Mikhaïl Gorbatchev, le dernier des Soviétiques
À l’annonce de la mort de Mikhaïl Gorbatchev, dernier dirigeant de l’URSS, ce mardi 30 août, les réactions ont été nombreuses et dithyrambiques chez les dirigeants occidentaux. Pourtant, le dernier Secrétaire Général du Parti Communiste de l’Union Soviétique, reste une figure très impopulaire en Russie aujourd’hui.
« Je mets fin à mes fonctions de président de l’URSS ».
Pour le « camp occidental » dessiné durant la Guerre Froide (1947-1991), ces quelques mots sonnant le glas de la superpuissance soviétique furent synonyme d’une forme de victoire du « camp du Bien ». L’Ouest incarnant à tout le moins la démocratie libérale, le respect des libertés individuelles et collectives ainsi que le capitalisme dans une certaine mesure. On peut aisément considérer que la Guerre Froide était déjà sur le point d’être désamorcée depuis la Chute du Mur de Berlin (09/11/1989) comme en témoignait les séparations progressives des satellites soviétiques voire de certaines Républiques Socialistes Soviétiques (Estonie, Lettonie et Lituanie notamment). Toutefois, la démission de Gorbatchev accéléra le processus et mena peu de temps après à la dissolution effective de l’URSS (1991). Ces éléments montrent que le bloc de l’Est avait perdu cette guerre d’usure : une guerre qui divisait le monde depuis cinq décennies.
En Russie, Gorbatchev tenu pour responsable des difficultés post-Guerre froide
En Russie cependant, la démission de Gorbatchev a pu être, dans un premier temps, vécue comme une libération du joug du totalitarisme communiste. Toutefois, cela n’a pas tardé à plonger l’ex-superpuissance dans une situation chaotique. En effet, l’établissement de la démocratie post-communisme en Russie est synonyme de « thérapie de choc » avec le passage d’un marché centralisé par l’État communiste à une économie libérale du jour au lendemain, de déclassement total du pays sur la scène internationale. Il semble évident que Gorbatchev n’était pas le responsable direct des décisions politiques des années 1990 ayant conduit les Russes à subir l’extension d’une situation de pauvreté souvent extrême. Toutefois, dans l’imaginaire collectif, Gorbatchev est tenu pour responsable de l’arrivée au pouvoir d’un dirigeant comme Boris Eltsine ; symbole d’une décadence de la puissance russe tant sur le plan social que diplomatique et économique. De ce fait, aujourd’hui encore Mikhaïl Gorbatchev cristallise la rancune et la déception des Russes face à cette puissance déchue. Cette vision n’est pas aidée par le manque d’indépendance des médias vis-à-vis de l’État autoritaire. Ce spectre du rayonnement avorté et de capacités perdues a pu constituer un terrain fertile à la popularité de Vladimir Poutine au sein de sa population puisque son objectif affiché était de redonner à la Russie sa puissance d’avant 1991.
Les hommages rendus à Gorbatchev dans un contexte d’agression russe en Ukraine
Les réactions des dirigeants occidentaux ne se sont donc pas faites attendre à l’annonce de la mort de Mikhaïl Gorbatchev. Joe Biden, le Président des Etats-Unis, a salué un « leader rare » qui avait permis « un monde plus sûr et davantage de libertés pour des millions de personnes ». Boris Johnson, Premier ministre britannique pour quelques jours encore, a qualifié Gorbatchev « d’exemple pour nous tous ». Dans un contexte d’échanges à l’international plus pacifiés, on aurait pu s’attendre à ce que de nombreux dirigeants fassent le déplacement en Russie pour les funérailles de celui que l’on surnommait « Gorbie ». Toutefois, dans le contexte de la Guerre en Ukraine, il aurait été difficile pour ces dirigeants qui tentent autant que faire se peut d’isoler Poutine et de le pousser dans ses derniers retranchements, de se rendre en Russie. D’ailleurs, le président russe a annoncé que lui-même ne se rendrait pas aux funérailles de son prédécesseur après que le pouvoir officiel russe a rendu hommage à l’ancien chef d’État par le biais d’un communiqué lapidaire et que Poutine s’est rendu quelques instants sur la dépouille du dernier des Soviétiques.
Une menace pour les pouvoirs russes et chinois ?
Si les réactions à la mort de Gorbatchev sont dithyrambiques chez les dirigeants occidentaux, elles le sont beaucoup moins en Russie mais aussi en Chine. En effet, pour Vladimir Poutine comme pour Xi Jinping (président de la République Populaire de Chine), Mikhaïl Gorbatchev, parce qu’il avait accepté de perdre son pouvoir au nom des velléités démocratiques des soviétiques, est un personnage que les deux présidents abhorrent. Il symbolise pour eux la chute de ce qui aujourd’hui fonde une grande partie de leur pouvoir : un autoritarisme sans contestation possible, et le communisme à l’échelle étatique.