Schams El-Ghoneimi, Stagiaire au siège du Groupe AXA (Paris)

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Schams El-Ghoneimi, stagiaire au siège du Groupe AXA (Paris) en 2008 dans la Business Support and Development Unit, a accepté de répondre à nos questions sur son expérience chez Axa.

Quel cursus as-tu suivi à Sciences Po, et pourquoi ?

Je suis entré à Sciences Po à bac 0. Je suis en Affaires Publiques en alternance, donc j’ai douze mois de stage au milieu. J’avais envie d’un cadre professionnel, je n’envisage pas de préparer l’ENA tout de suite et les matières d’AP alternance sont très riches, le travail est intense, on n’a pas l’impression de perdre son temps, et c’est mieux rémunéré sur le marché. En plus, en Finance & Stratégie, les étudiants sont en compétition avec les HEC, et j’ai clairement un attrait pour les questions publiques. Je n’ai pas choisi non plus le master Affaires européennes, malgré ma passion pour les questions européennes, parce que j’avais déjà une bonne connaissance des sujets enseignés dans ce master.

J’aimerais travailler dans la société civile à court terme, au Parlement européen, pour l’UE ! J’ai déjà étudié et travaillé en Égypte.

Pourquoi as-tu fait ce stage ?

J’ai travaillé au siège du Groupe AXA. Ce n’était pas du tout mon premier stage, ni un domaine – la finance- dans lequel je me voyais travailler. J’avais envie de découvrir ce que c’était que de travailler dans une grande entreprise multinationale. Avant, j’avais fait des stages en ONG et à la Commission européenne.

En 2007, AXA c’est plus de 100 000 employés à temps plein et 95 milliards d’euros de chiffre d’affaire annuel. C’est l’un des premiers assureurs mondiaux, uniquement dépassé par son concurrent allemand Allianz, en revenus nets. J’ai adapté mon profil à ce stage nouveau de deux manières :

  • J’ai travaillé avec le directeur Affaires Publiques d’AXA.
  • J’ai travaillé dans la stratégie du Groupe AXA sur les pays Arabes et émergeants.

À la fin du premier entretien avec eux, ils m’ont dit : « On fait affaire ». Mais ils ont mis trois mois à m’envoyer la confirmation. C’était très stressant. Le directeur Affaires publiques et son adjoint ont tous les deux étudié à SciencesPo, ça aide beaucoup.

Comment s’est passé ton stage?

Avec du recul, c’était une expérience très positive car elle a été très formatrice, c’était un vrai stage, avec une masse de travail considérable, un vrai salaire, une vraie hiérarchie et de vraies obligations de rendement. Le fait d’être payé en stage est très formateur et responsabilisant : plus on est payé et plus il y a de pression et d’obligations. Le recruteur t’embauche parce qu’il pense que tu vas vraiment lui apporter quelque chose. Le défi, c’est non seulement de travailler beaucoup, mais aussi de comprendre le plus rapidement possible les bases qui pour eux sont normales. De même, quand on est stagiaire, il faut demander du travail quand on n’en a pas, et ne pas rechercher le travail que l’on veut faire, mais celui que l’on nous donne. C’est important si l’on veut apprendre.

On fait des choses auxquelles on ne s’attendait pas. Les compétences que je pensais être utiles n’ont finalement pas pu être mises à profit comme je l’attendais (l’arabe par exemple, le monde de la finance étant anglophone). De même, mes connaissances en matière communautaire n’étaient pas déterminantes s’il avait fallu se plonger dans une directive: le travail est avant tout technique. La comptabilité a été dure au début. C’est extrêmement utile, même fondamental, pour comprendre une entreprise : il faut regarder son bilan, les chiffres, leurs évolutions. Avec le minimum de notions que j’avais, je pouvais faire de petites sélections : j’ai passé au moins un quart de mon temps à lire des bilans.

On m’a recruté entre autres parce que je parle arabe, mais je l’ai très peu utilisé. On a travaillé pendant trois mois à temps plein sur l’Algérie, dont j’avais une connaissance très relative. J’ai travaillé dessus, parce que c’est là qu’il fallait agir.

Dans le travail, plus le document rendu et la recherche d’information sont bons, plus ils sont profitables à tous et circulent dans l’entreprise. Chez AXA, une compétition est introduite au sein même de l’entreprise, entre les différents départements et des cabinets de conseil à l’extérieur. C’est à celui qui répond le plus vite et le plus précisément.

