Là-bas très là-bas
JEUDI 6 AVRIL. Poème autochtone, la crise Covid au Togo
Là-bas très là-bas
Loin du royaume des blancs
Dans les pays du noir
Le sale, le mal, l’or et la peau
On s’interroge
On baisse la tête vers le ciel
Mais même mille prières, amen et donations
Ne font pas jaillir des anges ayant réponse à tout
Alors quand l’azur pique les yeux
Et le soleil ne chauffe plus mais brûle
Noircit encore plus les crânes
On tourne le cou vers l’écran
Miroir, reflet, projeteur
De vérité qui flirte avec mensonges
De vrai qui est saoulé au faux
De questions, de pourquoi, de où ça
Alors on s’enfile
Soirées et nuits sans fin
Où l’interrogation est reine
Et l’alcool est seul sujet
Et demain sera le même
Coups de milles soirs
Là-haut ne me répond pas
Et la télévision ne sait pas
Qui de la mort ou du virus vaincra le premier
Au Sud c’est la panique
Mais là-bas on agit
On couvre, on confine, on calfeutre
Les portes, les visages et les cœurs
Et seul l’écho de l’hurlante
Casseuse d’oreilles et casseuse d’espoirs
Alarme, alerte, attaque
Résonne dans les villes
Ou distanciation n’est même pas un mot
Que les petits ont un jour appris
Là-bas très loin
On hausse les épaules
Certains disent d’agir
Et distribuent par grains
Le tissu, le liquide, le soupçon
D’autres ne savent pas et d’autres ignorent
Car entre faim mort et virus
Pas de mascarade
La moto roule sur le bitume
Le camion s’enlise dans la terre
Les hanches ondulent
Et tous suivent le mouvement
Loin très loin des peuples dont les rues sont vides
On se presse et on se serre et on se bouge
Dans le marché, le village, le territoire
Danger, maladie ou pas
L’argent n’est pas
Alors Covid ou pas
On n’a pas le choix
Les échos
De charlatans et tout-savants
Glissent sur les vagues
Et blessent les côtes
Alors dans l’incertitude
Dans la courbe du point d’interrogation
Point de place pour la négation
Là-bas très là-bas
Chez moi