Mort-moi, un projet pour saisir l’insondable

Le 2 octobre, Anne Bert est décédée. L’écrivaine, qui s’est rendue en Belgique pour recevoir une injection létale, a remis la question de la légalisation de l’euthanasie en France sur le devant de la scène. Invitée sur de nombreux plateaux TV, elle avait fait de son choix un combat politique.

Comment s’y prend-on pour confronter des jeunes à un sujet sensible tel que celui de la mort ? Comment les sensibilise-t-on ? « Mort-moi : perspectives sur l’euthanasie », initiative étudiante récemment reconnue, a décidé de relever le défi. C’est donc un sujet de société qui est désormais représenté dans le tissu associatif de notre école.

L’image comme réponse aux questions 

A l’origine de cette initiative : Léa Falco, étudiante en deuxième année en bi-cursus. Sensible à la question de l’euthanasie en France et aux débats qu’elle suscite, Léa exprime sa volonté de faire rentrer cette question dans l’univers sciencepiste. En effet, selon l’étudiante, il s’agit avant tout d’une interrogation qui nous concerne tous. Étant pour l’heure égaux face à la nécessité de la mort, nous sommes tous amenés à nous poser des questions quant à notre fin de vie. Mais comment exposer la thématique de l’euthanasie aux sciencepistes ? Pour cela, elle choisit l’image : un documentaire composé d’interviews avec des spécialistes de la question, creusant en profondeur les perspectives pour l’avenir.

Pour les besoins de son oeuvre, Léa Falco part à la rencontre d’académiciens spécialistes des questions de bioéthique, mais aussi de membres du corps médical. Ayant déjà travaillé l’année dernière sur le projet filmographique « La danse domestiquée », le principe de la réalisation ne lui est pas étranger. Techniquement, le projet est rendu possible grâce au service de prêt de matériel de Sciences Po. De plus, les personnes intéressées par le projet et souhaitant lui apporter leur soutien peuvent contacter Léa, toute aide est la bienvenue. Aucune compétence particulière n’est requise puisque des formations caméra et montage sont délivrées au sein de Sciences Po.

Que dit la loi Leonetti en vigueur en France ?

La loi sur la fin de vie en France établit plusieurs points. Elle refuse « l’obstination déraisonnable du corps médical » et rend possible l’arrêt des traitements lorsque leur seul effet est le maintien artificiel de la vie. Elle donne le droit à une « sédation profonde et continue » jusqu’au décès. Malgré tout, elle se heurte à des limites du point de vue juridique, comme on a pu le voir avec l’affaire Vincent Lambert.

Quelle forme prendra le documentaire ?

Le documentaire se présentera en trois parties distinctes. Dans un premier temps, il s’agirait de revenir sur un problème de sémantique et sur la manière dont on conçoit la mort aujourd’hui. Elle serait abordée sous un angle historique et philosophique. Qu’est-ce que l’on appelle euthanasie ? A quel moment juge-t-on que quelqu’un est mort ? Léa évoque un nouveau paradigme qui touche notre société : « La mort est passée du cœur au cerveau ». Auparavant, un individu était considéré mort lorsque son cœur s’était arrêté de battre. Aujourd’hui, avec les progrès techniques, il est pratiquement possible de faire battre un cœur indéfiniment à partir du moment où l’on est raccordé à une machine. On considère que quelqu’un est mort lorsqu’il est en état de « mort cérébrale ».

Dans une seconde partie, il sera question du cadre juridique français concernant la fin de vie, en comparaison avec celui des pays voisins qui parfois autorisent l’euthanasie, comme la Belgique. La dernière partie, qui, pour Léa, est la plus importante de toutes, partirait du postulat « Un jour, l’euthanasie sera légalisée en France » et se pencherait sur les démarches concrètes qui seront effectuées. Quelles décisions juridiques seront prises ? Qui aura le pouvoir de décision ? De quelle manière se déroulera la procédure ?

Un projet plein d’ambition, que l’on pourra découvrir à la fin du second semestre lors d’une projection.