6 questions pour comprendre la réforme de la gouvernance de Sciences Po

Un article d’Albane Miressou-Got, Ulysse Bellier et Yann Schreiber.

Il s’agit, dans les termes de Frédéric Mion, de la « plus profonde » modification de la gouvernance de Sciences Po depuis 1945. De nouveaux textes fondateurs pour l’école sont entrés en vigueur début 2016. À travers ces nouveaux statuts, des représentants étudiants font leur entrée au conseil d’administration de la FNSP, où est voté le budget. C’est une première dans l’histoire de Sciences Po. Mais malgré son importance, cette réforme ayant abouti après trois ans de négociations reste floue. La Péniche décrypte pour vous les principaux enjeux.

Extrait du communiqué de Sciences Po en janvier 2016

1) Quelle est la différence entre la FNSP, Sciences Po et l’IEP de Paris ?

Sciences Po regroupe deux entités : la FNSP et l’IEP de Paris. La Fondation Nationale des Sciences Politiques (FNSP) est une organisation de droit privé. L’Institut d’Etudes Politiques de Paris (IEP) est un organisme public, un grand établissement d’enseignement. Sciences Po est le nom qui fédère ces deux éléments.

Ce modèle, dit dual, existe depuis 1945. La FNSP, privée, est l’instance qui gère les finances de l’IEP, public. C’est la FNSP qui reçoit les financements publics et les ressources de Sciences Po – frais d’inscriptions notamment – et qui possède et gère l’immobilier.

C’est donc bien la FNSP qui dirige les grandes orientations de Sciences Po. Cela permet une indépendance dans les choix à la fois financiers et pédagogiques.

L’IEP de Paris est géré administrativement et financièrement par la FNSP. Le directeur de l’IEP, actuellement Frédéric Mion, est aussi l’administrateur de la Fondation. Les structures sont donc très étroitement liées.

Par cette réforme, la FNSP et l’IEP de Paris seront dotés de nouveaux statuts appliqués par décret ministériel.

 

2) Pourquoi la réforme nous concerne ?

Les statuts de Sciences Po règlent non seulement la gouvernance de l’école, mais par là aussi tous ce qui va avec : qui vote le budget ? Qui élit le directeur ? Et bien d’autres questions.

Cette réforme est « la rénovation la plus profonde de la gouvernance de Sciences Po depuis 1945 », a écrit Frédéric Mion, directeur de Sciences Po, dans un e-mail aux étudiants le 20 janvier 2016. La structure de l’école est bouleversée : la composition, le mode de fonctionnement et les compétences des différentes assemblées gouvernant la FNSP et l’IEP changent. Manifestation la plus concrète de ces changements : un nouveau mode de scrutin pour les élections syndicales, qui gagnent aussi en importance.

 

3) Dans le nouveau système, quel conseil / quelle assemblée gère quoi ?

 

Le conseil d’administration de la FNSP prend toutes les décisions financières, c’est-à-dire les plus importantes. Y siègent désormais 25 personnes, dont le vice-président du Conseil d’Etat, de nombreux universitaires, des représentants des personnels, des enseignants et des élèves. Sont présent également deux représentants de l’Etat qui ne votent pas.

L’Institut d’Etudes Politiques de Paris comprend trois conseils.

Le conseil de l’Institut. Il comprend 31 membres, dont des universitaires, des étudiants et des personnalités extérieures. Il précise les grandes orientations décidées par le conseil de la FNSP et « détermine la politique générale de l’établissement en matière d’enseignement, de recherche et de documentation », selon les nouveaux statuts. Il définit les conditions d’admission et le règlement intérieur de l’IEP.

Le conseil de la vie étudiante et de la formation. C’est l’ancienne commission paritaire. Composé de 18 membres, parmi lesquels des représentants des professeurs, des étudiants et du personnel de Sciences Po, sa compétence est surtout la vie associative. La commission de la vie étudiante (CVE), qui vote les subventions de plus de 600€ pour des projets d’associations et qui était au coeur d’une controverse en début d’année (lien interne vers dossier subventions), est maintenue. Marque du développement de Sciences Po, les statuts précisent que ce conseil « anime et coordonne la vie étudiante dans les campus des régions. » Les conseils de la vie des campus, des sorte de mini-conseils entre étudiants, enseignants et administration à l’échelle des campus ne fait plus partie des statuts après la réforme.

