Pour l’amour du droit économique

A Sciences Po, on peut certes faire partie de plein d’associations et de syndicats, et à ce titre organiser plein de chouettes événements, écrire des journaux fantastiques ou critiquer les réformes des droits de scolarité. Mais on est avant tout là pour étudier. C’est pourquoi LaPeniche.net va aller à la rencontre de certaines formations, afin de voir leurs tenants et aboutissants. Nous commencerons le tour d’horizon par le master Droit Economique, qui nous est présenté par Nicolas Cellupica, étudiant en 5ème année et trésorier de l’Association des Elèves du Master de Droit Economique. Cet article a déjà été publié auparavant par Nouvelle Donne dans son journal, mais sa qualité nous laisse penser qu’il mérite un public plus large.

Le Master Droit Economique : Un Projet Educatif Clairement Identifié

Nombreux sont les étudiants qui au sortir de leur insouciante troisième année n’ont pas encore fait le choix de leur master. Outre le master recherche, 11 masters s’offrent à eux, dont le master de droit économique. Peu d’étudiants se tournent vers cette orientation car peu sont ceux qui en connaissent le projet éducatif.

Comme le droit est matière de qualifications, il est nécessaire tout d’abord de définir ce qu’est le droit économique. Le master de droit économique peut déjà surprendre de part son appellation : il y a du droit… et de l’économie : de quoi faire fuir bon nombre d’étudiants ! Et pourtant, le master a cela de rassurant qu’il n’a pas la prétention de faire des étudiants de purs juristes, ni de purs économistes. De plus, le droit n’y est pas enseigné à la sauce académico-universitaire où le parcours est la clef de la réussite. Bien entendu le droit ne peut faire l’économie de la rigueur, et le droit économique est avant tout… du droit. Mais une fois les concepts juridiques fondamentaux acquis au premier semestre (droit des obligations, droit des sociétés, droit public, principes comptables), le master permet aux étudiants de “ naviguer “ entre les différentes branches du droit (droit de la concurrence, droit des marchés financiers, droit de l’environnement, etc) sans aucune difficulté. Quant à l’économie, elle est partout et nulle part. Partout, car le master de droit économique s’inscrit dans la lignée du mouvement law and economics initié par l’école de Chicago dans lequel les théories, principes et solutions juridiques sont appréhendés à travers le prisme de l’économie. Nulle part, car la logique économique n’est qu’un fil conducteur qui sous-tend les différentes matières juridiques abordées mais qui n’est pas enseignée en tant que telle dans des cours spécifiques au master (l’économie est abordée à travers les cours de tronc commun).

Créée il y a trois ans, le master comptait à l’origine une vingtaine d’étudiants la première année, une cinquante l’an dernier et en compte cette année près de soixante-dix. Ces effectifs réduits, bien qu’en constante augmentation, permettent aux étudiants de travailler dans un environnement convivial puisqu’ils se retrouvent dans toutes leurs conférences et qu’il se crée, de fait, une certaine forme de proximité entre eux et les professeurs.

Les professeurs justement sont une chance incroyable puisqu’on a rarement vu un si grand cru de praticiens du droit pour un seul master : Marie-Anne Frison-Roche (professeur des Universités), Christophe Jamin (professeur des Universités), Guy Canivet (premier président de la Cour de Cassation), Bruno Lasserre (président du Conseil de la Concurrence), Gérard Rameix (secrétaire général de l’AMF), Jacques-Henri Stahl (conseiller d’Etat), Philippe Courroye (juge d’instruction), Jean-Claude Marin (procureur de la République)… Ce panel de professeurs est indéniablement un atout considérable qui fera clairement la différence entre un étudiant du master et un autre d’une faculté de droit.

Le master de droit économique est conçu de telle sorte que même les étudiants qui n’ont jamais fait de droit auparavant parviennent à manier aisément les concepts juridiques fondamentaux leur permettant d’appréhender des problèmes de droit plus complexes. La charge de travail est soutenue au premier semestre de la quatrième année pour devenir moins conséquente par la suite. La cinquième année offre plusieurs spécialités aux étudiants : une spécialité en droit des marchés propre à Sciences Po ; une spécialité en droit économique européen en partenariat avec l’université de droit de Strasbourg sanctionnée par un Master 2 (autrefois DESS) et une spécialité en droit de la globalisation économique en partenariat avec la Sorbonne, également sanctionnée par un Master 2. Elle permet également à certains étudiants d’effectuer un échange avec l’université de McGill à Montréal ou celle de Sao Paolo au Brésil.

Les débouchés professionnels sont nombreux et dicteront les choix de la spécialité. La majorité des étudiants du master s’orientent vers la profession d’avocat, notamment dans de grands cabinets anglo-saxons. Toutefois, l’accès à l’examen du barreau est règlementé par une inscription dans un Institut d’Etudes Judiciaires, elle-même règlementée par l’obtention d’un diplôme universitaire de droit. C’est pourquoi les étudiants non-juristes qui aspireront à la profession d’avocat devront choisir entre l’une des deux spécialités leur offrant un Master 2 qui leur servira de porte d’entrée aux IEJ et au barreau. D’autres étudiants préféreront exercer un métier de juriste d’entreprise dans de grands groupes ou dans des banques. D’autres enfin souhaiteront intervenir auprès des autorités de régulation nationales comme le Conseil de la concurrence, l’Autorité des Marchés Financiers ou le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, ou internationales comme la DG concurrence à Bruxelles ou l’OMC.

Le master de droit économique a donc l’objectif ambitieux mais réaliste de former les étudiants aux grands enjeux et problématiques juridiques auxquels sont confrontés les différents acteurs du droit : les entreprises nationales et internationales, les collectivités publiques, les banques, les Etats… Il est donc un projet éducatif clairement identifié, ce qu’ont bien compris justement ces différents acteurs.

4 Comments

  • bruno

    oui, mais c’est parce que l’article a été écrit avant la réforme et la publication du décret qui permet aux étudiant de droit eco et carriere ju de s’inscrire en iej ! avant cette année, c’était impossible et il fallait obligatoirement passer par une fac de droit !

  • Matt

    bon article, une petite correction toutefois:

    il n’est pas nécessaire de choisir une des deux spécialités qui donnent aussi un M2 de droit (Paris I ou Strasbourg) pour pouvoir s’inscrire dans un IEJ et donc, de passer le concours du Barreau.

    Le Master de Sciences Po (M1+M2) suffit, c’est tout l’intérêt de la formation et son originalité (c’est le seul Master de France avec le Master CJJ, toujours à ScPo). C’est aussi le point de départ d’un "petit" conflit entre Pipo et les facs de droit.

    Pour ceux qui auront choisi une des spécialités ne donnant pas un M2 de la fac de droit, il faudra toujours s’inscrire dans un IEJ DANS UNE FAC DE DROIT, mais tout plein de celles-ci accueuillent les bras ouverts les étudiants du Master Droit économique (Villetaneuse, Créteil notamment).