Des Hongrois en plein milieu de la Roumanie

Aujourd’hui, Claire Schreiber, en 3A à Bucarest, nous explique la situation des miniorités hongroises en Roumanie.

La Roumanie est un pays de minorités, 18 minorités ethniques sont officiellement reconnues par le pays et chacune ont un siège réservé à la Chambre des Députés. La question des minorités ne se cantonne pas aux frontières roumaines, au contraire elle pimente les relations diplomatiques de la Roumanie avec ses voisins et particulièrement avec la Hongrie. En effet, la communauté magyare représente la plus importante minorité du pays, à savoir 6,5% de la population. Les Magyars vivent principalement en Transylvanie, une région montagneuse du centre et du Nord-Ouest de la Roumanie et sont majoritaires dans deux départements Harghita et Covasna. Rien de plus étonnant quand on vient de France, ce pays où l’ethnicité n’existe pas, de découvrir qu’au beau milieu de la Roumanie les panneaux de signalisation sont bilingues, les églises catholiques (la Roumanie est un pays à majorité orthodoxe) et les écoles hongroises.

Pour comprendre la situation actuelle, il faut remonter au Traité de paix de Trianon en 1920 et la perte par la Hongrie, en tant que puissances vaincue, de la Transylvanie. Les Hongrois autrefois majoritaires et politiquement dominant, se retrouvent minoritaires et soumis à une politique de roumanisation. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, la Transylvanie revient brièvement dans le giron hongrois, mais avec la mise en place du régime communiste et particulièrement durant le règne de Ceauşescu, l’intégration forcée reprend de plus belle. En 1990, alors que la Roumanie fait ses premiers pas en démocratie, un violent conflit ethnique éclate à Targu-Mures, ville constituée à part égale de Roumains et de Magyars. Les causes du conflit sont assez floues, côté roumain on accuse les Magyars d’avoir attaqué les institutions et des policiers roumains. Côté hongrois, on privilégie la thèse du complot et la volonté du gouvernement roumain de saper les revendications de la minorité (langue, droits culturels, autonomie). Les violences se soldent par 5 morts, près de 300 blessés et une opposition encore plus ouverte entre Hongrois et Roumains. Aujourd’hui, la Roumanie reconnaît pleinement les droits de cette minorité via le droit à l’éducation en hongrois ou l’utilisation du hongrois dans l’administration locale mais pour les populations concernées l’application des lois laisse à désirer. Ces avancées considérables sont dues à la volonté de la Roumanie de se rapprocher des standards occidentaux en ratifiant la convention de Strasbourg sur les minorités nationales en 1995 et la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires en 2008 ainsi qu’au rôle jouée par l’Union Démocratique des Magyars de Roumanie (UDMR), quatrième force politique du pays, représentée au Parlement depuis sa création et souvent présente au gouvernement. A Budapest, les Hongrois de Roumanie sont aussi très écoutés. Ils font partis de la stratégie du Premier Ministre populiste, Viktor Orban, qui veut faire revivre la grande Hongrie. Ainsi, depuis 2011, les Magyars de Roumanie ont le droit d’obtenir la nationalité hongroise en prouvant simplement qu’ils parlent la langue et qu’ils ont des ancêtres hongrois. Ce qui leurs donne le droit de voter aux élections et même dans certains cas de recevoir des aides sociales du gouvernement hongrois. Pour l’instant, les Magyars de Transylvanie n’ont pas encore eu l’occasion de voter. Il faudra attendre les élections législatives de 2014 pour voir si les électeurs hungaro-roumains souhaitent remercier le FIDEZs de Viktor Orban pour la défense de leurs causes.

Mais le conflit ne s’arrêtent pas aux provocations du gouvernement hongrois, au niveau local, les deux régions les plus « hongroises » réclament leur autonomie et défient les autorités roumaines en mettant au fronton des bâtiments publics le drapeau sicule (communauté magyare la plus ancienne de Transylvanie) et en multipliant les manifestations. A Budapest, le même drapeau a rejoint pendant quelques jours le drapeau hongrois et le drapeau européen au fronton du Parlement et dans chaque pays les nationalistes manifestent pour ou contre l’autonomie.

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Lors du dernier match de foot entre les Hongrie et la Roumanie à Budapest le 26 mars dernier, les hooligans roumains et hongrois étaient prêts à en venir aux mains pour régler la question. A Bucarest comme à Budapest, les personnes les moins concernés par la question, c’est à dire ceux qui n’ont pas de famille en Transylvanie ou qui n’y ont jamais mis les pieds sont les premiers à prendre position. A l’inverse, pour beaucoup de Roumains d’ethnicité magyare, la cohabitation est tout à fait possible. Mais les seules voix qui se font entendre sont celles des autonomistes qui sont en conflit ouvert avec Bucarest. Alors qu’en 2005 la Roumanie et la Hongrie avaient l’ambition de se réconcilier sur le modèle franco-allemand, en 2013, la route est encore longue pour que Roumains et Hongrois se sentent enfin dans le même bateau.

Claire Schreiber