. Ces entretiens ont cependant le mérite de présenter une entreprise de façon détaillée (ici, le cabinet Weil, Gotshal & Manges) et les conseils d’un ancien diplômé (réseau, entretiens… )Ils fournissent de bons éléments d’appréciation du profil Sciences Po qui, certes, peuvent demander une remise en contexte comme dans ce cas précis.
De manière générale, je ne pense pas que LaPéniche.net ruine l’image des élèves de Sciences Po. Au contraire, pas plus tard que la semaine dernière nous avons mis en ligne l’interview très élogieuse d’une responsable RH du groupe RSCG C&O (Havas).
M1 Dt Eco
L’Ecole de Droit ouverte cette année à SciencesPo., regroupant les masters de CJJ et de Droit Economique, a une tout autre maquette pédagogique que le diplôme acquis en 2005: des enseignements juridiques y sont dispensés et non plus des enseignements généraux. Elèves de ces masters remercions lapéniche qui sans y toucher démonte les efforts de communication des responsables de l’Ecole de Droi,t qui se démènent pour démontrer aux professionnels le renouveau de ces masters juridiques qui permettent aujourd’hui d’être un bon juriste sans forcément passer par la fac de droit.