Stages de terrain : dernier week-end pour envoyer les rapports

La parution d’un article dans de telles circonstances peut sembler audacieux : entre nos moussaillons de la BBB alités et souffrants et nos acharnés bosseurs arrachés par la friday fever, notre lectorat classique semble pour le moins gracile en ce début de week-end. Tout est réuni pour ce que d’aucuns appelleraient un bide. Pourtant, quelques irréductibles 2A nous seront sans aucun doute fidèles ; ces derniers, invétérés procrastineurs, ont repoussé la rédaction de leur rapport de stage tant et si bien qu’ils n’ont plus que ce maigre week-end pour s’inventer une expérience professionnelle. Et ça commence maintenant ! Mais déjà ils délaissent leur lourde tâche de 5 pages pour, au détour d’une apparition facebook, jeter un œil à ce court descriptif, qui plus qu’une enquête fouillée est une piqûre de rappel : mardi, tous les rapports devront avoir été envoyés. Étudiants en 2A, soyez inspirés !

Capture_d_ecran_2012-09-22_a_00.52.42.png

Depuis son instauration par l’administration en 2008, le « stage de terrain » s’est imposé comme un passage obligé pour tout étudiant de la rue Saint-Guillaume. Et ça ne rigole pas ! Les directives de Sciences Po Avenir, Mecque de l’étudiant en mal de perspectives, sont très claires sur le sujet : l’étudiant doit être « mis en situation d’agent d’exécution au sein d’une structure de base d’une organisation publique ou privée », impliquant « une participation effective à une activité de prestation de services, au contact de l’usager, du client ou du bénéficiaire » et ce un mois au minimum. Pourtant les visées et finalités de la démarche divisent au sein de la communauté du 27 : le stage de terrain, véritable initiation professionnelle ou pipeau à la sauce Sciences Po ?

On ne peut séparer l’exercice d’un fond idéologique tout à fait louable : il semble inconcevable que des étudiants appelés à exercer de futures responsabilités ou à diriger une équipe n’aient jamais « mis les mains dans le cambouis » et se contentent d’une vue en hauteur des évènements, d’un point de vue déterminé par la place hiérarchique qu’ils occupent. L’expérience aurait ainsi l’immense mérite d’apprendre au jeune fou épris de gloire qu’est le science-piste les vertus de l’humilité, du respect du travail d’autrui et de la ponctualité. Et il ne faut pas non plus exagérer : les vacances sont longues pour les étudiants de Sciences Po, et le « sacrifice » d’un mois de loisirs n’a jamais empêché personne de profiter des joies de l’été -en dépensant l’argent si durement gagné, notamment!– et n’est pas non plus pénalisant pour les plus sérieux d’entre nous qui, au lieu de paresser en bonne compagnie, s’attelleraient à un stage « classique » pour redorer leurs CV. Mais n’insinuerait-on pas par là qu’un étudiant à Sciences Po n’a effectivement jamais travaillé, et que ses vacances sont celles d’un doux frivole ? Attitude paradoxale pour une école qui, vantant la diversité des origines sociales de ses élèves et cherchant à faire oublier son image d’institut pour « fils à Papa », leur impose de trouver un job d’été, comme si cette « dure condition » n’était pas le lot commun de beaucoup d’étudiants! Nous pouvons reprocher à la démarche cette maladresse, celle d’omettre que ceux qui ont travaillé cet été ne l’ont pas tous fait seulement pour les six crédits de l’administration.

Le « stage de terrain » se heurte enfin à l’éternel mur qui divise les étudiants : le piston. Car les règles du jeu- chercher par soi-même un stage ou un CDD répondant aux critères établis par Sciences Po- sont faciles à enfreindre : une fausse convention, un descriptif de stage aussi humble qu’inventé, et le tour est joué ! En route vers le stage chez le grand-oncle entrepreneur ou aux côtés de Tatie Claudine qui a « si bien réussi dans l’édition » ! Ce tour de passe-passe, certes pas bien méchant, a tout de même la conséquence assez dérangeante de scinder en deux blocs la communauté étudiante : ceux qui jouent le jeu et acceptent la contrainte, par principe ou par obligation, et les autres… et ce même si l’administration surveille de près le choix des stages et leur déroulement grâce au rapport de stage, 5 pages de descriptions approfondies, d’analyses détaillées de l’environnement de travail et le fameux « rapport d’étonnement » qui oblige à faire appel à son dictionnaire de synonymes.

2A, vous savez ce qui vous attend : un grand week-end de réjouissances littéraires. Brodez, ratiocinez, pérorer sans scrupules ! Faîtes de votre expérience de secrétaire ou de livreur de pizzas un projet professionnel ! Quant aux plus rusés d’entre vous, il vous faudra être un peu plus inventif encore. Au final, peu importe ; la deadline, c’est mardi.