Dune, ne vous enfouissez pas !
Dune, dune, dune…Pendant près de deux heures et demi, nous naviguons entre les dunes d’un désert qui semble sans fin. Il s’étend à perte de vue et le voyage que nous propose Denis Villeneuve, le réalisateur, est à la fois palpitant et interminable.
Palpitant, car confortablement installés au fond de notre moelleux fauteuil, nous sommes submergés par les intenses émotions, par le suspense et par les péripéties que traverse le jeune Paul, prince-héritier du Royaume des Atréides. Nous sommes plongés dans un tout autre univers, univers de guerres interstellaires où le rapport au monde est totalement différent : c’est un monde de planètes et non de continents. L’espace est leur monde, la modernité donne la possibilité de se mouvoir au sein d’un espace inimaginable ! Et la beauté que « Dune » nous offre est à couper le souffle, les effets spéciaux rendent cet univers du futur presque réaliste : là est le paradoxe. La justesse des paysages bruts et naturels participent de cette véracité. La nature reprend ses droits. La planète « Arrakis » (Dune est son surnom) nous rappelle les déserts de l’Afrique du Nord, le fief des Atréides les plaines, les collines et les falaises vertes irlandaises. Ce lien, cette connexion entre présent et futur permet ainsi de nous identifier à une humanité qui nous sera à jamais inconnue car éloignée mais qui nous laisse la liberté de rêver et d’imaginer.
Le synopsis du film est classique et s’organise autour de soif de pouvoir, de guerres de trône et d’autorité, de persécution des uns par les autres, de poursuites d’idéaux mises à mal par la mécanique des Gouvernants, d’exploitation de la nature et d’un peuple pour des profits indécents. Les Fremen vivent paisiblement sur Dune, or, ces dunes de sable renferment « l’Epice », objet de convoitise qui a la capacité de faire de l’humain le plus doux et droit possible le pire de son espèce. Sur Dune vivent également des vers de terre, démesurément grands et de vrais prédateurs.
Paul et sa famille représentent « les bons », les idéalistes, les pacifistes qui pensent pouvoir renverser l’ordre violent établi. Tant de pureté et de naïveté qui se heurte à la brutalité des « méchants » : la maison Harkonnen. Ennuyante dichotomie et dualité du monde qui ne peut jamais être tout blanc et tout noir.
Les Harkonnen sont atroces, répugnants, ils font frissonner. Leur chef incarne à lui-seul l’essence de la tyrannie. Soutenir le regard devant sa laideur est un exploit. À toute cette tension provoquée par des luttes sanguinaires s’ajoutent la magie et le surnaturel. Avec parcimonie et talent, le réalisateur saupoudre quelques éléments de spiritisme, de rêves prémonitoires, de liens entre les êtres, de pouvoir, de contrôle, de chuchotements de voix… qui se matérialisent avant tout en la personne de Paul. Paul est un jeune garçon avec des dons extraordinaires et doué de courage, de force et de vertus : il est le fils parfait. Peut-être trop ? Est-il l’espoir, le Messie (le Mahdi) qu’attendent les Fremen ? Pourquoi Paul est-il si familier et attiré par cette planète et ressent-il le besoin de rejoindre le peuple autochtone ?
Tant de questions qui restent sans réponse après une interminable tension qui ne retombe pas. La fin du film approche et nous n’avons en réalité rien appris. L’histoire se tisse à un rythme lent et précis : le réalisateur veut-il faire durer le plaisir ? Un second film sortira très certainement si celui-ci rencontre le succès attendu, tâche ardue… Rappelons qu’un autre film s’est essayé à adapter « le Cycle de Dune », collection de romans de Frank Herbert dont Dune (1965) est le premier. L’adaptation de cette oeuvre est un sujet sensible car la précédente s’est heurtée à un échec.
Celle-ci réconciliera-t-elle le public avec cet univers intergalactique qui rappelle Star Wars ? Star Wars reçut tous les lauriers, on préféra oublier « l’échec Dune ». Or, en remettant au goût du jour, en utilisant avec brio des effets spéciaux et en invitant la fine fleur des acteurs d’Hollywood (Timothée Chalamet, Zendaya, Oscar Isaac entre autres), le réalisateur québécois réussira-t-il l’exploit de créer une franchise Dune, de susciter les passions de fans déchaînés ou même de détrôner Star Wars ?
