Ce que vous allez devenir en entrant à Sciences Po

Article de prévision chamanique basé sur des faits réels

Après un été passé à écouter votre grande-tante Marie-Germaine, selon laquelle votre entrée à Sciences Po signifie automatiquement que vous deviendrez Président.e de la République, vous avez peut-être l’impression que votre titre flambant neuf de sciencepiste va faire de vous un être à part promis à un destin exceptionnel. Il paraît hélas bien compliqué que chaque élève de la nouvelle promo 2023 accède aux fonctions suprêmes de la République. Mais une vérité demeure : à défaut de prendre le pouvoir, vous allez bel et bien changer pendant votre séjour au 27 rue Saint Guillaume, pour devenir bientôt – et peut-être plus tôt que vous ne le pensez – de véritables Sciencepistes ™.

Face à cette annonce déstabilisante, et pour que vos premiers pas dans l’inconnu se passent au mieux, nous avons dégagé quelques pistes pour vous préparer à ce qui vous attend, ainsi que quelques conseils qui peuvent vous aider à vous fondre dans le décor.

Un lexique particulier

 Pour commencer, votre vocabulaire va bientôt s’enrichir de dizaines de mots compréhensibles uniquement par vos camarades. Comme dans toute startup nation qui se respecte, et puisque vous êtes plutôt libéral – si ce n’est pas encore le cas, pas de panique, ça ne saurait tarder ! -, votre lexique va s’enrichir de termes anglais et autres néologismes décrivant des concepts plutôt obscurs que vous allez découvrir pendant vos premières semaines. Aussi incroyable que cela puisse paraître, vous utiliserez bientôt les mots « paper », « slide», « 13U », « appariteur », ou « triplette» presque quotidiennement !

Notre conseil : utilisez les équivalents français de ces termes lors de vos conversations avec votre famille. Vous éviterez ainsi les regards d’incompréhension qui suivent immanquablement des déclarations du style : « Oui, elle est dans ma triplette, l’autre jour on s’est même croisées en Péniche devant Boutmy, elle tablait pour SPE ».

Des citations à connaître

Dans la suite logique de votre processus d’intégration, vous vous mettrez à citer plus que de raison les œuvres-cultes connues de tout.e bon.ne sciencepiste. Nous ne parlons pas ici du Prince de Machiavel, des Bernstein et Milza ni du Core Economics de Yann Algan – même si à tout bien y réfléchir savoir en parler de temps en temps vous sera utile -, mais bien de ce qui fait la grandeur de notre cinéma national, à savoir Astérix et Obélix mission Cléopâtre, et des deux volets d’OSS 117. C’est comme ça, pour survivre dans cette jungle aux lois sans pitié, être capable de raconter que vous venez de tuer un croco ou que vous ne laisseriez pas Larmina conduire est indispensable.

Notre conseil : apprenez tout de même une autre définition des dictatures que « Une dictature c’est quand les gens sont communistes, déjà. Qu’ils ont froid, avec des chapeaux gris et des chaussures à fermeture éclair. ». Les correcteurs des copies d’examen ne partagent pas toujours notre amour du 7ème art.

Parler pour ne rien dire

En plus de ce merveilleux lexique, vous allez très vite apprendre la spécialité locale de la rue Saint-Guillaume, à savoir être capable de tenir dix minutes à parler de n’importe quel sujet, avec un plan en 2 parties – 2 sous-parties. Bientôt, vous ne saurez plus vous exprimer autrement qu’avec ce balancement, “ni oui, ni non”. Assez pénible quand la question posée est “Peux-tu me passer le sel?”, cela reste la formule gagnante d’une copie réussie.

Notre conseil : n’en abusez pas. La légende raconte qu’un ancien élève aurait étendu cette technique ancestrale au domaine du politique, et que les conséquences furent irréversibles.

