Rapport de l’AERES, juillet 2008: Quand la fiction essaie de rejoindre la réalité

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L’AERES, a.k.a. l’Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur, nous en apprend de belles sur Sciences Po. Il m’aurait été difficile d’être exhaustive, je me contenterai donc de quelques citations, qui, je l’espère, vous feront sourire en ce milieu de semaine.

Pour télécharger le rapport, c’est ici.

C’est une ligne du très engagé IVV n°16 qui vient de paraître (In Vodka Veritas pour les novices) qui m’a donné l’idée, en citant une remarque du rapport particulièrement intéressante: le Bureau des Elèves fédèrerait selon ce rapport l’ensemble des étudiants. On en apprend tous les jours, avec tout le respect que j’ai pour leur équipe et les excellentes (nombreux sont ceux qui s’accordent sur ce point) soirées qu’ils organisent. Ils font beaucoup de choses, mais non, ils ne fédèrent pas.

Le système d’évaluation de Sciences Po permet, entre autres, « une grande proximité avec les étudiants » et l’AERES nous explique que, conscient de ses petits retards en la matière, « l’IEP devrait développer un système de veille de l’évaluation (une évaluation de l’évaluation en continu) ». Vivement qu’on puisse lire ce rapport sur l’évaluation de l’évaluation. Plus sérieusement, si on ne peut que se féliciter des efforts d’évaluation déjà effectués, on peut aussi se demander, encore une fois — mais ça n’a pas l’air de choquer grand monde — ce qu’il en est de l’anonymat effectif des évaluations en ligne. Le rapport n’aborde pas le sujet.

Second sujet, l’insertion professionnelle des diplômés: une enquète a été menée par un « organisme indépendant« , dont la « première vague » « a été conduite auprès de 2 335 diplômés de 2006 et 2007 ». Très bien. Malheureusement, le rapport ne fournit que les résultats (« satisfaisants ») des diplômés 2006. Ceux de 2007, où sont-ils? On regrette l’oubli, d’autant plus qu’une promotion plus proche de nous paraît intéressante à observer pour faire des parallèles, surtout en ces temps de panique des jeunes et futurs diplômés (dois-je mentionner la crise ou on a tous saisi?).

Heureusement, le rapport nous éclaire sur un élément structurel fondamental de l’insertion professionnelle après Sciences Po qui répondra à bon nombre de vos interrogations, j’en suis certaine:

On note sur le plan de la rémunération une certaine hétérogénéité : avec des salaires élevés pour les diplômés des masters conduisant vers des métiers liés à l’économie et aux finances (entre 43,2 et 46,8 K€) et des salaires moindres pour les métiers du journalisme (27 K€ environ).

La rapport dit beaucoup de choses vraies à propos de Sciences Po Avenir: ateliers, forums professionnels, fichier jobs et stages.

D’une part, il aide les étudiants dans leur recherche de stage (en master, le stage est obligatoire pour tous les étudiants de Sciences Po) par la publication des offres de stages. Mille élèves partent ainsi chaque année, ce qui nécessite un travail important de conseil et de rédaction de conventions.

Sciences Po Avenir reçoit en entretiens individuels les étudiants qui le souhaitent.

Malgré tout, l’AERES omet de préciser que les effectifs de Sciences Po Avenir ont au moins l’apparence de la rareté. Peut-être sont-ils suffisamment nombreux mais rien n’est plus difficile que de trouver quelqu’un disponible dans leurs locaux ou, précisément, de solliciter un entretien individuel. Quant à l’attente pour la signature d’une convention, elle peut dépasser l’imagination et obliger à commencer un stage sans, ce qui n’est pas du plus confortable. Le rapport précise entre deux autres phrases, et la remarque passe presque inaperçu:

Le service ne semble pas avoir de réelle vocation dans l’orientation des étudiants dans leur formation.

Ce sont les responsables de masters qui ont le rôle d’informer sur leur master. Ces responsables, qui ont déjà bien des choses à faire, sont indéniablement pleins de bonne volonté et reçoivent les étudiants qui souhaitent les interroger. Mais quelle est la valeur ajoutée de trois entretiens avec trois responsables de masters différents, tous convaincus que leur master est formidable en termes de formation et que les débouchés existent? Bien souvent, le conseil serait plus utile s’il permettait aux étudiants dans le doute d’entrevoir ce à quoi leur vie professionnelle pourrait ressembler(exception faite du master recherche).

Certaines questions s’imposent: pourquoi une si grande part des étudiants de master ne savent-ils toujours pas, en mars, ce qu’ils font dans leur master? Pourquoi certains en ont-ils déjà changé, une ou plusieurs fois? Pourquoi d’autres ont-il tenté un stage de césure, pour revenir, sans toujours savoir où ils vont? Et évidemment, pourquoi a-t-on neuf chances sur dix d’être étonné par nos propres choix en arrivant en master? Les enseignements de sciences humaines ne sont pas à remettre en cause en Premier Cycle, mais pourquoi n’y entend-on pas ou peu parler de l’orientation qu’il faudra prendre en quatrième année, en se renseignant tant bien que mal pendant son année à l’étranger? L’existence même d’un cours d’initiation aux métiers de l’entreprise montre la profondeur du vide de l’information à ce sujet en Premier Cycle.

