Sécurité sociale étudiante : qu’est-ce qui se passe au juste ?

Ce soir, lapéniche.net publie l’article de Redwan Rezzak-Mulero en réaction aux articles du Monde publiés en début de semaine. Sous financement chronique, différence entre mutuelle et assurance, fonctionnement interne : les bouées essentielles pour ne pas vous perdre dans le débat.


Depuis le mois de décembre, on entend beaucoup parler de la sécurité sociale étudiante dans les médias. Des critiques sont prononcées, notamment à l’égard de la première mutuelle étudiante, la LMDE (La Mutuelle Des Etudiants). Mais il n’est jamais expliqué le rôle spécifique du régime étudiant de sécurité sociale, ou le fonctionnement d’une mutuelle. Pour y voir plus clair, petit zoom sur la sécurité sociale étudiante et en particulier la LMDE.

Une mutuelle pour gérer la santé des étudiants

A la sortie de la seconde guerre mondiale, la société se reconstruit sur des bases de solidarité, et nait ainsi la sécurité sociale. Elle est à l’origine gérée par des organisations syndicales, et des régimes délégués apparaissent pour les populations particulières, comme les fonctionnaires, ou encore le régime étudiant de sécurité sociale, créé en 1948. Après un affaiblissement de la mutualité étudiante, la nécessité de répondre efficacement aux besoins des étudiants en matière de santé pousse à la création de la LMDE, en 2000.

Elle assure 4 missions pour garantir une protection sociale globale pour les étudiants.
Tout d’abord, la gestion du régime obligatoire de sécurité sociale pour les étudiants (920 000 affiliés), c’est-à-dire tout ce qui relève de l’assurance maladie – recevoir les feuilles de soins, rembourser une partie des soins… Elle est en concurrence avec les mutuelles étudiantes régionales (SMEREP à Paris).
Il s’agit aussi de gérer le régime complémentaire, c’est-à-dire mettre en place des complémentaires santé pour les étudiants (320 000 adhérents), qui leur permettent de se faire rembourser ce qui ne l’est pas par la sécurité sociale, environ 1 euro sur 2 en moyenne sur les dépenses courantes.
Par ailleurs, la LMDE mène de nombreuses actions de prévention et d’éducation à la santé à destination des étudiants et des jeunes.
Enfin, la LMDE développe une expertise sur la santé des étudiants, afin d’identifier les problèmes qu’ils rencontrent et d’être en mesure d’y répondre au mieux. La dernière enquête a été publiée par la LMDE en 2012. On y apprend notamment que le renoncement aux soins chez les étudiants, c’est-à-dire le fait de ne pas aller chez le médecin ou de ne pas acheter les médicaments dont on a besoin lorsque l’on est malade, est en augmentation jusqu’à atteindre 34% d’entre eux.

La LMDE étant une mutuelle, elle est soumise au code de la mutualité, et elle respecte les valeurs du monde mutualiste. Tout d’abord la non-lucrativité : la LMDE, comme les autres mutuelles, ne fait pas de profits sur son activité. Une autre valeur centrale est la liberté d’adhésion, ce qui signifie que les étudiants adhèrent sans remplir de questionnaire médical, et donc sans avoir à justifier de leur santé. Ces deux points distinguent clairement les mutuelles des assurances. Enfin, les mutuelles fonctionnent de manière démocratique : pas d’actionnaires qui nomment les dirigeants comme dans les assurances, dans les mutuelles les instances dirigeantes sont élues par les adhérents. A la LMDE, ceux-ci sont appelés à voter tous les deux ans pour une assemblée générale d’étudiants, qui va elle-même élire le conseil d’administration, composé exclusivement d’étudiants, et qui assurera la direction de la LMDE.

Cette gestion par des étudiants est l’assurance d’une mutuelle au service des étudiants : les décisions sont prises par des étudiants pour répondre aux besoins de santé des étudiants, ce qui permet d’adapter la gamme de complémentaires santé (le choix de ce qui est remboursé par celles-ci). Par exemple, compte-tenu de la forte mobilité étudiante, une grande partie des complémentaires santé proposées par la LMDE protège les étudiants à l’étranger. De même, les moyens de contraception non remboursés par la sécurité sociale sont pris en charge par les complémentaires santé de la LMDE. C’est également le cas pour la prévention, qui est ciblée sur les sujets touchant particulièrement les étudiants, comme les comportements en milieu festif et les questions de contraception.

La direction étudiante de la LMDE lui insuffle aussi un rôle militant, et avance des revendications qui permettraient l’accès aux soins de tous les étudiants comme le tiers payant pour tous les étudiants, afin qu’ils n’aient pas à avancer d’argent lorsqu’ils vont chez le médecin. En interpelant les pouvoirs publics à différentes échelles, la LMDE a déjà obtenu des victoires. Elle a par exemple obtenu un chèque santé pour les étudiants boursiers échelons 0 à 4 en Ile de France : des milliers de boursiers peuvent souscrire gratuitement à une complémentaire santé et sont donc mieux couverts.