Qui était ta concurrence dans ta recherche de stage ? Et pendant ton stage ? Comment te positionnais-tu par rapport à eux ?

Nous étions une quinzaine de stagiaires à nous voir régulièrement, tous issus d’Écoles de commerce et une minorité visible venant d’Écoles d’ingénieurs.

Le marché bouge très vite, les étudiants d’Écoles de commerce sont, comparés aux autres, les mieux formés pour ce secteur ; les ingénieurs ont des compétences impressionnantes en calcul et en modélisation ; mais ni les commerciaux ni les ingénieurs n’ont une connaissance meilleure que les SciencesPo en matières juridique, politique, relations internationales… nous sommes au courant de la situation actuelle des relations internationales des voisins et des pays européens. Nous sommes les meilleurs pour avoir une vision générale. C’est un fait : notre spécialisation est la généralité. Nous travaillons autant que les autres, mais là où nous faisons la différence, c’est en étant capable d’apporter notre vision plus globale. On comprend ce qui a trait à l’économie et on est capable de rajouter des informations juridiques : on n’est pas très technique, mais on a une compréhension globale à la fois économique, juridique et sociopolitique qui nous distingue.

Toutes choses égales par ailleurs, les ingénieurs et commerciaux sont a priori mieux préparés pour travailler dans la finance ; mais si on est futé, on leur fait très bien face. Nous SciencesPo par exemple, au-delà de notre capacité de travail, on sait prendre la parole en public, s’exprimer clairement ; or, la communication est capitale pour travailler en équipe ou présenter un projet à un certain public.

Il ne faut pas chercher à rivaliser avec les autres, mais au contraire, à s’entraider pour in fine parvenir à atteindre l’objectif de l’équipe.

Comment t’es-tu valorisé, par rapport à ta concurrence lors de l’entretien? As-tu des clefs pour se valoriser en entretien en tant que Sciences Po ?

Il faut être très professionnel, irréprochable, sans pour autant se montrer arrogant ou naïf. En entretien, il faut dire au recruteur quelle contribution on pense lui apporter, comment on va les aider, mettre en avant ce que l’on sait, mais également tout ce qu’il nous reste à apprendre. Bien sûr, s’habiller de façon professionnelle, être à l’heure, en avance.

Il faut toujours être honnête avec soi-même, il est important de se préparer aux questions que l’on appréhende le plus. Mais aussi faire preuve d’enthousiasme, de curiosité, d’ouverture et de volonté d’apprendre. Je leur ai dit que personnellement, je ne me prédestinais pas aux assurances mais que la perspective de travailler dans une entreprise était tout à fait envisageable.

Il faut aussi aller s’informer avant l’entretien sur ses interlocuteurs et, pendant l’entretien, montrer toute sa jeunesse, être dynamique pour les impressionner et leur montrer qu’on va pouvoir les aider. Bien sûr, il est essentiel de savoir citer l’ensemble de ses expériences professionnelles pertinentes, ou de ses cours pertinents le cas échéant.

Quelles sont les forces et faiblesses de ton cursus/formation à SciencesPo que tu as pu constater ?

À SciencesPo, les langues étrangères sont mal enseignées. C’est un paradoxe énorme puisqu’il y a plus de 40% d’étrangers à SciencesPo. Heureusement, j’ai pu compter sur d’autres facteurs pour obtenir le niveau que j’ai en anglais et en arabe.

Parmi nos atouts : on a eu la chance de voyager en troisième année, cela n’est pas souvent le cas de nos « concurrents » qui sont restés en prépa ou en stage d’entreprise en France. Encore une fois, le niveau général en langues en est d’autant plus paradoxal, notamment car il n’y a ni vrais cours de langue ni suffisamment d’enseignements dispensés en langue étrangère.

La plupart de nos cours n’ont pas servi « directement » à grand-chose, sauf à nous donner des clefs de compréhension et à ne pas être déconnectés. Tout ce qui est théorique donne une trame. On apprend à organiser nos idées de manière claire et synthétique, ce qui est primordial pour travailler efficacement. On a des bases utiles en traitement de texte. La comptabilité était très utile, étant donné les travaux que j’ai eus. Il ne faut pas oublier qu’une entreprise d’assurance travaille d’abord et avant tout dans… l’assurance. Un SciencesPo peut apprendre rapidement et travailler efficacement certes, mais il n’est pas formé spécifiquement à travailler dans l’assurance ou la banque : on apprend en grande partie sur le tas.