Après deux ans de COVID que l’on aimerait mettre sous le tapis, se trouver projeté dans un univers loin de la réalité est agréable et dépaysant. Une opportunité de fuir un monde que nous éprouvons tous les jours pour atterrir dans un univers inconnu qui nous offre des images à dévorer des yeux.
Qu’en pensent les spectateurs ? Conquis ? Déçus ? Déboussolés ? Blasés ? La Péniche vous propose l’interview d’un membre de l’association de cinéma de Sciences Po, Close’Up, Clément Renaudin, trésorier.
Q : Connaissais-tu la saga et l’univers « Dune » avant la sortie du film de 2021 ?
R : Je connaissais de nom mais je n’avais jamais lu aucun livre avant. Après avoir vu le film, j’étais curieux de voir si oeuvre littéraire et adaptation cinématographique correspondaient et j’ai commencé à lire les livres.
Q : As-tu vu la version de 1984 de David Lynch ?
R : Je n’ai pas vu la version de David Lynch mais j’ai entendu beaucoup de critiques à son égard : un argument supplémentaire pour voir celle de 2021.
Q : Es-tu rentré dans l’ambiance dès le début du film ?
R : J’ai tout de suite été plongé dans l’atmosphère du film car j’ai vraiment apprécié son esthétique qui est sincèrement très belle. Parfois, cette esthétique joue au détriment de l’action et l’on se sent perdu.
Q : Quelles sont tes impressions générales (Film un peu lent ? Ou au contraire, trop court ? Effets spéciaux ? Mise en scène ? suspense ?)
R : Le film n’est pas long mais lent. Cela fait partie de la mécanique du film qui est parfaitement équilibré. Les effets spéciaux sont magnifiques et appuient une mise en scène propice au suspense. Les paysages et les décors ne sont pas habituels et cela invite au voyage.
Q : Que penses-tu du casting ?
R : Le casting est très bon et leur jeu s’inscrit bien dans l’univers du film. Cela est cohérent. Je trouve cependant que Timothée Chalamet est un choix étonnant car il fait très juvénile et l’on aurait attendu un Paul plus « âgé ».
Q : As-tu accroché à l’histoire ?
R : Je suis rentré dans univers à fond, l’intrigue est très compréhensible et accessible. Il y a une mise en place de l’histoire et des explications pour comprendre les subtilités et chaque personnage. J’ai bien aimé le « bene gesserit », une mythologie que l’on ne cerne pas maintenant mais qui fera le lien plus tard.
Q : Es-tu déçu par la « non-fin » ? Attends-tu avec impatience le numéro deux ?
R : On reste sur notre fin mais je ne dirais pas que je suis déçu. Ce film est un film de science-Fiction et c’est normal que l’accent ne soit pas mis sur l’action mais sur l’univers et la psychologie. L’action s’efface au profit d’une poétique qui installe l’histoire. Et bien évidemment, j’ai hâte que le second volet sorte !
Q : Comprends-tu l’engouement autour du film ? Sur-coté ? Sous-coté ?
R : Le film est un peu sur-coté, surtout avec le casting très médiatisé et connu. Il touche un public très large. L’engouement est certes exagéré mais le film mérite les critiques dithyrambiques à son égard.
Q : Quelle est ta scène favorite ?
R : J’ai adoré la fin, c’est-à-dire la marche dans le sable du désert de Dune, jusqu’à ce que Paul et sa mère rejoignent les Fremen. Le film se clôt sur cette interrogation : pourquoi et comment Paul connait-il les Fremen et leurs coûtumes ? Et pourquoi veut-il s’intégrer à leur peuple ? J’ai également été fasciné par les scènes de découverte du palais sur Dune qui sont grandioses. En revanche, les scènes de violences et d’actions brutales ne sont pas les plus intéressantes ni le principal. Cet univers de science Fiction est complexe et l’action n’est pas recherchée ni primordiale.
Q : Penses-tu que Dune est une critique de notre monde actuel ?
R : C’est un film intellectuel avec une géopolitique des planètes qui n’est pas développée dans Star Wars par exemple. On comprend les relations tendues et les guerres commerciales entre les différentes maisons au pouvoir. Mais je ne pense pas que cela soit une critique de notre civilisation. En tout cas, je ne l’ai pas interprété en ce sens.