Les sorties CD du mois: Avril – Mai 2011

LaPéniche vous donne rendez-vous chaque mois pour une nouvelle sélection critique de CD. Aujourd’hui, les sorties d’avril et mai 2011.

Indé rock:

– The Kills – Blood Pressure

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« It takes more than you wanted before to keep it on ». Les paroles de the Heart is a Beating Drum, la 3ème piste du nouvel album des Kills résume bien l’impression qui domine à l’écoute. L’album n’est pas décevant, il délivre bien le son des Kills, un bruit improbable et particulier. L’équation Jamie Hince et Mosshart est là, avec des très bonnes tracks, musicalement parlant, qui vont chercher dans des rythmiques hybrides intéressantes. Mais cet album est aussi poseur que posé. Il manque une rage qu’on sent pourtant en puissance. C’est l’album d’un bon groupe qui sait qu’il en est un et le surplus de confiance (la voix de Mosshart n’est pas à son apogée c’est le moins qu’on puisse dire) devient peut être un peu lassant. « It takes more than you wanted before to keep it on ».

Sortie le 4 avril 2011, Domino Records

– The Wombats proudly present This Modern Glitch

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Le premier single tiré de l’album, sorti fin 2010, était pourtant annonciateur. On ne danse plus sur l’indie rock festif adolescent des Wombats. Il semble à l’écoute de cet album bien délavé, surjoué. Il y a un travail acharné de destruction de chacune de leurs chansons, à coup de synthé bien à la mode (et qu’il est peu moderne pourtant l’album, complétement dépassé), paroles stupides dignes des plaintes d’une emo kid dépressive. Ils respectent consciencieusement l’idée du rock que peut se faire un gamin qui fumerait sa première clope pendant sa première soirée à permission de minuit. Si ce gamin empoigne une guitare, il pourrait par ailleurs vous faire l’album bourré au panaché et à la bière. Cet album présente les ruines d’une fête un peu ratée finie, sur lesquelles bougerait encore hasardement une loque au son des quelques tracks écoutables sans pleurer sur ce « walking disaster ».

Sortie le 22 avril 2011, 14th Floor Records

Folk:

– Alela Diane – Alela Diane & Wild Divine

alela

Il y a toujours dans la critique le risque de subjectivité totale. Je préfère l’assumer jusqu’au bout. Alela Diane pourrait faire presque n’importe quoi que j’accrocherais. Sa voix n’a rien non plus de fou, on a toujours cette impression de l ‘avoir entendue quelque part, ou peut être était ce quelqu’un d’autre, je ne sais plus. Deux après son deuxième album, Alela Diane s’est trouvé un groupe et une identité. Elle délivre une sorte de folk qu’on pense pouvoir dater mais sans jamais réussir à le faire véritablement. Ses paroles sont encore une fois travaillées, comme souvent dans la folk, mais plutôt intéressantes, comme rarement dans la folk. On peut s’ennuyer un peu si l’on n’est pas forcément adepte, car Alela Diane fait naître cette espèce de complicité avec les initiés. L’album a gagné en rythme cependant, et propulse Alela Diane au rang d’Alela Diane, auteur interprète folk humble mais assumée.

Sortie le 5 avril, Rough Trade

Electro:

– Metronomy – The English Riviera

metronomy

Je vais me faire taper dessus. Non, je n’ai pas trouvé le dernier Metronomy génial, n’en déplaise aux hipsters de tout bord de Sciences Po. Range tes expressions surfaites, l’electro jazzy je m’en fous. Elle est vicieuse, cette ode aux paysages de l’enfance du leader de Metronomy (si j’ai bien compris). Parce que la première vraie track, Everything Goes my Way est une des meilleures tracks de Metronomy que je n’ai jamais entendue. Et puis, c’est le drame. On pourrait me ressortir que l’univers du groupe anglais est en constante réinvention d’eux même et de leur genre musical (jamais très unanimement défini par tous les péteux critiques qu’on peut lire d’ailleurs), ou encore me parler (et là pourtant, je suis d’accord) de l’impeccable sophistication de l’album. Ça ne baissera pas mes épaules haussées. Metronomy fait du Metronomy, c’est à dire tout sauf du Metronomy. À l’écoute, la seule image que je me projette, c’est bien la riviera anglaise, mais plastique, sur laquelle danseraient des corps parfaits plastiques, aux mouvements arrêtés et mornes, sans expression, au son impeccable et inentraînant au possible de l’album. Mes tripes ne sont pas le moins du monde dérangées à l’écoute de l’album. Et je n’aime pas ça quand j’écoute de la musique.

