Mister Google est à SciencesPo

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Ce jeudi 9 septembre, Eric Schmidt, PDG de Google, était à Sciences Po, invité par son ami Richard Descoings. Intitulée Culture de l’innovation en Europe et aux Etats-Unis, cette conférence était le premier rendez-vous important de cette année, et LaPéniche n’est pas la seule à s’en être aperçue. Pour preuve, l’afflux massif d’étudiants ou d’anciens étudiants, venus là pour voir en chair et en os le représentant d’un moteur de recherche de dimension mondiale qui peut paraître sans consistance réelle. Face à cette masse innombrable de sciences-pistes, LaPeniche s’est réfugiée au balcon, notre pont supérieur, pour vous faire vivre cet évènement.

Devant un amphithéâtre Boutmy plein, mais aussi l’amphi Chapsal, Eric Schmidt a vite réussi à mettre son audience dans sa poche. Déclamant haut et fort que « les Français sont très sophistiqués et enclins aux nouvelles technologies », ou encore que « L’Internet français est l’un des trois plus rapide du monde », l’homme de Virginie avait de quoi se faire des amis. Après tout, un brin de démagogie ne fait pas de mal. Mais le cœur même de la conférence a été l’annonce, « pour la première fois », de ses trois projets phares pour la France :

  • Mettre en place un secteur d’engineering important à Paris, avec le recrutement des meilleurs éléments des plus grandes universités et industries françaises, qui devrait commencer cette semaine. Cette structure se veut être le centre Google pour les produits en Europe.
  • Créer un institut culturel à Paris, chargé de regrouper toutes les numérisations faites en Europe et devenir ainsi un pôle important de « défense de la culture européenne ». Ce projet vise à contrer la polémique violente qui agite les milieux universitaires concernant les droits d’auteurs des œuvres numérisées. En s’implantant à Paris, Eric Schmidt donne un gage de confiance aux sceptiques qui s’inquiètent de la localisation des fichiers, et devient un interlocuteur au plus près du pôle de contestation européen. Pour l’éteindre ou pour répondre à ses inquiétudes.
  • Intensifier les investissements de Google dans les universités scientifiques. Google espère profiter de la « très bonne qualité » de ces branches de métiers qui font la réputation de la France à l’étranger tel que les maths (en attestent les deux Français qui ont reçu la médaille Fields ce mois d’août) ou les sciences dites « dures ».

A chacun de ces points, l’ex-membre du conseil d’administration d’Apple était interrompu par une salve d’applaudissements d’un auditoire comblé d’entendre de telles révélations. Déclarant que sa stratégie consistait à privilégier les mobiles, Eric Schmidt a pu à nouveau étonner la salle en décrivant une traduction en temps réel de portable à portable, pendant une conversation. Le principe est simple : le locuteur parle (en anglais par exemple). Son discours est transformé en texte, puis traduit et enfin retranscrit (avec sa voix), à son correspondant (disons allemand). Le seul (petit) oubli de l’homme aux cinq milliards, c’est de nous dire où se trouvaient toutes ces informations. Car c’est là la face cachée de Google. Derrière le beau phrasé de l’orateur, argumentant à qui voulait l’entendre que son but ultime était de « faire penser l’être humain plus rapidement », des zones troubles subsistent. Une preuve ? Pour tous les logiciels Google (Google Map, Google Earth, Chrome…), des informations sur vous sont demandées, et c’est avec votre permission que Google les utilise, ou les vend plus exactement. Si l’utilisateur garde un contrôle sur ses informations (il peut refuser de les donner), la rapidité et la qualité de ces logiciels s’en trouvent dégradées. Comme le résume habilement l’homme de Mountain View, « le résultat est meilleur si vous acceptez de donner vos informations, ndlr ». Il y a de quoi avoir peur, me direz-vous. Et bien pas du tout selon Eric Schmidt, puisque toute information est bonne à être diffusée. Votre localisation ? Elle permet de ne jamais vous perdre. Vos recherches ? Elles entrainent un choix plus précis dans vos e-consommations. Et ainsi de suite.

Vous l’aurez compris, notre ami PDG a réponse à tout. Et avec la forme. Ainsi, à un niveau plus large, il n’hésite pas à déclarer que « les vils gouvernements ont restreint l’information à leur population ». En ligne de mire ? La Chine bien entendu, qui a censuré de plus en plus le moteur de recherche américain, obligé de s’excentrer à Hong Kong pendant un temps. On pourrait croire qu’on ne trouverait personne pour défendre l’Empire du Milieu dans cette ambiance. Et pourtant, deux étudiantes chinoises en échange ont pu déclarer à LaPéniche, après la conférence, qu’ « Eric Schmidt ne connaît pas bien la Chine. C’est de la propagande ». De quoi rester perplexe..

Mais dans le fond, à part l’inquiétude qu’il fait naître, que fait de mal ce fonctionnement ? Grâce à Google, nous trouvons tout ce que nous voulons avec un simple clic, du simple article Wikipédia à la vidéo ultra-précise du gars qui monte son patator lui-même, et même des résumés de bouquins (oups). Et puis, que pouvons-nous face à la puissance de la langue ? Car désormais, le verbe « google » existe. Si si, je vous assure. Alors, tous en chœur : « Je google, tu googles, il google, nous googlons… »

One Comment

  • juliette

    Cet article résume très bien l’ambiance générale de la conférence (« Our goal is to make the world a better place » – c’est tout?!), et la conclusion fait sourire!
    Eric Schmidt a réponse à tout, certes, mais pas forcément « bonne » réponse à tout… A l’étudiante qui demandait s’il n’avait pas peur que nous devenions moins intelligents, il s’est contenté de répondre que le fait d’avoir appris par coeur tous les counties de Virginie ne lui avait jamais servi dans la vie… Rires.
    A vrai dire, ses propos m’ont fait un peu peur. Ne plus jamais se perdre dans une ville (Dieu Internet connaît notre position géographique), ne plus jamais oublier quoi que ce soit (la technologie peut bien s’en souvenir pour nous), ne plus jamais être tout seul (être toujours connecté aux réseaux sociaux), ne plus jamais rien du tout… Ne plus jamais être humain? Se tromper, oublier, recommencer, apprendre de ses erreurs,… C’est pourtant bien ce qui fait évoluer.