Un sous-financement chronique

La presse se fait l’écho de problèmes financiers qui sont réels, mais cela est du aux conditions de création de la LMDE, et au sous-financement chronique de ses différentes missions. On peut déjà noter que la LMDE a été créée sans fonds propres : elle n’avait pas de « réserves » obligatoires pour garantir son activité, c’est la MGEN qui les assure depuis la création de la LMDE. Cela implique une certaine vulnérabilité de la LMDE face à la conjoncture. Ainsi, quand la LMDE est soumise à un certain nombre de problématiques extérieures à son fonctionnement propre, elle peut moins facilement investir pour y faire face.

Tout d’abord, le régime étudiant de sécurité sociale est en souffrance, victime d’un sous-financement. L’assurance maladie verse une « remise de gestion » aux mutuelles qui gèrent la sécurité sociale à sa place dans les régimes délégués (LMDE, SMEREP, MGEN pour les enseignants, mutuelles de fonctionnaires). Pour le régime étudiant de sécurité sociale, elle est de 52 € par an et par étudiant. Pourtant, l’assurance maladie dépense 73,23€ par an et par affilié dans les CPAM (Caisses Primaires d’Assurance Maladie). Le régime étudiant est donc sous-financé.
De plus, la prévention, très développée à la LMDE, est également sous-financée : la LMDE touche moins d’un euro par an et par affilié alors qu’elle dépense 3 millions d’euro.
L’équilibre financier de la LMDE dépendait ainsi de l’activité de régime complémentaire. Mais le poids fiscal qui pèse sur les mutuelles s’est accru, la fiscalité des mutuelles s’est alignée sur celle des assurances alors même que les objectifs et les contraintes ne sont pas les mêmes. Les mutuelles payent depuis 2 ans une taxe spéciale sur les conventions d’assurances (TSCA) de 7%, en plus de la taxe CMU de 6,27%. Au total, 13% des cotisations sont taxées. Il n’y a donc plus de différenciation du modèle mutualiste, qui est ainsi mis en danger.

Des accusations gestionnaires péremptoires

Par ailleurs, les problèmes rencontrés par la LMDE, et donc par ses affiliés ne relèvent pas que d’elle. Ainsi, la fabrication – extrêmement longue – des cartes vitales, n’est pas assurée par la LMDE, elle ne fait que les envoyer aux affiliés. Autre exemple, la mutation inter-régime, c’est-à-dire le passage au régime étudiant quand on entre dans l’enseignement supérieur, pose parfois des difficultés : il y a des problèmes de transmission d’informations entre les établissements du régime qui nous gérait avant et la LMDE. Ces problèmes structurels sont donc à régler en menant une réflexion globale, dont la responsabilité pèse sur les pouvoirs publics.

Face à ces difficultés, comme le souligne le dernier communiqué de presse de la LMDE, la mutuelle a agi. L’an dernier elle a mis en place un plan de réorganisation de la mutuelle afin d’être plus efficace au service des étudiants. Dans le même objectif, elle a développé des outils tels que l’espace personnalisé qui permet aux étudiants de faire toutes les démarches administratives de base (changement d’adresse, impression de certificats d’affiliation…) et de suivre ses remboursements en ligne, mais aussi réussitefac, un site gratuit de partage des cours entre étudiants. Enfin, il a été décidé un rapprochement avec la MGEN pour garantir la survie financière de la LMDE.

Aujourd’hui, il faut réfléchir à la façon de traiter les problèmes structurels du régime étudiant de sécurité sociale. Les mutuelles étudiantes sont un acquis à préserver pour servir les étudiants, il faut à présent s’assurer de financer le régime étudiant de sécurité sociale à hauteur de ses besoins (la LMDE l’estime à 58€ par an et par affilié, soit toujours largement moins cher que le régime général), mais aussi de reconnaître toutes ses missions pour le renforcer.

Plus globalement, il faut revenir sur la confusion entre assurances et mutuelles, et réfléchir à ce qui fait la particularité des mutuelles, à savoir leurs valeurs : le collectif, la solidarité, la démocratie interne et la non-lucrativité. Les politiques de ces dernières années, qui ont affaibli les mutuelles, ont ainsi grandement contribué à la casse de la solidarité.

Annoncé aux adhérents de la LMDE et dans la presse, le Congrès de la LMDE arrive très rapidement. Les adhérents recevront par courrier le matériel de vote, et auront ainsi l’occasion de choisir, parmi les listes candidates, qui représentera les étudiants au sein de la mutuelle. Ce processus électoral aura lieu sous contrôle d’huissier. Si le dernier Congrès de la LMDE date de 2011, les dernières élections dans le régime général de sécurité sociale datent des années 1970… c’est une vraie chance de pouvoir s’exprimer sur la direction de la mutuelle. Ainsi, si vous êtes adhérents, le matériel de vote arrivera bientôt, saisissez-vous de cette opportunité en votant !

One Comment

  • Lambda

    Je trouve cet article totalement représentatif de la situation réelle du régime de sécurité sociale étudiant. Comme le dit très bien l’auteur, il n » s’agit pas d’un problème de gestion par les étudiants mais d’un sous financement. Il est d’ailleurs dommage de s’acharner contre une mutuelle qui préfère les actions utiles comme la prévention.