Sortie le 11 avril, Because Music

Jazz:

– Matthew Halsall – On the Go

halsall

Je prends le risque de l’artiste inconnu du grand public, quitte à me faire taper dessus pour onanisme culturel. Le jazz est peut être le style où les sorties sont les moins remarquées, et pourtant pas les moins remarquables. Matthew Halsall fait partie de ces grands musiciens discrets. Le trompettiste Britannique nous livre avec son label indépendant une perle. À la fois hommage au jazz de la fin des années 50 (notamment à la B.O légendaire d’Ascenseur pour l’Échafaud) et voyage à la recherche d’une modernité parfois un peu hésitante, l’album révèle aussi bien le talent que la culture musicale certaine de Matthew Halsall. Raffiné et discret, un bon album de jazz en somme.

Sortie le 18 avril, Gondwana

Pop:

– Architecture in Helsinki – Moment Bends

architecture

AiH fait partie de ces groupes qu’on a entendu au moins une fois dans une pub pour bagnoles. Mais surtout, de ces groupes qui font une musique qui fait autant rebondir un peu stupidement que se trémousser au second degré pour éviter qu’on surprenne le mauvais danseur. La pop joyeuse d’AiH a malheureusement pris un petit coup de vieux. Le groupe australien a été amputé et n’avait rien sorti depuis 4 ans. Encore une fois, l’abusif martelage de synthé et d’autotune fait office de cache misère. Moins de risques instrumentaux aussi. Mais en somme l’équation est plutôt réussie, on bouge. « Bring the beat back » comme ils disent, leur caractéristique rythmique bien travaillée est au rendez vous. Les excursions dans le calme entre les moments de joie acidulée sont aussi convaincantes que le reste des chansons. L’album se termine par une très jolie mise en suspension. De la pop indépendante honnête et soignée. C’est pas dur, non ?

Sortie le 8 avril, V2 Record International

Hip Hop:

– Tyler the Creator – Goblin

tyler goblin

Aucun fan de hip hop n’a pu passer à côté de la bombe Odd Future. Ce gang de petits cons à grande gueule et au talent au moins aussi génial que leur capacité à se vendre a débarqué sur la grande scène au début de l’année, quand tous les papes du genre les ont adoubés. Tyler the Creator, à la voix distinctive, est le plus médiatique de tous, avec un clip choc pour Yonkers qui tourne à presque 10 millions de vues. On peut en parler longtemps du battage médiatique. Mais Tyler n’en a rien à branler et nous non plus. Son album s’ouvre sur une sorte de dialogue avec son thérapeute mental, décrédibilisant toute la hype autour de lui. Tyler fait ce qu’il veut. Et il le fait bien. Le hip hop avant-gardiste, au tempo défoncé, halluciné, est effectivement bien étrange, mais aussi très bon. « I’m a 19 year old fucking emotional coaster with pipe dreams ». Derrière les « je fuck toutes les bitches », les paroles sont souvent hantées par la question de l’identité, du choix et celle de son père absent. Son flow caractéristique est doux, et musicalement, l’album détonne totalement avec l’image médiatique du jeune rappeur, et c’est pour le mieux. Les feats sont bien tenus par les autres membres du collectif, et la production ne tombe jamais dans les raccourcis surutilisés dans le hip hop commercial actuel. Si c’est bien là le futur du hip hop, j’adhère.
Sortie le 10 mai, XL

14 Comments

  • AGC

    « Ses paroles sont encore une fois travaillées, comme souvent dans la folk, mais plutôt intéressantes, comme rarement dans la folk. » (article sur Alela Diane)

    honnêtement, tu écoutes vraiment de la folk toi pour dire ça?

