Les amours imaginaires ou le fantasme du cinéaste

les-amours-imaginaires-1.jpg« Jeune prodige du cinéma québécois », pour certains, « nouveau Godard » pour d’autres, pour nous, Xavier Dolan déçoit, par son deuxième film Les amours imaginaires, en salle en France depuis le 29 septembre. Dolan est jeune, beau, imbu de lui même et discret (même si son nom revient plus de 8 fois au générique).

Dans son film, ce n’est pas le réalisateur Dolan mais bien Xavier qui s’exprime, sur fond de triangle amoureux au scénario ambitieux. Il veut peindre le tableau d’une certaine jeunesse au travers de ses amours, qui sont, comme dits, imaginaires. Alors oui, Xavier parvient à toucher, en illustrant une jeunesse, pas tout à fait perdue mais qui se cherche encore, une jeunesse errante souvent, ivre parfois.

Le film évoque l’amour, mais cet amour là n’apparaît pas comme propre à la jeunesse, au contraire. C’est un amour trop discret, trop innocent. Francis et Marie, tous les deux amoureux de Nicolas, semblent froids, distants, calculateurs. Une bataille oppose les deux amis, une bataille toutefois sans arme, sans hargne, sans détermination apparente. L’un comme l’autre est passif, passif de sa situation d’amoureux transit. Le film apparaît alors comme une attente. Marie, Francis et nous, attendons que quelque chose se passe, que Nicolas manifeste de l’intérêt pour l’un deux, ou que l’un deux commence à se battre pour lui. Pour ce qui est de l’illustration de l’amour, de la passion, de la fougue qu’on prête souvent aux amours de jeunesse, Xavier Dolan n’est pas parvenu au bout de son ambitieux scénario.

Peut-être Dolan voulait-il toucher tout en subtilité ? Il échoue également par ce chemin là, les sentiments étant beaucoup trop suggérés et pas assez affirmés, beaucoup trop supposés et pas assez éprouvés. Si ce n’est pas une histoire d’amour, le film apparaît davantage comme une histoire d’amitié, entre Marie et Francis, qui se disputent le même beau blond bouclé. L’amitié est mise à l’épreuve, et sans jamais le dire, les personnages balancent entre amour et haine, entre volonté de consoler et envie de se réjouir de l’échec de l’autre.

Les-amours-imaginaires.jpgMalgré tout, le film prend une autre teneur lorsque Marie et Francis déclarent ouvertes les hostilités, en les inaugurant par un combat dans la forêt. Dès ce moment, on sent la passion, l’acharnement à conquérir Nicolas avant l’autre. Durant les vingt dernières minutes, le sujet se révèle, la douleur de l’amoureux à sens unique, puis de l’amoureux éconduit, se consolant dans les bras d’autres. C’est là que l’on sent la démesure de l’amour porté par les deux amis à leur « Nico ». Ces vingt minutes sur une heure trente cinq nous laissent tout juste frustrés de ne pas entrevoir davantage la puissance de la passion.

Si Dolan ne parvient pas à être à la hauteur de son scénario, il nous offre un magnifique spectacle visuel, allié à une bande son choisie avec soin. La technique est parfaitement maîtrisée, les scènes équilibrées, les couleurs saturées, d’une grande beauté. On retiendra en particulier les scènes charnelles, tout en suggestion et retenue, modérées par un filtre rougeoyant et relevées par l’inattendue et superbe musique de Jean-Sebastien Bach.

Xavier Dolan, à défaut d’avoir fait un très bon film, qui aurait pu être touchant, fort et puissant, a sans aucun doute réalisé un très beau film, élégant et coquet.

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