Première à Sciences Po : conférence inédite organisée par l’UEJF et Sciences Po Monde Arabe
Mercredi 23 mai (demain !) se tiendra à Sciences Po une conférence exceptionnelle organisée, en partenariat, par l’UEJF Sciences Po (Union des Etudiants Juifs de France) et Sciences Po Monde Arabe. Cette conférence, intitulée “Juifs et Arabes : ce que l’Histoire en dit, ce que les hommes en font” aura lieu dès 19h au 13, rue de l’Université (amphithéâtre Jean Moulin). La Péniche a souhaité rencontrer les présidents de ces deux associations (Daniel Hoffmann pour l’UEJF et Sélim Ben Hassen pour Sciences Po Monde Arabe) afin de nous éclairer sur le contenu de la conférence mais aussi sur leur action au quotidien.
LaPéniche.net : Bonjour messieurs les Présidents, pouvez-vous tout d’abord nous présenter les objectifs de vos associations ?
Sélim : Sciences Po Monde Arabe vise à promouvoir les valeurs et les richesses du monde arabe, qu’il s’agisse des aspects historiques, politiques ou culturels. La spécificité de l’association réside dans le fait qu’elle se propose, plutôt que de délivrer des schémas et des idées clés en main, d’offrir aux étudiants de Sciences Po et des autres universités des outils de réflexion, afin qu’ils puissent se faire par eux-mêmes une idée des différents enjeux qui animent le monde arabe. Concrètement, cela passe par l’organisation de conférences où tous les points de vue sont présents et où les intervenants sont invités non pas du fait de leurs opinions mais avant tout de leur compétences.
Daniel : L’UEJF a trois grands objectifs : 1) Une action citoyenne qui vise à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme mais également la promotion de valeurs républicaines fondamentales telles que la tolérance, le respect et l’ouverture à l’autre. 2) La préservation et la transmission de la Mémoire. 3) Une meilleure compréhension du Moyen-Orient et du Proche-Orient, en essayant notamment d’apporter une approche moins passionnelle au conflit israélo-palestinien.
LaPéniche.net : La question du conflit israélo-palestinien reste prégnante, donc. Ne craignez-vous pas que l’on perçoive vos deux associations comme pro-palestienne pour l’une et pro-israélienne pour l’autre ?
Sélim : Je trouve d’abord curieux que l’on puisse penser qu’il y aurait un certain déterminisme qui ferait que chaque arabe serait profondément pro-palestinien et chaque juif nécessairement pro-israélien. A titre personnel, je pense que la distinction n’est plus à faire entre partisans de la Palestine et partisans d’Israël mais plutôt entre ceux qui sont pour la paix et qui militent en faveur d’un dialogue et d’une issue pour ces deux peuples et ceux qui s’opposent à de telles initiatives.
Daniel : Nous militons de la même façon que Sciences Po Monde Arabe en faveur de cet engagement pour la paix entre les deux peuples, c’est pourquoi il y a quelques années nous nous sommes définis dans un article comme “sionistes et pro-palestiniens”. Toutefois, il est important de rappeler que notre association regroupe avant tout les étudiants Juifs de France et que, par conséquent, nous nous soucions d’abord des diverses problématiques qui traversent le paysage politique, social et culturel français.
LaPéniche.net : Quelle place occupe la religion dans vos associations ?
Daniel : La dimension religieuse est importante, mais il faut rappeler qu’elle n’est qu’une dimension du judaïsme. Beaucoup d’adhérents ne sont pas forcément pratiquants ou croyants, mais se définissent par rapport au judaïsme de manière culturelle, historique ou affective. En ce qui concerne la place de la pratique religieuse au sein de l’UEJF, l’association s’efforce de s’adapter au mieux aux pratiques et aux besoins de chacun.
Sélim : Dès lors que la foi est une question personnelle, celle-ci n’a pas, en principe, à s’immiscer dans la vie de l’association : musulmans, chrétiens et juifs, pratiquants à divers degrés, font d’ailleurs partie de l’association. Bien entendu, le respect de chacun impose que l’on tienne compte, en permanence, des convictions des uns et des autres dans l’organisation des événements.
LaPéniche.net : Comment est née la coopération entre les deux associations ?
Sélim : Dès le premier jour, avant même que les associations ne soient reconnues, nous avons manifesté notre désir d’organiser un événement en partenariat. Il restait encore à définir le thème, la date et les intervenants adéquats… A cet effet, nous avons organisé diverses rencontres pour faire connaissance puis renforcer les liens entre les membres de nos deux associations.
LaPéniche.net : Comment en êtes-vous arrivés à ce thème ?
Sélim : Nous sommes partis d’un double constat : d’une part, on a souvent tendance à réduire les rapports millénaires entre Juifs et Arabes à un conflit qui a à peine plus d’un siècle. D’autre part, nous avons remarqué une vraie méconnaissance des relations entre Juifs et Arabes, d’autant plus curieuse à mon sens que Juifs et Arabes ont, dans plusieurs Etats – notamment ceux du Maghreb – longtemps cohabité. A partir de cette réflexion, nous avons décidé de mettre en lumière l’histoire des relations judéo-arabes, en évitant à la fois le débat passionnel et une vision trop naïve des choses.
LaPéniche.net : Quid des intervenants ?
Daniel : Nous avons souhaité aborder le sujet de la manière la plus exhaustive qui soit. C’est pourquoi, il nous a semblé opportun d’inviter un historien, spécialiste des relations judéo-arabes (Michel Abitbol), deux géopoliticiens qui oeuvrent dans ce domaine de compétence (Antoine Basbous et Frédéric Encel), un philosophe avec toute la sagesse qu’il peut apporter au débat (Ghaleb Bencheikh) et enfin des membres de mouvements associatifs qui oeuvrent sur le terrain pour le rapprochement et le dialogue (Karim-Hervé Benkamla, vice-président de l’association L’amitié judéo-musulmane de France et Marc Lefèvre, porte-parole de La Paix Maintenant).
LaPéniche.net : Le mot de la fin ?
Daniel: Nous voulons rappeler l’importance que revêt à nos yeux un tel événenement. Et souhaiter par là même bâtir les fondations de partenariats futurs entre nos deux associations et pourquoi pas d’autres qui souhaiteront nous rejoindre !
Sélim: L’organisation de cette conférence ne réussira malheureusement et bien évidemment pas à mettre fin à toutes les tensions qui existent entre Juifs et Arabes. Nous espérons simplement contribuer à notre échelle à la promotion du dialogue et de l’ouverture.