Dans les coulisses de la DAIE

« Cher (e) X ,

Nous vous informons que vous n’avez pas soumis votre dossier de troisième année ou séjour hors les murs.

Nous vous rappelons que le dépôt des dossiers en ligne (à travers votre Espace Sciences Po) se termine bientôt et nous vous invitons à déposer votre dossier en ligne le vendredi 21 décembre (16h00) au plus tard. »

Vous aussi vous avez reçu ce mail. Pas la peine de le nier, au bout de deux semaines d’ouverture de la procédure en ligne, seuls 40 dossiers sur 1 400 avaient été envoyés. Donc pas le vôtre. Comme près de 90% de la promo, vous voulez partir dans une université partenaire de Sciences Po, et vous êtes en train de finir (commencer ?) votre lettre de motivation. Vous lisez des rapports des années précédentes, comparez le nombre de places, regardez le nom des cours, la durée des vacances, la météo sur place?

Et comme je fais pareil, j’ai décidé de procrastiner utilement en allant rencontrer Gabriela Crouzet Rehorova, directrice adjointe de la Direction des Affaires Internationales et des Echanges et Caroline Johnson, responsable du pôle mobilité étudiante.

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« Il faut se déstresser »

« De toute manière, où que tu ailles tu vas passer une bonne année ! », « Aaaah, à ton âge j’aurais rêvé d’avoir une telle opportunité ! ». Oui, c’est sûr. Et pourtant, le choix est cornélien : sur près de 400 universités partenaires (386 si mes calculs sont bons), il faut en choisir 6. Et même dans les six, généralement les deux derniers choix sont plus des bouche-trous qu’autre chose. Et les rumeurs vont bon train : « si tu choisis ça, ils vont te mettre là-bas pour remplir les places, fais gaffe ! ». La DAIE souhaite nous rassurer sur ce point : «  Nous effectuons un travail consciencieux et attentif pour essayer d’accorder a chacun d’entre vous ce qui correspond le mieux à votre projet et à l’université partenaire ».

Et d’ailleurs, pour ne pas renforcer l’atmosphère de compétition, la DAIE a décidé d’arrêter de communiquer les taux d’attribution. Finies les batailles de chiffres ! « On a parfois affaire à des étudiants qui sont dévastés d’obtenir leur quatrième choix, mais ce n’est pas un échec ! Le message que nous voulons faire passer, c’est : choisissez vos 6 universités en fonction de vos envies et de votre projet ! Arrêtez les stratégies qui vous font mettre des choix qui ne vous intéressent pas, et surtout, déstressez-vous. ».

Le processus d’affectation

La dessus aussi, on entend un peu tout et n’importe quoi, et même les stratèges ne sont pas d’accord entre eux. Si certains choisissent de mettre des universités peu demandées en dernier choix, pour être sûrs d’êtres affectés quelque part, d’autres, au contraire, choisissent des universités très compétitives en choix 5 et 6, « comme ça ils sont obligés de me donner mon premier choix ».

En fait, les six choix ne sont pas regardés dans leur ensemble, et surtout, « la décision n’est pas faite d’un point de vue institutionnel. On ne vous mettra pas dans une université juste pour remplir des places, ce n’est pas notre but. On regarde d’abord votre premier choix. »

Les premiers choix sont donc étudiés. Si le nombre de places est suffisant, les places sont attribuées au premier choix. Si ce n’est pas le cas et qu’il y a compétition, il y a alors étude des dossiers. Et là, cela dépend de l’université partenaire. Car il ne faut pas oublier que la sélection se fait à un double niveau : la DAIE vous affecte dans une université, mais celle-ci peut se réserver le choix de refuser votre dossier. Mais n’ayez crainte, cela n’arrive que très rarement. La sélection de la DAIE est très minutieuse, parce que se faire refuser un élève n’est pas bon pour la réputation de SciencesPo. La compétition entre dossiers est donc différente selon les universités demandées. « Forcément, pour les universités de la Ivy League, le niveau d’anglais et le dossier académique priment. » explique Gabriela Crouzet Rehorova. « C’est aussi vrai pour d’autres universités, mais tout dépend de l’exigence des partenaires. Par contre, pour des destinations difficiles comme l’Afrique ou l’Inde par exemple, ce sont évidemment le projet personnel, la motivation et surtout la préparation au séjour qui comptent le plus. Ce ne sont pas les mêmes types de séjour, donc pas les mêmes attentes. Il est très difficile de comparer ». « Mais dans tous les cas, la lettre de motivation est très importante. Plus vous montrez que votre projet colle avec ce que propose l’université plus vous avez de chances d’avoir ce que vous voulez », ajoute Caroline Johnson.

