Un OVNI musical importé d’Islande

Il y a des phrases que l’on dit plusieurs fois dans sa vie, comme par exemple « Je reprendrais bien un peu de Nutella !» ou « Oh la la j’ai vraiment trop de boulot, je m’y mettrai demain… ». Et puis il y a des phrases qu’on ne dit jamais, et la plus imprononçable d’entre toutes est « Je crois que je comprends le sens caché de la musique de Björk ». Pourtant c’est une phrase tentante. Björk ça ne s’écoute pas indifferemment. Ça ne se comprend pas non plus, ça se vit. La plus barrée des Islandaises vient de sortir un nouvel album et il vaut le détour.

Björk parle de sa musique comme d’une expérience interminable en harmonie avec le temps qui passe. L’harmonie est d’habitude difficile à trouver mais dans VOLTA elle est très claire : la mondialisation est au milieu de tout. Après une période de creux de vague où elle s’enfermait dans le symbolisme nippon ou l’a capella à outrance, Björk embrasse l’air du temps et se lance dans la world music.

World music ??? dijderidoos, cornemuses et maracas ? Point du tout. La version reykjavikéenne de la world music est complètement différente de ce qu’on pourrait attendre (et d’ailleurs qu’est ce qu’on pourrait attendre ? des Walkyries ?). Björk a rassemblé dans Volta des musiques de sensibilités très différentes, citons en vrac des inspirations africaines, vaguement celtiques, une bonne dose de techno et pas mal de hip hop, des poèmes scandinaves lyriques, un chœur de femmes et des cornes de brume. Autant de sons hétéroclites sensés représenter ce qu’on fait de plus bizarre sur notre petite planète et en a fait…un OVNI ! Je n’invente rien.

Sur la pochette de l’album on la voit déguisée en Orangina de l’espace avec son regard perdu dans le vide et ses cheveux en bataille et dans l’album sont cachées des photos de cette folle maquillée à l’extême et habillée en laines multicolores jouant avec le feu. Rien d’humain là-dedans. Björk a toujours été un extra-terrestre de la musique, aujourd’hui elle assume son rôle. « Earth intruders » le premier titre est le manifeste de cette invasion et une chanson sur deux en reprenant le thème. Créature mi-femme, mi-animal, Björk nous envahit le cerveau avec des rythmes comme d’habitude inattendus et incontrôlables pour finir sur « Declare independence », air incroyablement révoltant qui donne envie de rejoindre le maquis. Un album à ne pas écouter dans la rue… A noter aussi une chanson sur le terrorisme (qu’est ce qu’il y a de pire se demande t-elle, qu’un terroriste meure pour rien ou qu’il atteigne sa cible ?…ah la la pas facile le dilemme !) ou la pneumonie (décidemment jamais là où on l’attend). Mais la perle des perles reste le duo avec Antony, chanteur transsexuel, avec qui elle reprend à sa sauce le thème éculé depuis Molière des beaux yeux qui font mourir d’amour, sublime, tordu, tout simplement incroyable.

Alors voilà, critique dithyrambique de VOLTA, le nouvel album de Björk, une dizaine de chansons toutes aussi accomplies les unes que les autres, dix chansons, c’est pas beaucoup mais c’est suffisant pour goûter au plaisir de l’univers extra terrestre islandais. Björkophiles, vous ne serez pas déçus, Björkophobes, laissez vous tenter

6 Comments

  • Charles dQdVdH

    damn it ! j’avais écrit une reponse et puis elle s’est effacé. bon en gros on est tous les deux d’accord vu qu’en gros on dit la meme chose. ca arrete nécessairement le débat. Etre fan, that only matters.

  • Arnaud C.

    "D’abord entre Medulla et Volta il y a Selma et Drawing restraint 9."

    Perdu mon grand, Selma sort avant Medulla. De plus, Selma est pas du tout expérimental à mon sens. Medulla quant à lui est un album presque "concept" (du moins dans la forme, pas dans son essence), mais qui garde une certaine accessibilité. Drawing, à l’inverse, relève un peu de l’exercice de style noise/expérimental.
    En gros, je pense que Volta referme une parenthèse "expérimentale" ouverte par Medulla puis approfondie et radicalisée avec Drawing.

    Quant à l’hétérogénéité, je maintiens que le tout fait parfois un peu patchwork. "Declare your independance" par exemple dénote carrément avec le reste, elle passerait presque pour un morceau du dernier Nine Inch Nails, c’est dire. Pour le concept album caché, je ne me suis pas encore penché sur les lyrics, et je n’avais pas entendu qu’il s’agissait d’un concept album.

    Mais ne te méprends pas, cet album est très bon et j’en conviens allègrement.

  • Charles dQdVdH

    alors très cher monsieur qui veut jouer au critique a ma place sachez que je ocntredit totalement votre interprétation. Mais je serais magnanime et corrigerais votre erreur. D’abord entre Medulla et Volta il y a Selma et Drawing restraint 9. c’est dans cette période que la trolinette a décidé de se mettre dans l’expérimental instrumental et sonore apres les premiers albums qui sont de l’expérimental mélodique. Of course le vocal joue un role dans tous les albums. Ensuite je suis content parce que "wanderlust" et "declare independence" sont aussi selon moi celles qui meritent le plus d’admiration. Maintenant la ou je m’insurge et ou je leve mon petit poing fermé c’est quand tu dis qu’il n’y a pasd’homogénéité : cet album raconte une histoire, celle de l’invasion des extra terrestres qui viennent remplacer les humains devenus incapables de se comprendre ou devenus completement illogique. Une chanson sur deux est consacré aux aliens terrifiants et l’autre à la décadence humaine. pas folle la guêpe ! Enfin un best of je ne crois pas non plus, oui il y a des échos a sa premiere partie de carriere (jazz exclu) et heureusement parce qu’elle est moins hermétique mais il y a aussi beaucoup de nouveautés et de folie comme on l’aime entre bjorkophile.

    Alors pas question de pardon, tout n’est qu’admiration : je suis en extase !

  • Arnaud C.

    Très bon opus de Björk, après un "Medulla" assez expérimental et parfois trop cérébral.

    L’album synthétise à peu près tout ce qu’elle a fait jusqu’ici, de Debut à Homogenic en passant par Post. Les titres marquants (le génial "wanderlust" ou le révolté "Declare your independence") cotoient les morceaux plus intimistes, plus introvertis et donc moins accessibles.`

    Peut-etre à reprocher un manque d’homogénéité et un aspect "best-of de toute ma carrière" qui casse par moments la dynamique du disque. Le packaging pas top aussi.

    Mais qand retentit cette voix, on est pret à tout lui pardonner.

  • xxx

    je constate hilare que Google nous propose maintenant des super promos pour des voyages en Islande… l’intelligence artificiel c’est triste…