L’inévitable sujet de l’informatique et de l’ENTG:

D’autre part, sous l’impulsion des Professeurs Olivier Duhamel et Dominique Reynié, la direction des études et de la scolarité a entamé un vaste programme de conception et de réalisation d’enseignements accessibles en ligne et proposant des contenus « rich media ». Sciences Po allouera 1,5 millions d’euros par an pendant trois ans à ce programme.

Malheureusement, le blog Sciences Po en chiffres et en images dont Richard Descoings semblait très fier dans feu son blog ne fournit pas d’information supplémentaire au sujet du budget alloué à l’informatique. Pourtant ce dernier nous avait prouvé par des statistiques à la clarté lumineuse que les eCours étaient salués par tous ceux qui en ont « bénéficié » — y compris la moitié de Sciences Po qui ne dispose pas d’une connexion internet à domicile — sans même entrer dans le détail de la disponibilité et le fonctionnement des ordinateurs à Sciences Po.

Petit suggestion qui enfonce une porte ouverte: pourquoi pas, tout simplement, une connexion internet qui fonctionne?

Quelques citations du rapport à propos de la vie associative:

Le BDE fédère les associations et prend toute sa place dans l’aide aux étudiants, notamment par le service logement ou l’aide à la recherche de petits jobs.

Moui. C’est vrai, le BdE a fait des progrès à ce sujet depuis quelques temps. Mais est-il nécessaire de rendre ces annonces accessibles uniquement grâce à l’adhésion payante au BdE? Au moins, le BdE aide les étudiants à s’amuser — à défaut de se loger —, c’est déjà ça.

Les sites délocalisés fonctionnent d’une manière plus ou moins similaire. En effet, ce sont de petites promotions qui vivent ensemble pendant deux ans; ces étudiants créent ainsi naturellement les conditions d’une vie étudiante de qualité, soutenue par les directeurs de ces campus.

En clair, ils se débrouillent. Les directeurs des sites sont les seuls chargés de la vie associative et n’ont aucune ou presque relation avec le responsable de la vie associative (que l’on trouve sur le site internet de Sciences Po dans la liste des contacts, après l’inexistante infirmerie et l’atelier de cartographie). Ils font ce qu’ils peuvent, mais construire une relation entre les campus et Paris sans aucune structure allant dans ce sens, c’est compliqué.

A noter pour finir que, selon le rapport,

La direction communique bien à l’attention de ses étudiants : par le blog du directeur, régulièrement commenté, et par les consultations participatives qu’elle met en place lors de la réflexion sur les grandes décisions concernant les étudiants, comme la réforme des droits de scolarité en 2005.

Le rapport date de juillet 2008 et est donc incapable de nous expliquer pourquoi l’outil de communication de la direction est « temporairement en maintenance ». Ce que nous regrettons profondément, et cette pauvre Laure également, j’en suis sure.

10 Comments

  • Sid

    Lapeniche qui cite IVV positivement et ne fait pas de la pub pour la direction… saluons l’auteure de l’article!

  • Sandra

    JE VOUS AIME. Depuis 3 articles, je reprends plaisir à vous lire! Ca craque sous la dent, et lapeniche.net récidive… Continuez, l’audace est payante!!!

  • Valentine

    Pour mettre les choses au clair: la lecture du rapport suffit à mon avis à faire sourire quelque étudiant que ce soit, de droite, de gauche, ou apolitique. Inutile donc de préciser, à nouveau, que non seulement je ne suis pas syndicaliste, mais encore que je ne suis pas près de l’être.

    C’est peut-être l’un des gros problèmes de Sciences Po avec l’engagement: il est impossible de dire ce que l’on pense honnêtement et objectivement sans être automatiquement catalogué comme « syndicaliste » ou « sympathisant », si l’on préfère rester large. C’est bien dommage.

    Mais si j’ai pu vous faire rire, tant mieux ^.^

  • OEil de Moscou

    Jusqu’à présent, c’était souvent plutôt le refus du journalisme qui m’effrayait, mais là, l’article est bon, informé et informatif. Bravo !

  • antoine

    du journalisme sur lapeniche.net, cette fois ci effectivement djougachvili, la ligne est franchie !

    ps : pour les insatisfaits, sachez que sciences po a déjà plusieurs blogs pour sa communication, libre à vous de ne plus lire lapeniche.net si le journalisme vous effraie.

  • Djougachvili

    Et puis une fois n’est pas coutume, je ne râlerai pas : cette fois, c’est parfaitement assumé et LaPéniche.net ne se cache plus derrière ses gentils collaborateurs syndicalistes. Le Rubicon est franchi ! Félicitations !