« A la rentrée, tout le monde parlera des Républicains normalement »
Anciens collaborateurs parlementaires, férus de marketing, de numérique et de nouvelles technologies, Cyril Courson et Julien Peres ont co-fondé l’Agence Wefluence à la rentrée 2014. Ils accompagnent aujourd’hui élus, collectivités, institutions publiques et entreprises dans la définition et mise en oeuvre de leur stratégie de communication digitale.
Passionnés aussi bien par la communication de campagne que par la communication publique, ils scrutent en permanence les dernières innovations en la matière des start-up, en France comme à l’étranger.
Chaque mois, ils décryptent l’actualité de la communication politique pour La Peniche.
Le tchat en direct proposé par Nicolas Sarkozy sur Twitter avec le hashtag #NSDIRECT a poussé de nombreux internautes à inonder le hashtag en quelques heures avec des questions pas toujours bienveillantes à l’égard de l’ancien président. Du bad buzz pour Nicolas Sarkozy ou est-ce que l’opération #NSDIRECT a été un succès?
Cyril Courson: Il était prévisible que ce hashtag servirait de déversoir pour tous ses détracteurs qui ne se sont pas privés de lui envoyer des tweets souvent humoristiques, notamment sur ses affaires judiciaires et parfois même insultants. Il a eu une réaction intelligente en sortant à son tour la carte de l’humour et en écrivant sur son compte: « Votre créativité est sans limites. L’esprit du débat est bien présent sur Twitter ! A demain matin ». Il a bien compris que cela fait partie du jeu sur ce type de support numérique sans filtre.
La presse a été assez sévère avec cette opération en parlant de fiasco et d’échec. Certes Nicolas Sarkozy se serait bien passé des nombreux tweets négatifs mais cet évènement a été le sujet le plus discuté sur Twitter pendant plusieurs jours, des milliers de personnes y ont participé et la presse lui a réservé une part importante dans son traitement de l’actualité. Le bilan est donc relativement positif même si l’exercice est perfectible.
Julien Peres : L’opération #NSDIRECT fut une première pour un homme politique de premier plan. Elle convient parfaitement à une personnalité comme Nicolas Sarkozy qui aime les vrais duels et a tendance et éviter les confrontations à fleurets mouchetés. On a souvent pu le constater lors de ces interventions médiatiques, où il a toujours cherché des journalistes pugnaces.
C’est ce qui est recherché dans ce type d’exercice, où il ne faut absolument pas répondre à une succession de questions trop bienveillantes, ce qui seraient analysé comme une simple opération de communication ultra filtrée. Sur les réseaux sociaux il n’y a pas de filets, l’internaute s’attend donc à voir des commentaires acerbes, des questions directes et des interpellations d’opposants. Il faut se plier au jeu, et cela sied plus à certains hommes politiques qu’à d’autres !
L’UMP a arboré un nouveau logo et adopté un nouveau nom lors de son Congrès fondateur de samedi à la Villette: à quoi devra veiller l’UMP pour bien assurer la transition avec les Républicains sur les réseaux sociaux ?
Cyril Courson : Faire accepter un nouveau nom n’est jamais aisé, tout particulièrement dans le cas présent où les autres partis politiques s’immiscent dans le processus de transition et où chacun y va de son commentaire. le Parti Socialiste ne veut pas abandonner à Nicolas Sarkozy le terme « républicain» et le fait savoir en proposant d’appeler le nouveau parti le LR ou le Parti Républicain.
Quant au Front national, il a déjà trouvé le digne successeur de son expression favorite l’UMPS avec l’RPS (herpès). Pour Nicolas Sarkozy qui ne voulait plus entendre parler des sigles et néologismes, c’est raté, l’imagination de ses opposants est bien trop fertile!
Pour que la transition se fasse en douceur, il faut que les militants s’approprient le nouveau logo et en deviennent les ambassadeurs sur les réseaux sociaux. Il est indispensable que les cadres du parti montrent l’exemple sur leurs propres comptes. Avec le temps les critiques cesseront et la nouvelle marque des « Républicains » fera partie intégrante du paysage politique.
Julien Peres : Le nouveau parti “Les républicains” est déjà tourné en dérision sur les réseaux sociaux, voir même sur le web puisque Libération est allé jusqu’à faire une fausse « recommandation client », comme une agence de communication peut en faire.
Royaume de l’instantané, les réseaux sociaux vont focaliser dessus quelques semaines, mais d’ici la rentrée tout le monde parlera des Républicains normalement. Le LR doit juste prendre de la hauteur et laisser passer le débat du mois de juin. La République c’est aussi la liberté d’expression, donc le nouveau parti de droite n’a qu’une chose à faire dans cet espace de liberté qu’est le web : laisser le débat évoluer, tout en défendant son point du vue.
Pendant ce temps, du côté des partisans d’Alain Juppé, on s’active également puisque le mouvement national jeune de soutien à Alain Juppé vient d’être lancé en parallèle du Congrès : les Jeunes avec Juppé s’activent sur les réseaux sociaux. Que penser de leur communication visuelle et numérique, notamment face à la concurrence des jeunes sarkozystes et lemairistes ?
Cyril Courson : Le lancement officiel des Jeunes avec Juppé s’est tenu le 2 juin à Saint-Denis dans le département de la Seine-Saint-Denis. Le choix du lieu n’est pas anecdotique et découle d’une réelle volonté de la part d’Alain Juppé de se montrer accessible, simple, populaire et de se défaire de l’image du vieux technocrate rigide.
Le visuel de l’invitation est moderne et épuré, tout comme le compte Facebook et Twitter des Jeunes avec Juppé où on y voit la photo d’un Juppé très en forme qui fait des pompes. Sauf que la photo date de 1990…
La communication autour d’Alain Juppé est centrée sur l’apaisement, le rassemblement de la droite et du centre, avec l’idée de se démarquer du style sarkozien réputé volcanique et clivant. Juppé se rend régulièrement dans les universités et écoles françaises pour des conférences-débats et s’affiche avec la jeunesse du pays. Cette stratégie vise a démontrer qu’il n’est pas l’homme du passé mais bien celui de l’avenir.
Julien Peres: Cela est dans les codes de ce qui se fait aujourd’hui dans le domaine du graphisme, c’est flat design, épuré et cela va à l’essentiel.
Alain Juppé n’a toutefois pas d’affinités naturelles avec les réseaux sociaux, la difficulté pour le mouvement jeune va être d’être cohérent avec le message de l’ancien premier ministre qui souffre d’une image trop rigide.
Il ne va donc pas falloir trop en faire pour les jeunes, au risque d’être en total décalage. Adoucir et moderniser l’image d’Alain Juppé sera bénéfique, tenter de la changer non.