Non, non ma fille tu n’iras pas voguer

La publicité sexiste qui choque les étudiantes rémois.

Vous attendiez avec impatience la fin des midterms pour pouvoir fêter la première moitié du semestre comme il se doit ? Voyons voir ce que notre cher Vogue nous proposait pour le samedi 2 mars: Une soirée «Bad Intentions», aux allures de film érotique.

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Quel est le pire? La photo de l’événement qui met en scène le corps d’une femme sans visage dont la minceur correspond évidement aux critères de beauté qui s’affichent partout, l’entrée gratuite pour les filles qui auront respecté ce «dress code sexy» ou l’injonction aux messieurs, «dress to kill»?

Cette dernière formulation a retenu mon attention. Synthèse rhétorique d’une certaine image des genres et de leur rôle respectif dans la sexualité, la séduction- la société?- :
L’homme part à la chasse de cette femme qui poireaute dans ses habits de velours, prête à être croquée mais supposée paradoxalement insaisissable. Poussez cette image à l’extrême, on se retrouve vite devant les vitrines du quartier rouge d’Amsterdam avec l’embarras du choix.
En proposant une soirée comme celle ci, le club le plus fréquenté par la communauté étudiante rémoise nous plonge dans le stéréotype érotique d’un rapport entre les sexes fixe, immobile, presque à sens unique où la gente féminine n’a qu’à bien se tenir. Derrière cette sexualité soi-disant libérée et ces fantasmes assumés, derrière ce qu’un thème comme celui-ci veut bien proposer comme façon d’envisager et de comprendre le sexe, il y a ces rôles toujours déjà là et des préjugés qui ont la vie longue.

Ne vous méprenez pas, mon indignation n’est pas mue par un puritanisme anachronique ou le rejet d’un érotisme délivré. Les intentions du Vogue ne sont certainement pas mauvaises. Pourquoi blâmer l’initiative d’une soirée de plaisir? Le problème vient surtout du cliché que nous infligent les mots employés, les propositions vestimentaires et l’ambiance attendue. Chaque sexe dans son rôle, les genres à leur place et nos folies seront faites en sécurité. Car en se voulant le lieu de relâche du plaisir, le Vogue enferme et terrasse la sexualité dans une prison de dentelle où les femmes sont des objets de désir et les hommes des machines à plaisir. Où est la libération là-dedans? La singularité du rapport à la sexualité et à la séduction? L’opportunité de réinventer des formes particulières, de liens amoureux et/ou érotiques détachés de ces stéréotypes genrés universalisants ? Sans parler évidemment de la place qu’un tel thème offre à la communauté homosexuelle qui n’aura qu’à aller faire la fête ailleurs.

Je vous l’accorde, c’est trop demander à une boîte de nuit comme le Vogue de ne pas perpétuer cette image affligeante de «la» femme, de «l’»homme, «du» couple, «du» plaisir. Mais organiser une soirée, où les femmes se déshabillent pour acheter leur entrée tandis que les hommes payent pour se rincer les yeux c’est pousser au paroxysme une certaine représentation des rapports de sexe et c’est l’établir comme unique, légitime et normative. En particulier lorsque le club en question accueille un aussi large public et propose ce thème pour une soirée de week-end.

Enfin pour éviter que cette soirée pseudo-déjantée ne se transforme en orgie dérangeante, les organisateurs, mesdemoiselles, nous préviennent, «sexy mais pas vulgaire». Pour reprendre les mots indignés d’une amie : soyons belles mais pas trop, sexy mais pas trop, gentilles mais pas trop, en bref existons mais pas trop. Un message dont le Vogue ne nous donne qu’une expression parmi d’autres et dont il faudrait s’inquiéter qu’il soit encore en place dans la société moderne. Mais ça c’est une autre histoire.

Par Lila Braunschweig