Ensuite, si le premier choix ne peut être attribué pour des raisons de compétitions, on regarde le second choix, et le dossier est envoyé au responsable de la zone demandée, et la procédure se répète jusqu’à ce que l’affectation soit décidée.

Les premiers dossiers traités sont ceux qui concernent les pays et les universités les plus demandés. « Les quatre classiques sont bien sûr Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni et Australie. Ensuite, selon les années il y a des « modes », l’année dernière c’était le Brésil et l’Argentine, cette année, qui sait ? On ne peut pas prévoir, anticiper ces tendances, mais on les traite du coup en priorité. » Le but étant que les gens ayant demandé des choix compétitifs ne se retrouvent pas sans affectation.

La nécessité d’une « confiance mutuelle »

« La DAIE n’est pas une agence de voyages ». Si cela peut sembler évident, il est apparemment encore nécessaire de le rappeler. Depuis plusieurs années, un phénomène se répand : les désistements. Au moment des affectations, certains étudiants se rendent compte que leurs choix ne leur plaisent pas (cela arrive pour des étudiants qui obtiennent leurs derniers choix mais aussi parfois, et plus étonnamment, pour des premiers choix). Or cela pose de grosses difficultés à la DAIE. Il faut donc instaurer une « confiance mutuelle. Vous devez savoir que nous sommes là pour vous affecter au choix qui vous correspond le plus, mais nous devons aussi savoir que vous ferez des choix et que vous vous y tiendrez. »

Et cette confiance est aussi valable une fois sur place. Un étudiant qui ne se comporte pas bien met en danger le partenariat pour l’année suivante. Il en va de même pour les étudiants qui souhaitent quitter l’université où ils sont en cours d’année, pour faire des stages par exemple. « Il faut expliquer à l’université partenaire que notre étudiant ne se plait pas chez eux : cela signifie rompre l’accord. Les changements sont très compliqués institutionnellement. »

Le message de la DAIE est donc clair : choisissez pour vous, mais quand même dans vos capacités, ne faites pas de stratégies, mais n’oubliez pas qu’il y a de la compétition, et surtout, choisissez sagement. En clair, on n’est pas beaucoup plus avancés. Allez, après tout, ce qui est important, comme le dit si bien la lettre de motivation d’un étudiant (souhaitant rester anonyme – et à juste titre) la troisième année, c’est une « expérience humaine, inoubliable et dont je ressortirai plus mûr, grandi ».

Pour les indécis et les insomniaques, vous pouvez jeter un oeil à quelques anciens articles publiés il y a deux ans par LaPéniche.net. Guide 3A qui vous comprendrez bien, n’a pas vocation à être exhaustif : – ScandinavieIndeAustralie/Nouvelle ZélandeAfrique/Moyen-OrientEtats-Unis/CanadaChine/Japon

2 Comments

  • Racine

    Il y a beaucoup à dire sur la méthode de sélection de la DAIE. Je ne veux les pas accuser, sans aucune preuve, d’avantager certains élèves aux dépends de certains autres, mais il faut reconnaitre que la façon dont ils attribuent les universités est presque aussi obscure que la façon dont est choisi le directeur de Sciences Po.
    Les choses ont peut-être changé depuis l’année dernière, mais je me rappelle que l’on se posait beaucoup de questions sur le nombre de place réservées aux étudiants en campus délocalisés, sur la possibilité de contester la décisions finale de la DAIE (ça, je suis sûr que certains l’ont fait lorsqu’ils étaient trop déçus par leurs choix, malgré que la DAIE ait proclamé bien haut que ses décisions étaient définitives), et sur l’importance de la lettre de motivation par rapport aux notes de la première année (un summa cum laude s’est retrouvé dans la même université que moi, qui est certes très bonne mais qui n’était que son 4ème choix).
    Difficile de parler de « confiance mutuelle » dans ces conditions.