  • Pierre

    Que l’album de Metronomy plaise ou ne plaise est une question à laquelle personne ne peut imposer une réponse cependant l’étiquette « electro », assignée à un groupe qui n’a rien à voir avec ce terme utilisé par des personnes dépourvues de toute culture musicale, prouve ton incapacité à saisir la finesse de leur musique. De plus sous-entendre que Metronomy est un phénomène de mode me conforte dans l’idée que cette chronique n’est que paroles en l’air. La musique est un art, pas un jouet pour des pseudos chroniqueurs de SciencesPo.

  • un déçu musicalement réfugié dans le passé

    Jamais rien entendu de tout ça. La dictature post-moderne de la nouveauté nous fait écouter 130 artistes qui ne sont parfois pas mauvais, mais qui n’apportent souvent rien dont on se souviendra encore dans 10 ans si ce n’est dans les soirées revival des années ’10. Et encore, on ne parle pas de la musique de supermarché qui fait trembler la ménagère lorsqu’elle est au rayon shampoing viveldop.
    Après il y aura toujours les relativistes pour qui un bon rappeur vaut bien une belle symphonie et pour qui des centaines d’années de musique se résument à « classique » quand le dernier taré du xylophone électrique samplé fera de l’électro-wave acid fusionné à du rock alterno-métalleux. Et puis les messages transmis ne sont guère subversifs, l’explosion du « je » et de « l’amour » témoigne d’un public avide d’individualisme bisounours recroquevillé sur sa sphère intime.

  • Uranus

    C’est horrible de voir à quel point les goûts musicaux des étudiants de Sciences Po se rejoignent.
    Est-ce qu’il y en a un qui ne connaît aucune chanson de l’un de ces artistes/groupes ?

  • LiberezMoLaBrique

    @Kevin : on fait difficilement plus bidon et branlette hipster que le math-rock à la con de Battles franchement. Les gars d’Odd Future ont sorti une dizaine de mixtapes/albums gratuits de très bonne qualité (Earl, Rolling Papers, Blackendwhite) avant le (2eme) album de Tyler, qui est pas si dégueu que ça en plus. Cracher dessus parce qu’ils commencent à être médiatisés c’est digne de Pitchfork franchement.

  • Kévin-du-06

    On serait pas en train de me troller, là?
    Plus sérieusement Odd future c’est en carton. Putain.

  • La fille aux cheveux bleus

    KeViiiiiin! Sa fé kombi1 2 tant? (Ah oui tu as oublié Florence, ça c’est pour le sujet)
    Alaure T tjrs ossi pomé et tu cherche des ami en triquitant pa lezarticles mé lé rédacteurs (eh ouais j’ai appris des mots compliqués) J’avais oublié à quel point tu étais drôle Kevin…

  • Amir Blumsfield

    Arthur me fait rire, j’adhère au roi Heenok.
    Mais bon quand même big boule quelques critiques trouvent leur conclusion dans la phrase creuse. Mais je comprends, il faut rassasier les bouches avides de débat des science-pistes.
    Bref (moi aussi je sais faire dans la phrase creuse). Je n’en attendais pas moins de toi, ou plutôt je m’attendais à certaines proies faciles comme les Wombats ou Metronomy. Tu te fais les dents c’est bien mon lapin, entre ta critique de Jazz et celle de Tyler il y a un monde… L’éclectisme est ta force (et l’écriture, la provoc facile etc).
    J’attends des tripes, et sur le tas c’est Alela Diane qui me satisfait. Alors arrête d’écrire pour Science-Po et dis-toi qu’il y a des gens qui veulent écouter de la musique, tu causes tu causes c’est tout ce que tu sais faire?

  • Kévin-du-06

    Mon dieu, entre Ilyass, Mathieu et Arthur, on a ce que Sciences Po compte de pire en hipstéritude.

  • Arthur L.

    Enfin, c’est très hipster de dénigrer des albums encensés par la critique. Et, surtout, arrêtez d’employer le terme électro, ça veut rien dire.

  • Marie L.

    C’est marrant mais Everything Goes My Way est, à mes yeux, la plus mauvaise des chansons de The English Riviera. Et « Metronomy fait du Metronomy, c’est à dire tout sauf du Metronomy »: C’est à dire? Si tu veux faire de bonnes critiques musicales, oublie pas d’expliquer parce que là je dois avouer que ton argument est assez évasif.