Dilma conserve les rênes du Brésil

Il est 20h à Rio de Janeiro le 26 octobre 2014, le journal O Globo affiche les résultats des décomptes en temps réels. Le pays a trois fuseaux horaires, mais les régions de l’ouest ne changeront rien à la victoire de Dilma Rousseff, réélue pour 4 années. Les premiers chiffres annonçaient la victoire la plus serrée de l’histoire politique du Brésil, mais au fur et mesure de la soirée, l’ancienne guérillera a confirmé son avance sur le candidat du PSDB (centre droit), avec 3 500 000 votes supplémentaires soit 3,3 % de la population habilitée à voter. La victoire se célèbre à Rio sous la pluie, n’arrêtant en rien les partisans du PT (le Parti des Travailleurs) à défiler dans le centre ville.

Lula et Dilma Rousseff le soir de la victoire
Lula et Dilma Rousseff le soir de la victoire

Une victoire serrée 

Le Brésil confirme son attachement au parti des Travailleurs arrivé au pouvoir en 2002 avec Lula. Ne pouvant se représenter pour ces présidentielles, deux mandats d’absence obligatoires obligent, il est pourtant apparu constamment aux cotés de la présidente actuelle. Son affiliation a toujours été un avantage majeur pour Dilma.

La victoire a toutefois été un challenge car la chute de la croissance et une inflation en hausse ont fait ressentir à une large partie de la population un besoin d’alternance, incarné par Aecio Neves qui proposait un revirement de gouvernance basée sur un état minimal néo libéral.

Dilma a été beaucoup critiquée sur le manque de nouvelles dynamiques dans son programme, passant d’une personnalité populaire à populiste au fil des années. Mais le Brésil reste un pays dont la grande majorité de ses habitants bénéficie significativement de toutes les mesures sociales mises en place par le PT : la bolsa familia, Minha familha Minha Casa, Luz para todos

 

Aecio Neves et Dilma Rousseff
Aecio Neves et Dilma Rousseff

Une population à mobiliser 

Pendant la campagne des voitures paradent des jours durant dans les rues avec des mégaphones pour faire raisonner des chants rappelant toujours le numéro des candidats. En effet, au Brésil, toute propagande étant interdite le jour de l’élection, tous les électeurs doivent se souvenir du numéro correspondant au parti qu’ils soutiennent. Dilma portait le 13 et Aecio le 45. Marteler les murs d’affiches, décorer les bords de route, vêtir les gens des symboles de la campagne est le plus gros enjeu du dernier mois. Les brésiliens sont les pros du marketing politique.

L’enjeu est aussi de convaincre toutes les communautées d’une population des plus diversifiées au monde. Dilma a lancé des stickers comme : « contre la violence faite aux femmes », « pour le respect des LGBT » ou encore « noir conscient vote Dilma ». De la démagogie au vue de la faible avancée de la politique actuelle sur des sujets comme l’avortement, ou la pénalisation du viol.

Pour ce qui est du vote en lui-même il est constitutionnellement obligatoire. Tout manquement est sanctionné par la somme de … 3 reais soit 1 euro. Néanmoins tout fautif doit se rendre auprès des autorités pour se justifier. Sinon les conséquences peuvent être lourdes : impossibilité de refaire quelconque papier d’identité, interdiction de voyager… 30 millions de brésiliens, soit 21% de la population ont pourtant manqué a leur devoir civique au second tour et seulement 2 millions se sont déplacés pour voter blanc. 

 

 A la PUC de Rio, Neves a la faveur des étudiants

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Un étudiant partisan d’Aecio Neves

A la PUC de Rio de Janeiro, université privée catholique, les étudiants ont tenu des tables durant toute la campagne, mais aussi organisé des meetings, des discussions politiques sur le campus. L’université vibrait pour Aecio même si un petit bastion travailliste faisait présence pour défendre les avancées sociales du PT.

Thalyta, 24 ans et étudiante boursière en Publicité justifie son engagement dans la campagne pétiste car elle a pu bénéficier des programmes sociaux mis en place les dernières années. Sa réussite est le fruit de la révolution pétiste pour l’éducation. A ses cotés Mariana, 21 ans, un semestre à SciencesPo derrière elle explique pragmatiquement la différence entre les programmes. Elle insiste sur le fait que le PSDB souhaite un retour au néolibéralisme, dont l’histoire en Amérique Latine n’a été marquée que par les crises les plus importantes du continent au siècle dernier. De plus, son programme lui semble élitiste, elle doute fortement qu’Aecio améliore les programmes sociaux. En somme, elle craint un retour en arrière qui maintiendrait exclue des bénéfices de la richesse une grande majorité des 200 millions de Brésiliens.

A la table d’Aecio, Roberte étudiant en Histoire. Partisan aussi impliqué a l exterieur de l’université il veut montrer que le programme d’Aecio est aussi en faveur de la partie pauvre de la population. L’inflation, qui est selon lui l’élément le plus critiqué de la situation du pays pèse énormément sur la majorité défavorisée, et les salaires n’augmentent pas. Il faut alors « surmonter la pauvreté  plutôt que l’administrer ».

Ces élections ont failli marquer une période d’alternance dans l’histoire du Brésil. Après 12 ans de PT, certains pensent que ce n’est que la moitié. Lula préparant déjà son retour en 2018 …