Vous avez dit centrisme révolutionnaire?

Quel futur pour le centrisme?

Un jour, alors que je lui faisais part de mon exaspération du regard mi-amusé, mi-attristé qu’ont les gens quand je leur apprends que je me considère comme un ‘centriste’, un élu local du même bord m’a dit, sur le ton de la confidence, qu’il me distillerait un peu de son savoir et me donnerait des pistes d’argumentation pour répandre la sage parole.

En premier chef, son discours se fondait sur le fait qu’il faut, dans la vie, de la modération, et dans tous les domaines, y compris et de façon primordiale en politique. Il considérait l’engagement centriste comme l’incarnation publique de l’homme tempéré et sage, qui sait discerner une nouvelle voie édulcorée et distincte de ses sœurs gauchistes et droitistes, enfermées dans leurs dérives.

Au début, cela me semblait être un excellent argument, irréfutable sûrement parce qu’est ancrée en nous cette croyance dérangeante qui fait de la modération la première des qualités. Mais si la modération peut constituer une voie pour sortir de la crise, ce doit être une modération dans le fond de ce qui est mis en avant, et non dans sa forme, qui, elle, ne peut plus se permettre d’être si tempérée.

La situation de nos démocraties ne nous permet absolument pas de nous livrer à ce vice qui consiste à nous contenter de petits changements, qui ne bouleversent pas trop nos sociétés et surtout, ne provoquent pas de tiraillements violents dans l’opinion.

Ce serait donc ça le centrisme ? Une zone de gris entre les deux idéologies de la droite et de la gauche ? Ni trop blanc, ni trop noir, un clan de ceux qui ne se mouillent pas ? Bien sûr que non ! Ne serait-ce qu’une coïncidence que les deux partis dits ‘radicaux’ se situent au centre de l’échiquier politique ? La gauche a trop souvent monopolisé l‘étiquette du ‘progressisme’, se targuant de représenter ceux qui vont de l’avant et se fondant d’ailleurs sur une définition plutôt opaque et partielle du progrès. En réalité, la gauche en France est sur de nombreux sujets tout aussi conservatrice que la droite. Le progrès, est-ce la retraite à 60 ans alors que la durée de vie augmente ? Est-ce le maintien à tout prix d’un monde ouvrier qui se meurt peu à peu ?

Si c’est ça le progrès, alors il est temps de rayer la mention ‘progressiste’ de la liste de mes convictions politiques. Et le progrès n’est certainement pas à chercher de l’autre côté du centre. A droite, on passe actuellement plus de temps à débattre de problèmes de société qui ne devraient même plus avoir lieu d’être comme le mariage homosexuel et à s’enfermer dans une posture de division de la société qui naît principalement de préjugés non assumés sur la diversité socio-culturelle de la France.

La société post-moderne reste à construire, et ses fondements reposent peut-être dans la mouvance centriste. En se fondant sur un concept bien trop souvent négligé en politique, la déontologie, le centrisme se propose de révolutionner la vie politique. La fin du cumul des mandats apparaît aujourd’hui enfin comme une bonne idée de la gauche, on en oublierait presque que c’est une idée largement empruntée au centre. La régulation des marchés financiers, une idée de gauche ? Encore une fois, rions ensemble au ridicule d’une posture prise par ceux mêmes qui se disent ‘socialistes’ et prétendent ‘ne pas aimer les riches’.

Le modèle que le centre pourrait et devrait construire se distingue radicalement des idéaux dogmatiques de droite et de gauche, mais il se trouve qu’il existe deux obstacles majeurs à cette révolution : la mauvaise perception du centre par les votants, qui aurait ‘le cul entre deux chaises’, et le manque d’inspiration de ses principaux chefs de file.

Le centre, c’est une politique qui peut faire bouger les lignes. C’est la régulation du capitalisme effréné auquel on se livre dans les hautes places boursières du monde, c’est le renouveau du marché de l’emploi, qui doit désormais s’adapter au monde interconnecté et enfin devenir plus flexible. C’est une nouvelle cohésion sociale à retrouver, non en construisant une société multiculturaliste où l’on se côtoie sans se connaître, mais en promouvant une laïcité ouverte et tolérante, qui sait à la fois rester ferme face aux demandes parfois absurdes de minorités mais qui sait aussi garantir des droits égaux à tous les citoyens.

C’est une nouvelle politique de la ville, où l’on n’exclut plus ceux qu’on a trop souvent mis à l’écart faute de tolérance et où l’on se dote enfin d’aménagements pouvant respecter l’environnement et permettre une circulation plus fluide et rapide. C’est le renouveau de l’école, de l’enseignement supérieur. Avec des institutions qui datent pour certaines de Napoléon sans avoir subi de changements majeurs, comment s’étonner du caractère élitiste et sectaire de celles-ci ?

C’est le renouveau de la démocratie, une démocratie toujours plus transparente, où les élus sont responsable devant ceux qu’ils représentent. Ce n’est pas une démocratie où l’on fait des chèques en blanc à des députés pour qu’ils puissent se payer des vacances à l’étranger. C’est une démocratie où les élus ne peuvent pas exercer des mandats locaux et nationaux. C’est une démocratie dans laquelle la vie politique est refondée autour d’une notion centrale trop souvent oubliée, la responsabilité.

C’est enfin une nouvelle Europe que l’on doit construire ensemble. Sans prononcer le mot fédéral, il serait illusoire, et contre-productif d’arrêter le processus d’intégration où il en est. Cette Europe doit être unie, sa défense mise en commun, son budget mis au profit de l’innovation. L’Europe est de toutes les régions du monde celle où repose le plus de talent, d’esprit, de culture; ne laissons pas tout ça voler en éclat.

Le centre n’est pas une synthèse de la droite et de la gauche, c’est son dépassement et la seule voie possible pour construire tous ensemble la société de demain.

Par Antoine Sander.

One Comment

  • Jérome62

    Et ce n’est pas être mou ou avoir le cul entre deux chaises que d’écrire en parlant d’Europe « Sans prononcer le mot fédéral ». Le pb du centre c’est qu’il ne de démarque pas idéologiquement. La vision du centre ici décrite ne change en rien de celle de la gauche ou de la droite, qui est contre « Une démocratie toujours plus transparente, où les élus sont responsable devant ceux qu’ils représentent. » Encore du verbiage creux sans aucun projet concret.