Etre sciencepiste et entrepreneur, c’est possible !

« Connecting the Dots » ( « relier les points » dans la langue de Molière ) : tel est le credo de Sciences Po Entrepreneurs. Ce programme atypique, qui a vu le jour en 2008, permet aux élèves de la rue Saint-Guillaume de recevoir tous les outils nécessaires pour devenir entrepreneur. La pierre angulaire de Sciences Po Entrepreneurs a un nom mystérieux : l’Incubateur. La Péniche vous présente ce système intriguant et performant.

 

Quel est le rôle de l’Incubateur ?

Il est très simple : mettre à disposition des étudiants qui auraient un projet de start-up des locaux, des enseignants expérimentés en matière de création d’entreprise, et une formation complète pour maîtriser aussi bien le marketing que la communication.

L’Incubateur accueille chaque année une quinzaine de projets de start-up, initiés par des étudiants. Mais Sciences Po Entrepreneurs possède d’autres cordes à son arc ! Un Atelier de Créativité Entrepreneuriale a par exemple été créé, pour permettre aux étudiants de 1A comme de M2 de se confronter à toutes les étapes de la création d’une entreprise.

Peut-on faire de Sciences Po la fabrique des entrepreneurs de demain ?

Le projet paraît ambitieux, mais depuis huit ans, les résultats de Sciences Po Entrepreneurs sont convaincants. De nombreuses start-ups venues tout droit de l’Incubateur connaissent le succès. Parmi celles qui ont retenu l’attention de votre rédacteur, il y a notamment MEME, entreprise fondée en 2015 qui produit des cosmétiques pour les femmes atteintes du cancer, Jam, une intelligence artificielle qui répond aux questions des étudiants, ou encore « Le Chocolat des Français », fondé par deux ex-sciencepistes, qui vend des tablettes de chocolat aussi Made in France que les marinières de La Péniche !

L’entreprenariat n’a jamais été aussi vivace en France, et Sciences Po semble déterminé à suivre cette belle dynamique. Après Sciences Po Entrepreneurs, un nouveau palier est franchi cette année avec la création d’une Ecole du Management et de l’Innovation.

 


Parmi celles et ceux qui ont choisi de s’écarter des sentiers battus pour partir à la découverte du monde fascinant de l’entreprenariat, il y a Lorraine Strauss. Fraîchement diplômée de l’IEP, Lorraine Strauss est la fondatrice de WeArts, une start-up originale dédiée à l’art. Sur WeArts, les artistes, quels qu’ils soient, peuvent entrer librement en relation les uns avec les autres pour construire des projets ensemble. La Péniche est allée à la rencontre de l’entrepreneure, qui, si elle avoue ne pas beaucoup dormir la nuit, fait grandir WeArts grâce à sa passion et à son indéfectible enthousiasme.

 

P.A : Pour commencer, pourrais-tu nous résumer ton parcours ? Comment en es-tu arrivée à fonder WeArts ?

L.S : Après le collège universitaire, je me suis spécialisée en sécurité internationale, plus spécifiquement en lutte anti-crime organisé et antiterroriste. C’est en voyant l’essor des initiatives de paix fondées sur l’art que j’ai constaté que c’était était un formidable vecteur de cohésion entre les populations.

Au cours de mes études, j’ai rencontré Maxence et Jérôme, et nous avons voulu créer un court-métrage ensemble. Mais devant la difficulté de trouver des profils assez variés et complémentaires ( stylistes, photographes, acteurs ), nous nous sommes dit qu’il y avait vraiment un problème à résoudre car LinkedIn n’est pas adapté au monde de l’art.

 

P.A : WeArts, l’entreprise que tu as créée, s’occupe donc de mettre des artistes en relation pour résoudre ce problème ?

L.S : Oui, l’idée est de leur donner plus de visibilité et de leur permettre de travailler sur des projets conjointement. Le site est gratuit pour les artistes, ils peuvent se créer et gérer leur profil en ligne, mettre en avant leurs créations, leur travail, trouver d’autres professionnels et se faire contacter facilement. Cela permet aussi à des amateurs d’art de découvrir de nouveaux talents !