Es-tu plutôt fier ou « complexé » d’être un Sciences Po ? Est-ce une force ou une faiblesse ?

Il faut être modeste, ça n’aide jamais d’être arrogant ou méprisant. Il ne faut jamais blesser les gens. Si on se met en avant en tant que Sciences Po, les gens pensent qu’on est imbu de nous-mêmes. Je ne sais pas si l’on peut se dire « fier » d’être à SciencesPo, du moins faut-il rester humble, nous avons beaucoup de chance d’être à Sciences Po. J’ai réussi le concours d’entrée à Bac +0, ça j’en suis fier. En revanche, en entretien de recrutement, il faut dire qu’on est à Sciences Po Paris (pas « IEP de Paris »), et c’est toujours positif de dire qu’on est entré sur concours.

J’étais très bien considéré dans mon stage en tant que Sciences Po. J’avais en partie la même formation que mes supérieurs ; par ailleurs, auprès des autres stagiaires et collègues, « Sciences Po » ça impressionne.

Quel est ton bilan sur l’entreprise dans laquelle tu as effectué ton stage ? Est-ce une entreprise qui recrute beaucoup de Sciences Po ? La recommanderais-tu, et si oui, à quels profils de Sciences Po ?

Je recommande un stage chez AXA sans hésitation, pour tous les profils de Sciences Po. Il faut être ouvert et curieux. AXA ne recrute pas plus le « profil Sciences Po » qu’un autre. À Sciences Po, on n’est pas spécialisé, mais on est crédible : donc on peut se vendre comme on veut et vendre ce que l’on veut, on n’attend pas de nous de super-performance dans un domaine précis. Un grand groupe ne recherche pas avant tout tel ou tel profil, mais surtout des personnes dynamiques, ouvertes et qui savent travailler. L’anglais est un atout énorme évidemment ; le fait d’être bilingue m’a indéniablement aidé, les Français sont souvent impressionnés si on le parle bien (mon entretien s’est en partie passé en anglais). Il faut montrer son originalité, ne jamais être dans le moule : dans un cadre trop bien déterminé, tu n’es plus libre, tu es banal.

AXA est un Groupe très ouvert, avec une très bonne ambiance et qui, malgré sa taille, reste assez convivial. En français, tout le monde se tutoie dès la première rencontre, ce qui est assez étrange lorsque l’on vient de l’extérieur.

Physiquement, ce stage était très fatigant. Les deux premiers mois, je travaillais en moyenne jusqu’à 23h car j’avançais mal, je n’allais pas droit au but. J’ai eu de nombreuses discussions avec mon superviseur. Je n’étais pas productif, je me perdais dans quantité d’informations secondaires comme s’il s’agissait de préparer un concours, alors que chaque information retenue et non partagée directement avec l’équipe est inutile. J’ai appris à mieux travailler et j’ai acquis une bien meilleure productivité par rapport à avant, je travaillais bien et je sortais vers 19h. Quand on n’a pas d’urgence à gérer, ce n’est pas en sortant le dernier que l’on montre que l’on est motivé.

Un point négatif : je n’ai pas eu un seul jour de vacances en six mois ; c’est nécessaire d’avoir quelques jours pour souffler, j’ai trouvé ça très dur. J’ai aussi compris l’importance des jours fériés.

Des perspectives pour toi dans cette entreprise, après ce stage ?

Il y a toujours des perspectives chez AXA. Maintenant, la conjoncture rend évidemment la chose plus difficile, mais c’est du court terme. On m’a dit que mon stage pouvait être un stage de pré-embauche, mais qu’il ne déboucherait pas forcément sur un job.

Quelles étaient tes indemnités de stage, par rapport aux autres stagiaires ?

Mon indemnité mensuelle brute était bien supérieure au SMIC.

Les salaires de stagiaires sont répartis par tranches, selon le niveau de formation et l’expérience professionnelle. Les grandes Écoles sont les mieux rémunérées. Il est bien sûr valorisé d’avoir une expérience professionnelle dans le domaine où l’on postule, même si, encore une fois, AXA recherche avant tout des esprits ouverts et prêts à apprendre beaucoup au cours de leur stage – ce qui est le propre d’une bonne formation professionnelle.