Les Syriens attendent la troisième voie

Alors que la communauté internationale a proposé la voie d’un dialogue entre insurgés et le régime de Bachar Al-Assad, proposition soutenue par la Russie et l’Iran, La Péniche publie aujourd’hui la tribune d’Aghiad Ghanem, Président du Mouvement humaniste et social, qui suggère une troisième voie.

Il est temps, après des mois de meurtres, de colères diplomates, des mois d’un conflit figé, de chercher une solution à la crise syrienne. Car une chose est évidente, une évidence très angoissante : le régime a réussi à engloutir ce qui était au départ une ferveur populaire. Il a tenu dans la durée, avec des arguments qui semblent inattaquables pour beaucoup. Au point que chez la majorité des Syriens règnent une réelle lassitude, une volonté d’en finir avec cette éternelle période de transition, quel que soit le vainqueur. Il ne faut pas laisser faire. La solution existe, cette solution, c’est l’apparition d’une troisième force, qui transcende le régime et l’opposition elle-même.

La critique du régime est inutile. On sait ce qu’il est, on connaît son histoire. C’est une dictature autoritaire, qui défie les institutions et son propre peuple. Une dictature qui tient, qui confisque la société civile syrienne, qui interdit la vie associative, qui a développé une paranoïa immobiliste au possible. Une dictature qui tue, qui torture, qui obéit à la philosophie de la soumission de celui que l’on fait mourir de faim.
Un tel régime, on doit s’y opposer. Toutefois l’opposition telle qu’elle se présente actuellement, le Conseil national syrien et son évolution en coalition de l’opposition, n’est pas en mesure de porter la révolution, de gagner la confiance du peuple, plus que jamais nécessaire.
Pour commencer, le principe même. Dans cette coalition, les islamistes les plus radicaux et les libéraux les plus convaincus se sont réunis autour d’une seule idée : l’opposition. C’était, et cela demeure le seul point d’accord. Mais voilà, quand on s’oppose au régime des Assad, on s’oppose à une partie non négligeable (plusieurs millions) du peuple syrien. Des lors, la victoire ne peut se faire qu’aux dépends d’une partie du peuple. C’est normal direz-vous, dans une révolution. Mais c’est oublier qu’au-delà du conflit politique, un conflit confessionnel est né, chaque jour plus évident. Il faut repolitiser la révolte, et pour cela, il faut que l’opposition présente une alternative claire, laïque, rassurante, et un projet de constitution, dans laquelle se retrouveraient une majorité des Syriens, de toutes les religions et ethnies. Force est de constater que la coalition ne propose rien.

De plus, cette dernière est rongée par les islamistes. Ceux-ci ont évidemment leur rôle a jouer dans la révolution, mais on ne peut pas accepter que le principal organe de l’opposition soit à majorité islamiste, alors que ceux-ci ne représentent absolument pas la société syrienne. Et d’ailleurs, c’est pour cette raison que la plupart des Syriens hésitent à se lancer dans la révolte, voire préfèrent toujours Bachar à la charia.
Enfin, cette opposition-là est de plus en plus loin de la réalité de la rue en Syrie. C’est un triste constat : les Syriens meurent de plus en plus gratuitement. Le Conseil national syrien, et la coalition qu’il a réunie autour de lui ont préféré entrze dans le jeu des solutions et des intérêts internationaux, comme si la question en Syrie était pliée, comme s’il avait la légitimité pour. Or ce n’est pas le cas.

C’est une évidence : les deux solutions qui sont proposées aux Syriens sont presque aussi repoussantes l’une que l’autre. Tant que l’on n’aura pas compris que l’opposition telle qu’elle se présente actuellement fait plus (bien plus) de mal que de bien, on ne trouvera pas de solution à la crise. En effet, les thèses développées par le régime sont inatteignables. Pour rappel, celui-ci crie au complot international et à l’existence sur le sol syrien de groupes terroristes armés, qui s’infiltrent dans les manifestations, qui commettent des attentats. La réalité est indéniable : une large partie des Syriens croient, veulent croire en ces propos. Et dès lors, la thèse inverse, celle de l’opposition, paraît de force égale, d’un point de vue irrationnel tout au moins. Or, tant que la Syrie sera fermée à toute enquête impartiale, on ne pourra déceler le vrai du faux. L’opposition systématique n’a donc aucun intérêt, mis à part celui de mettre en danger tous ceux qui n’ont rien demandé. La solution est dans la troisième voie, celle qui ne fait pas une révolution contre mais pour quelque chose, pour les belles idées de liberté. Une force portée par de vrais leaders, capables de faire sortir les Syriens dans la rue, par millions.

Beaucoup l’ont compris là-bas : les choses ne seront plus jamais comme avant. C’est la transition réelle vers la démocratie, ou c’est le chaos de la crise, économique, politique, voire la guerre fratricide pour des dizaines et des dizaines d’années. Même ceux qui étaient les plus réticents au départ cherchent désormais une autre solution au régime, qui propose une alternative claire, un projet de constitution, un rempart à l’islamisme. Cette force doit naître, une force qui garantisse l’unité de la Syrie, qui rassemble, par-delà les ethnies et les religions qui forment l’étonnant puzzle culturel syrien. Quant à la communauté internationale, plutôt que d’apporter un soutien aveugle, loin de ce qui se passe réellement en Syrie, elle ferait mieux de favoriser un tel mouvement, libre, uni, sincère. C’est un tel mouvement qui pourra rendre au peuple ce qu’on lui a confisqué alors qu’il commençait tout juste à le revendiquer, la liberté.

One Comment

  • Naamani Bachar

    Merci pour ta clarté et le bien fondé de l’analyse et de la solution proposée.
    Tout à fait d’accord avec cette voie de solution, qui malheureusement était la 2ème dans l’ordre des naissances, mais qui a été étouffée dans le berceau par une repression féroce, conduisant à la naissance de l’opposition armée et à l’avènement d’un radicalisme islamique qui, bien que minoritaire dans la population, a occupé le devant de la scène sur le terrain.
    A croire que le régime peut argumenter contre l’islamisme, ce qu’il ne pouvait pas faire contre l’opposition laïque et civile. Il a malheureusement réussi à sélectionner les opposants qui lui conviennent.
    Le retour à la 2ème voie (pour moi) et la 3ème pour toi est il encore, ou a-t-il jamais été possible tant que ce régime est en place?
    Je crois que non
    Respectueusement