Alexandre Gourevitch, un parcours caméléon
Alexandre Gourevitch surprend par l’humilité dont il fait preuve lorsqu’il revient sur son parcours. Dans un langage des plus imagés, il dit lui même que «tout malheur peut cacher un bonheur» professionnel. Il rappelle souvent l’importance de réaliser ses choix dans le présent, en laissant toujours le destin façonner une carrière. Portait de ce sciencespiste haut en couleurs.
Alexandre Gourevitch en quelques dates et rebonds
– 1966 : Naissance d’une mère professeur d’université et d’un père médecin du service public.
– 1989 : Sortie de Sciences Po en section service public et tentative au concours de l’ENA.
– 1999 : Quitte Moscou, déménage à San-Francisco.
– 2000–2005 : Poste de directeur de la communication au Parc Astérix/Grévin & Cie
– 2009 : Co-création avec un entrepreneur californien de DiscoverWalks Paris.
Un étudiant international
Aujourd’hui à la tête d’une start-up nommée DiscoverWalks à Paris, Alexandre Gourevitch est loin de ses premiers rêves de service public. Son parcours universitaire se réalise entre les Etats-Unis, où il a vécu quatre ans, et l’institut de la rue Saint-Guillaume. Mais surtout, le jeune étudiant a en tête de préparer le concours de l’ENA.
Il a dû faire face à un véritable choc culturel après son expérience outre-Atlantique. Il explique très succinctement la plus grande différence entre les deux systèmes universitaires : «Aux Etats-Unis, la première vocation des profs est de développer le jugement personnel, alors qu’à Sciences Po on nous jugeait sur l’apprentissage d‘une méthode et des connaissances factuelles». Il se rappelle aussi que dans les années 1990, il n’y avait que quatre choix d’orientation, dont un que les élèves s’amusaient à surnommer «Pipo et Solfège». «PS», politique et social, menait en réalité le plus souvent à des carrières journalistiques.
Sciences Po, Alexandre Gourevitch l’évoque avec sourire ; surtout lorsque je lui demande ce qui a pu marquer sa promotion. Le plus incontournable était sans aucun doute le «Tokyo-Kumagaï» organisé par l’équipe de Rugby. Ces derniers se réunissaient au Basile, entouré de la foule d’étudiants, et transportaient jusqu’à l’autre coté de la rue, un malheureux dénudé, en entonnant des chants sportifs.
Mises à part ces traditions un peu triviales qui prenaient place dans le célèbre café de la rue Saint-Guillaume, il aime à rappeler l’importance du Basile pour chaque génération de sciences pistes «Le Basile et SciencesPo, je dirais même qu’ils sont consubstantiels» termine-t-il. Pour ce qui est des cours dispensés, il y a aussi des professeurs qu’il ne pourra pas oublier. En économie, c’est très certainement le duo «Moscovici/Hollande» qui était le plus prisé des étudiants, «bien plus marrants et accessibles que les autres.». Mais plus personnellement, c’est le professeur Jean Thomas Nordmann qui lui a laissé un souvenir ému, ce dernier lui a donné «la vraie méthode Sciences Po, celle qui fait comprendre la valeur du plan en deux parties.»
Un professionnel aux nombreuses expériences
Quand mon interlocuteur relate les dates importantes de sa vie, il se rend compte que chaque échec professionnel l’a mené vers une nouvelle opportunité. Et c’est bien là toute la philosophie d’Alexandre Gourevitch qui a un discours assez dur contre «les carriéristes». « Ceux qui font tout en fonction du coup suivant, j’en ai trop vu, ils passent à coté de leur vie. Mon idée, c’est d’aller là où j’ai envie maintenant et après créer les conditions du changement sur le moment».
Justement, c’est après un échec au concours de l’ENA qu’Alexandre Gourevitch obtient un poste de « plume » du président de la FNSEA. En pleine période de négociations du GATT, cette première expérience professionnelle oriente sa carrière vers la communication. Dans la continuité de ces quatre premières années sur le marché du travail, ce sciencepiste se retrouve projeté en Russie, comme consultant pour la réforme agraire. Après la chute du mur, il aide à son échelle à amorcer la transition vers une économie de marché, très certainement grâce à ses qualités de russophone. Cependant, l’année 1999 va constituer un très grand changement dans sa vie après son licenciement suite à une crispation économique. «Une autre fois le destin me pousse à regarder ailleurs et là c’était radical.»
A San Francisco, il se retrouve dans un projet de Start-up mené par un serial entrepreneur local, Jim Jorgensen. «Le projet était très bon, Le président de l’époque (Clinton NDLR) était même venu fêter notre premier anniversaire». Mais à nouveau, le destin porte Alexandre vers d’autres horizons. Pendant cinq ans, il travaille comme directeur de la communication du Parc Astérix. Des années qu’il évoque d’une manière bien particulière. Il se rendait compte qu’il était au service d’une vision et d’objectifs d’un navire colossal. Mais des navires il en a déjà connu plusieurs, et après le remerciement du PDG du parc en 2005, lui même pense à une réorientation complète de sa carrière en menant dorénavant sa propre «petite barque».
Il n’avait pas perdu contact avec Jim Jorgensen qui est devenu son partenaire dans la création de DiscoverWalks. Le concept de cette entreprise, basée à Paris, est de proposer des visites guidées gratuites avec un habitant. Cependant notre sciencepiste ne se considère pas lui même comme l’archétype de l’entrepreneur et rappelle que son entreprise est encore dans la phase de développement. Pour lui le choix d’avoir un associé est incontournable. Mais surtout il insiste sur le fait que c’est un investissement long terme et «monosujet». «La différence avec ceux qui se lancent jeunes c’est que l’ampleur du sacrifice est moins grande, et surtout il est plus facile de penser que c’est possible de le faire».
Un Sciencepiste heureux et optimiste
Malgré toutes ces pérégrinations professionnelles, Alexandre a su garder un lien avec l’Institut. Quand il a dû chercher des stagiaires, il s’est spontanément présenté à Sciences Po Avenir. Depuis trois ans, pendant l’été, des 1A réalisent leur stage de terrain à DiscoverWalks, et cette période se conclue par une visite organisée spécialement pour le Buddy Program. Cette année, 400 étudiants étrangers ont été reçu par des sciencespistes parisiens ayant eu une solide formation de «guidage» pendant l’été.
Au delà de ses préoccupations professionnelles il considère que la chute de l’URSS en décembre 1991 «a marqué la fin de la politique, celle qui méritait qu’on s’y intéresse». Cependant, il ne doute pas de l’avancée de la société française : «SciencesPo d’aujourd’hui est à l’image de l’internationalisation du pays.». Sans être engagé donc, et en ayant connu une carrière finalement aux antipodes de sa formation, sa vision de l’utilité sociale a évolué. Avec sa «toute petite entreprise qui propose un peu de bonheur aux gens», il se sent plus «heureux de faire plaisir directement aux gens».
Et c’est dans cette optique qu’Alexandre Gourevitch conclut notre entretien: «Il est plus facile d’être utile en faisant des petites choses que des grandes. Le bonheur des autres, il ne faut pas vouloir l’imposer».