 

P.A : Et comment as-tu fait pour fonder ta start-up à Sciences Po ? Est-ce que c’était difficile ? 

L.S : C’est là qu’une quatrième personne, le développeur, est arrivée dans notre équipe. Il était à Sciences Po et également photographe ( il a remporté le dernier concours du BDA ! ). Il nous a aidés à mettre en place le site Internet. C’est important, car notre initiative se fonde d’abord sur le site Internet, puis sur des espaces communs pour permettre aux artistes de se rencontrer. Evidemment, ce n’est pas évident de créer une entreprise. En fait, ça demande énormément de temps. On s’est rencontrés en juillet 2015, donc on travaille sur le projet depuis un an et demi déjà.

 

P.A : D’accord ! Et justement, selon toi, quelles sont les qualités qui font un bon entrepreneur, un entrepreneur qui réussit ?

L.S : Selon moi, la principale qualité, c’est la passion. Il faut aimer ce que tu fais lorsque tu crées une start-up. Mon équipe et moi-même, nous adorons l’art, et c’est ce qui nous pousse. On voit que certains artistes galèrent pour monter leurs projets et on veut vraiment résoudre ce problème.

 

P.A : Est-ce que tu as toujours voulu être entrepreneuse ou le déclic t’es venu d’un seul coup ?

L.S : Je voulais intégrer Sciences Po en me disant qu’il y aurait une formation assez large, qui me permettrait d’avoir aussi bien des connaissances en économie qu’en droit. Aujourd’hui, les connaissances que j’ai acquises me servent pour écrire des statuts juridiques, gérer un business plan, créer un dossier presse… Beaucoup de compétences diverses sont requises.

 

P.A : Est-ce que tu te serais imaginée travailler en entreprise, ou tu te sentais vraiment l’âme d’une entrepreneuse ?

L.S : Pour avoir fait plusieurs stages dans des entreprises où, justement, on est juste une petite fourmi et où l’on accomplit beaucoup de tâches inutiles, je sais que ce serait impossible pour moi de revenir dans le monde de l’entreprise. Je souhaite rester dans une dynamique de start-up.

 

P.A : Est-ce que tu penses que l’entreprenariat pourrait changer l’image de Sciences Po ?

L.S : On dit souvent que les gens qui sont ici ont une voie toute tracée. Mais de plus en plus de jeunes de Sciences Po cassent cette image en choisissant de lancer leur boîte. Ils veulent aller de l’avant, quitte à prendre des risques car fonder une entreprise, c’est forcément un coût en termes de temps et de moyens.

 

P.A : L’entreprenariat, c’est aussi une manière de penser par soi-même et de se détourner de la pensée unique ?

L.S : C’est une façon de réfléchir par soi-même, et de se remettre en question. Lorsqu’on a une idée, il faut savoir trouver le just balance entre quelque chose que l’on défend et la nécessaire remise en question. Il faut défendre une idée, mais aussi savoir s’adapter.

 

P.A : Est-ce qu’il y a des moments où tu as rencontré des difficultés en tant qu’entrepreneuse, qui t’ont amenée à te remettre en question ?

L.S : Il y a toujours des moments de doute, de solitude, parce qu’on trouve que les choses ne vont pas assez vite. Mais c’est aussi comme ça que l’on apprend à se motiver, et la motivation est une chose indispensable. Bâtir un site, attirer ses premiers clients, tout cela prend beaucoup de temps. Et les gens qui sont extérieurs au projet te demandent en permanence quel en est l’avancement, sans forcément se rendre compte de l’investissement que ça représente.

 

P.A : Dernière question : est-ce que tu penses que l’entreprenariat a un avenir en France ?

L.S : Oui, vraiment. De plus en plus de structures se mettent en place, comme la halle Freyssinet qui vient d’être créée par Xavier Niel, et qui attire des start-ups venues du monde entier.

Il faut justement créer un écosystème favorable aux start-ups aussi bien françaises qu’internationales, et c’est grâce au mélange des cultures qu’il y aura un réel dynamisme.