Le conseil scientifique est doté de 39 membres. Il régit « la politique scientifique de l’établissement ». Il est composé de 20 membres de droit, comme les directeurs des unités de recherches de Sciences Po –  tel le CEVIPOF – et de 19 membres élus, dont notamment 3 doctorants.

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4) Quels changements à retenir ?

Le changement qui marque le plus est celui de l’entrée de deux représentants étudiants au conseil d’administration de la FNSP. Ces élus participeront à toutes les décisions majeures concernant la vie de l’établissement dans l’instance la plus importante de l’école. Ils participeront au vote du budget global et des frais de scolarité. C’est une avancée symbolique, car si les étudiants ont peu de chance de faire basculer les décisions du conseil, il leur sera possible de rendre compte publiquement de l’activité de ce conseil d’administration.

Du côté de l’IEP, c’est le conseil de direction, devenant le « conseil de l’Institut », qui change le plus. Les chercheurs y seront plus représentés, de plus que les partenaires de Sciences Po (ville de Paris, une collectivité locale d’un campus en région, universités parisiennes, etc.).

La procédure de nomination du double poste d’administrateur de la FNSP et de directeur de l’IEP est largement précisée dans les nouveaux statuts. Cela fait écho à la succession chaotique de Richard Descoings en 2012. Désormais, une commission réunissant les conseils de l’IEP et de la FNSP doit se réunir pour proposer un nom au ministre de l’enseignement supérieur.

Les nouveaux statuts prévoient également un plafond d’âge de 70 ans et une limitation à trois mandats pour le directeur de Sciences Po.

De plus, la durée des mandats étudiants dans les différents conseils passe de un à deux ans. Les élections syndicales auront donc lieu seulement tous les deux ans.

 

5) Quelle portée et quel impact pour cette réforme ?

Pour Sciences Po, la réforme répond surtout à une demande de transparence après un rapport accablant de la cour des comptes et la condamnation de Jean-Claude Casanova, président du conseil d’administration de la FNSP, pour une affaire de salaires de l’ancien directeur de Sciences Po, Richard Descoings (lien interne).

Interrogé par La Péniche, le syndicat étudiant majoritaire UNEF, n’a « pas le sentiment que les étudiants vont être plus écoutés qu’auparavant », même si les avancées sont jugés non-négligeables en matière de transparence et de démocratie. Josselin Marc, président de l’UNEF Sciences Po, estime que même si les étudiants auront un mot à dire sur le budget, ils restent minoritaires au conseil d’administration et n’auront pas de poids conséquent sur les décisions.

« L’augmentation de la durée des mandats étudiants à deux ans permettra de traiter des dossiers sur le long terme », estime Josselin. Mais ce changement posera aussi un problème de représentativité puisque les prochains étudiants de première année ne pourront pas élire leurs représentants. Il y aura aussi un problème d’exercice des mandats par la troisième année passée à l’étranger ou les années de césure.

« De nombreux enjeux ont été étouffés en 3 ans de négociations », regrette Josselin. Le nombre d’élus n’a pas systématiquement augmenté, alors que le nombre d’étudiants à Sciences Po est en hausse. L’UNEF pointe du doigt la diminution du nombre de doctorants au conseil scientifique, dont le nombre d’élus a diminué.

 

6) De nouvelles élections ?

Les élections syndicales auront lieu du 15 au 17 mars 2016, puis du 29 au 31 mars 2016, en cas de second tour. Les étudiants de Sciences Po y éliront d’un coté des représentants dans les conseils de l’IEP – Conseil de l’institut, Conseil scientifique, Conseil de la vie étudiante – et de l’autre les deux délégués pour le conseil d’administration de la FNSP.

Les listes collectives ou candidatures individuelles doivent se faire pour chaque conseil. Chaque liste doit être composé alternativement d’un candidat de chaque sexe. Les candidatures doivent être déposées avant le 1er mars.  Il n’est pas possible d’être élu dans deux conseils de l’Institut.

Le vote électronique va être utilisé pour les prochaines élections de mars 2016, et concerne ainsi l’ensemble des étudiants. Selon l’UNEF, cette nouvelle méthode a ses avantages comme ses inconvénients. En effet, le vote électronique a déjà été mis en place dans d’autres universités, et il a été frappant que le taux de participation a explosé dans un premier temps. Mais sur le long terme, l’effet du vote électronique devient nul dans les cas observés. Il reste enfin le risque de fraudes et de problèmes informatiques.