Démission du 1er ministre bulgare sous la pression de la rue
La Bulgarie connaît actuellement un vrai séisme politique : le Premier ministre Boïko Borissov a démissionné le 19 février dernier. Entraînant dans sa chute son gouvernement de centre-droit, Borissov a cédé face à la protestation populaire. Des manifestations pacifiques se faisaient entendre depuis le début du mois dans tout le pays : la capitale Sofia a d’abord contenu les cris de colère du peuple bulgare avant que ceux-ci se diffusent dans les autres villes de Bulgarie.
Or, l’immobilisme politique des dirigeants et l’échauffement des manifestants ont conduit à la radicalisation en une dizaine de jours de ces mouvements, d’abord pacifiques. Les heurts avec la police causèrent une trentaine de blessés. Mais des pics de violence se font parfois remarquer et menacent de mettre le feu aux poudres, comme l’immolation de deux hommes le 20 et le 21 février. Toutefois la population soutient globalement les manifestants dans leur lutte.
La hausse des prix de l’énergie met au jour un malaise persistant.
Car ce qui a déchaîné le mécontentement de la population bulgare, c’est la hausse forte et rapide des factures d’électricité, qui ont parfois varié du simple au double de janvier à février. Or, dans le pays le plus pauvre de l’Union Européenne où le revenu moyen atteint 350€ par mois, une facture d’électricité s’élevant à plus de 100€ mensuel a de quoi faire bondir. Toute une partie de la société bulgare menace de basculer dans la pauvreté à la suite de cette hausse drastique du prix de l’énergie.
L’augmentation des tarifs est le fruit de l’oligopole qui contrôle le marché bulgare de l’énergie depuis sa privatisation en 2007. Voulue par l’Union européenne, l’ouverture des marchés a permis à deux entreprises tchèques et à une firme autrichienne de mettre la main sur le secteur énergétique bulgare. Elles justifient la hausse des tarifs par un pic de froid survenu cet hiver et par une rénovation en cours du réseau électrique.
Or cela fait déjà des mois que la Commission Européenne pointe du doigt la Bulgarie : l’ouverture du marché de l’énergie prend du retard et consacre la position oligopolistique des trois firmes dominantes. De plus, de forts soupçons de collusion entre ces entreprises et les politiciens bulgares font que la hausse des tarifs ne peut pas paraître légitime aux yeux des citoyens.
Mais on peut se demander ce que Bruxelles espérait en forçant la libéralisation d’un marché qui était avant 2007 l’apanage d’un monopole public, cela avec des dirigeants peu fiables à la tête du pays : le marché énergétique bulgare n’a pas trouvé de repreneur national solide. C’est pourquoi des entreprises étrangères exploitent les ressources que le manque de réactivité du secteur privé bulgare avait laissées aux autres en 2007. Les politiciens peuvent bénéficier d’avantages à la provenance douteuse d’autant plus importants que surveiller trois entreprises privées est plus corsé que garder à l’œil un monopole étatique. Quant au peuple bulgare, il continu irrémédiablement de s’appauvrir.
Les manifestations qui ont fait trembler la vie politique bulgare n’étaient donc plus simplement dirigées contre la hausse alarmante du prix de l’électricité. La grande majorité des bulgares souhaitent aujourd’hui des réformes structurelles qui pourraient assainir la vie politique nationale et la séparer du secteur économique. Car c’est cette séparation de façade qui fait qu’un pays potentiellement prospère comme la Bulgarie voit sa population sortir dans la rue pour hurler sa colère face au chômage et à la pauvreté.
La démission de Borissov comme un aveu de son échec ?
Boïko Borissov avait choisi la voie des réformes a minima plutôt que celle d’un changement en profondeur : il avait annoncé au début des manifestations qu’il s’engageait à diminuer le prix de l’électricité de 9%. Promesse qui en plus d’avoir des effets dérisoires comparativement au doublement des prix de l’énergie, n’a pas été tenue. C’est pourquoi après presque quatre ans à la tête du gouvernement bulgare, Borissov a pris la décision de se retirer. Peut-être pour continuer son activité de garde du corps, qui était la sienne avant son entrée en politique ?
Le Président de la Bulgarie, Rossen Plevneliev doit donc, comme le prévoit la Constitution du pays, tâcher de réunir un gouvernement d’experts indépendants pour diriger la Bulgarie jusqu’aux élections législatives anticipées, qui devraient avoir lieu en mi-avril. Mais si un tel gouvernement peut servir le peuple justement par son détachement de la vie politique bulgare -plutôt mouvementée-, les technocrates pourraient tout aussi bien s’attirer les foudres des citoyens : si des problèmes surviennent, le peuple risquerait de se sentir spolié de sa légitimité par un gouvernement de parvenus qui n’est même pas sorti des urnes.
Or, Borissov a surement ce schéma en tête. En effet, les Bulgares veulent des changements, mais seuls 21% d’entre eux étaient favorables à la démission du Premier Ministre. Un échec du gouvernement de transition permettrait un retour en fanfare de Borissov, auréolé d’une légitimité nouvelle conférée par le peuple déçu lors des législatives en avril prochain. Ce coup de Poker ne paraît pas totalement invraisemblable, au vu de l’impétuosité du, dorénavant, ex-Premier Ministre bulgare.
Tom Guilbert est le responsable WEB de Noviny (www.noviny-news.eu)