Aimer l’administration de l’école… pour le meilleur et pour le pire

 Dès les premières réunions, vous verrez que – hélas – parler pour ne rien dire n’est pas un sport exclusivement réservé aux élèves ! Vous serez vite confrontés à un nombre alarmants de discours qui vous paraîtront aussi importants que flous, et qui évoqueront régulièrement des concepts mystérieux tels que « l’engagement pour la Cité », « la pluridisciplinarité » ou « l’ouverture à l’international ». Vous serez peut-être sceptiques quand l’on vous demandera de “construire la construction de votre cursus”. Pas de panique, tout est normal, il faut savoir que les objectifs du Parcours Civique restent encore à ce jour le plus grand mystère irrésolu de notre école…

Notre conseil : comme ce projet est en période test, les conférences sont nombreuses et un peu longues. Pour faire face à l’ennui, profitez-en pour lire les nombreux articles de La Péniche, disponibles sur notre site.

Un réseau hors du commun

 « Sciences Po va vous apporter un réseau » sera l’une des phrases que vous entendrez le plus. Et ce n’est pas tout à fait faux : pendant la semaine d’intégration, vous rencontrerez plus de personnes différentes que vous n’en avez vues depuis votre naissance – à peu près. Vous ferez connaissance avec vos futur.es ami.es aux nombreux pique-niques de rentrée, aux afterworks, dans les associations que vous intégrerez ou même en cours, car vous serez parfois mélangé.es avec les élèves d’autres promotions. Un avantage à cette richesse de l’école : sortir en soirée n’est plus une perte de temps mais l’entretien de votre business plan.

Nos conseils : vous ne vous souviendrez pas des noms de toutes les personnes que vous aurez rencontrées, mais n’hésitez pas à les ajouter sur Facebook après avoir discuté ! Et souvenez-vous surtout que toute la promo est aussi stressée que vous à l’idée de ne pas réussir à s’intégrer. 

Un engagement à deux vitesses

Tout comme vos nombreuses rencontres, les associations seront au cœur de votre scolarité. D’une part, il y a beaucoup de chances pour que vous vous retrouviez engagé.e dans cinq associations à la fois au début de l’année – ne sous-estimez pas le talent des sciencepistes en matière de com -, mais aussi parce que la plupart d’entre elles proposent une offre importante de conférences et d’événements en tous genres, et qu’il n’est pas rare d’y voir des célébrités.

Notre conseil : dans le cas d’une soirée, il est préférable de se renseigner à l’avance sur l’association organisatrice. Vous pourrez alors éviter les dix minutes de présentation des spécificités de chaque pôle par un.e de ses membres, et passer plus directement à l’essentiel. Dans le cas d’un afterwork, toujours valoriser celui de votre journal étudiant préféré : pour cela rendez-vous mardi 28 août à 19h au Basile (3,80€ la pinte !)

Une orientation politique à géométrie variable

Savoir parler politique, et en particulier avec vos maîtres de conférences, sera un incontournable de vos futurs nouveaux acquis. À ce sujet, il existe deux écoles. L’orientation politique d’un.e professeur.e peut être facile à deviner : le combo particule-chevalière-mocassins ne trompe pas, tout comme la manifestation d’un amour immodéré pour Thomas Piketty, Karl Marx ou le port d’un t-shirt du Che. Certain.es seront alors tenté.es d’adapter leur discours en fonction du cours dispensé, et  d’autres se lanceront toutes voiles dehors dans la défense de la cause qui leur tient à cœur.

Notre conseil : Même si un engagement franc est tout à fait louable, évitez de laisser vos opinions politiques prendre le dessus sur le contenu de vos exposés et présentations. Une conclusion telle que “C’est donc les cocos qui sont la cause de la chute de la IIIème République” pourrait être mal prise.

Te voilà donc fin prêt.e pour cette première année à Sciences Po qui s’annonce haute en couleur et en nouveautés. Peut-être te sens-tu confiant.e, et te vois-tu déjà au sommet de la pyramide sociale de Sciences Po… mais si tu as peur pour ton intégration malgré cette préparation express, souviens toi d’une chose : “Il n’y a pas de bonne, ou de mauvaise situation…”

 

Alice Bergoënd et Céleste Relave