Intégrer Sciences Po : le manque d’informations dans les lycées « de province », une réalité ?

Intégrer Sciences Po, telle est l’ambition de nombre de lycée.ne.s, mais pour préparer son admission, encore faut-il disposer de toutes les informations nécessaires. L’accès à ces précieuses informations est-il le même pour tous.tes ? Pour le savoir, nous sommes parti.e.s à la rencontre de lycéen.ne.s et de professeur.e.s venant de lycées dits de « province » pour recueillir leurs témoignages et leur ressenti. Nous nous sommes penché.e.s sur le manque d’informations concernant la formation et l’admission à Sciences Po Paris dans ces lycées. Parmi les élèves interrogé.e.s, 7 lycéens ou lycéennes sur 10 ne se considèrent pas suffisamment informés sur la formation proposée à Sciences Po, et seulement 39% d’entre eux pensent que leurs professeurs sont capables de les informer à ce sujet, sachant que la plupart des personnes ayant répondu viennent d’une ville de moins de 10 000 habitants.[i] Cela montre que le phénomène de pénurie d’informations est d’autant plus fort dans les lycées dits de « province », plus à l’écart des grandes villes. Mais existe-t-il réellement un manque d’information concernant l’enseignement supérieur dans les lycées de province ?

Pour Mélie, élève de première au lycée de Morez, une ville du Jura, c’est le cas. Elle explique qu’elle « n’est pas assez renseignée et que c’est un peu stressant, » ce qui peut parfois l’amener à se démotiver. Sciences Po est l’école qu’elle vise depuis maintenant plusieurs années, mais elle a beaucoup de mal à s’informer et à trouver les données qui conviennent. Perrine, élève de seconde au lycée du Pré Saint Sauveur à Saint Claude, commence déjà à s’intéresser au post bac pour faire le choix de spécialités le plus pertinent possible. Pour se renseigner, elle fait « beaucoup de recherches personnelles » et considère même que ses professeur.e.s « ne peuvent pas l’aider à s’informer », en particulier sur Sciences Po, car ils n’ont pas de connaissances sur cette école précisément.  Ces lycées de province auraient-ils moins accès à l’information sur la formation proposée par Sciences Po ? Les avis sont partagés sur la question, cependant, il est indéniable que les intéressé.e.s doivent faire preuve d’une volonté personnelle pour obtenir des informations sur la formation, et cela aussi bien du côté des étudiant.e.s, qui doivent réaliser leurs recherches en fonction de leurs ambitions, que du côté des professeurs qui s’informent pour aider du mieux possible leurs élèves.

Parmi les difficultés, il faut insister sur le fait que les informations proviennent essentiellement des sites web, notamment de celui de Sciences Po, et des réseaux sociaux, mais qu’il manque alors tout l’aspect humain et concret de l’information. En effet, 78% des jeunes interrogé.e.s considèrent que la rencontre avec des étudiant.e.s déjà membres de l’école serait l’un des meilleurs moyens pour se faire une idée concrète de la formation, d’autant plus que, comme certain.e.s l’ont fait remarquer, les lycéen.e.s ont des idées bien arrêtées sur  Sciences Po et la vision interne d’un.e étudiant.e pourrait alors démonter ces idées toutes faites. Mais en venant d’un lycée plutôt reculé, les intervenant.e.s sont rares et la possibilité de se déplacer en personne l’est tout autant. Ces lycéen.e.s souffrent donc d’un manque d’informations qui peut nuire à leurs études. Les professeurs tentent de les aider et les accompagner du mieux qu’ils peuvent, bien que ce ne soit pas toujours évident.

Avec la nouvelle réforme du baccalauréat mise en place pour les épreuves de 2021, chaque professeur principal suit une vingtaine d’élèves, et organise chaque semaine une heure d’orientation dédiée aux questions, à l’accompagnement, aux recherches… Mme Lerein, une enseignante d’histoire-géographie au lycée de Saint Claude dans le Jura, a accepté de partager son expérience. Dans son groupe, « une moitié d’élèves savait ce qu’ils voulaient faire », il s’agissait donc avec eux d’effectuer un travail d’approfondissement, « mais l’autre moitié ne [le] savait pas », ce qui rend le travail plus difficile. Pour les aider le plus possible, Mme Lerein a créé un groupe Instagram avec ses étudiant.e.s car selon elle, il s’agit du meilleur moyen de les toucher et de les informer. Sur ce compte, elle leur partage des liens et des informations sur toutes sortes de formations qui pourraient les intéresser, et notamment au sujet de Sciences Po, une école qu’elle leur conseille fortement car elle considère que ses étudiant.e.s sont brillants et qu’intégrer cette école leur permettrait de développer leur potentiel au maximum.  Cependant, elle précise bien qu’en tant que professeur, « ce n’est pas son métier ». Dans son cas, elle s’y intéresse beaucoup car sa fille est aussi concernée par ces choix, et en profite donc pour partager ses connaissances à ses élèves. Une autre professeure dans le même lycée nous conforte dans cette idée : « il faut vraiment chercher de façon personnelle, ce qui peut se révéler parfois difficile et prenant ». Nous touchons donc ici à un sujet sensible auquel plusieurs réponses semblent être possibles, mais celle qui revient le plus est l’intervention de personnes concernées directement par la formation dans ces lycées dits de « province » pour pallier ce manque, et donner une chance à ces lycéen.ne.s de prendre en compte toutes les possibilités. Cependant, il ne faut pas oublier, comme Mme Cogniez, professeure de lettre classiques, a su nous le faire remarquer, « qu’une partie doit être faite par l’élève » : l’information est nécessaire, mais la motivation l’est d’autant plus !


[i] Questionnaire réalisé à titre indicatif auprès de 52 lycéens et lycéens venant de la région Bourgogne-Franche-Comté. Les réponses ont été collectées de façon anonyme, et les questions portaient sur la situation de leur lycée et leur relation à l’information sur Sciences Po.