Le Repor’tour France Soir

France Soir
Comment faire d’un journal sur le déclin le premier quotidien national français, en pleine période d’agonie de la presse écrite ? C’est le défi que s’était lancé le milliardaire russe Alexandre Pougatchev en rachetant France Soir, et la réponse est simple: faire fort, toujours plus fort. À grands coups de millions le quotidien s’est doté d’une nouvelle formule à 50 centimes (bientôt 70), d’un nouveau site web et d’une campagne publicitaire pour le moins agressive (rare sont les couloirs de métro qui en ont été épargnés).

Mais si accompagner une nouvelle formule de grand quotidien d’une campagne publicitaire d’envergure paraît normal, il paraît également évident que cette campagne ne pouvait durer indéfiniment. Il fallait donc trouver une solution meilleur marché de continuer à faire parler de France Soir si l’on voulait atteindre l’ambitieux objectif de 200,000 exemplaires vendus par jour (le quotidien tournait à 27,000 exemplaires par jour en 2009).

La solution qu’ont trouvé les messieurs de France Soir est pour le moins inattendue: proposer un grand concours dont le vainqueur décroche un voyage au tour du monde sous forme de contrat de travail. On se souvient en effet du succès de l’opération « meilleur job du monde » dont le gagnant a été payé 150,000 dollars pour prendre soin d’une île déserte paradisiaque pendant un an: la presse écrite comme les journaux télévisés avaient relayés l’info – la publicité idéale.

On aurait pu penser que la ficelle était un peu grosse: le concours consiste à inciter le maximum de personnes pour qu’ils cliquent votent chaque jour pour soi, c’est à dire que chaque participant va tout faire pour qu’un maximum de personnes vienne quotidiennement sur.. le site internet du quotidien. Une publicité efficace et gratuite (hors coût du voyage gagné ensuite, sans doute bien inférieur aux 20 millions d’euros dépensés pour la campagne publicitaire de mars).

Plusieurs milliers de personnes ont déjà envoyé leur candidature: cela consiste simplement à remplir un rapide formulaire, envoyer une photo et répondre à un « test » – en fait un QCM aux questions aberrantes (exemple: « Où est le Roi du Bhoutan ? – Au Bhoutan). Il semble évident que tout est fait pour multiplier le nombre de participants (donc le nombre de petits VRP).

Quelques élèves de SciencesPo participent au concours. Nous avons rencontré l’une d’entre eux, Carole Bur, pour tenter de comprendre ce qui motive tant ces participants.

Carole, bien consciente qu’elle fait pour le moment avant tout une bonne publicité pour France Soir, nous explique que le jeu en vaut la chandelle: il s’agit de partir faire le tour du monde pendant 80 jours dans le cadre d’un CDD de reporter. Il n’est pas demandé d’être journaliste, juste d’écrire quelques articles et de prendre quelques photos – un caméraman professionel s’occupera du reste.

Le concours se déroule de la façon suivante: chaque candidat a sa page et doit recevoir chaque jour le plus de votes possible. Les 50 candidats qui ont obtenu le plus de votes jeudi midi voient leur « dossier » analysé par France Soir. 15 d’entre eux seront sélectionnés pour passer un entretien vendredi, à l’issue duquel le vainqueur sera déterminé. À 3 jours de l’échéance, Carole était dans les 30 premiers grâce à ses 6000 voix.

On ne sait pas trop sur quels critères sera choisi le gagnant: notamment s’il faut avoir beaucoup voyagé ou si cela n’a pas d’influence. Pour sa part Carole, actuellement en 4A master AP, est partie à la Hong Kong Baptist University pour sa troisième année et a pas mal visité l’Asie du sud-est dans ce cadre. C’est à la fois l’aspect voyage et l’aspect journalistique qui l’attire: l’expérience du voyage en lui-même, le fait de partir longtemps la stimulent autant que la possibilité de faire partager ses impressions, émotions et rencontres. Elle souhaite créer peut-être un blog, offrir des souvenirs à ses amis, envoyer des cartes postales.

Des souvenirs, elle en aura sans doute beaucoup vu que le voyage se compose de 20 étapes avec à chaque fois des activités bien spécifiques: un match de la coupe du monde de football, une séance de deltaplane, un voyage en hélicoptère, un dîner sur la grande muraille de Chine… Un programme bien plus stimulant que la révision des concours d’affaires publiques.

Concernant l’aspect marketing de l’opération Carole a l’impression que ça buzze pas mal, mais il faut dire qu’elle est en plein dedans. Elle reconnaît littéralement spammer ses amis et leurs amis pour qu’ils votent chaque jour (fait confirmé par ses amis) – et ceux-ci se motivent réellement beaucoup, y compris des connaissances lointaines. Pour sa part, LaPéniche soutient avec ferveur ce projet et espère que ces efforts seront fructueux. Si vous désirez aider votre camarade, courrez voter pour elle avant le jeudi 20 mai !

Lien pour voter pour Carole: http://reportour.francesoir.fr/CaroleBur

2 Comments

  • Sandra

    Oui alors en fait Vingt sangs, on s’en fout tous de France Soir, mais alors royalement, l’intérêt est uniquement de VOTER POUR NOTRE CAMARADE!!!!

  • Vingtsangs

    Un magnifique coup de pub’ gratuit (?) pour France Soir qui peut remercier LaPéniche.net…

    Sinon, pour relancer un quotidien, faire de la pub ne suffit pas, une refonte éditoriale profonde est indispensable. Pougatchev (qui s’est vu offrir France Soir par son papa) a voulu par conséquent remodeler le journal, qui était, il faut le dire, un incroyable torchon. Dans les mois qui ont précédé le rachat, les titres étaient de plus en plus racoleurs, jusqu’en à en devenir pour la plupart faux.

    Méthode Pougatchev : on recrute tous les anciens du journal Le Parisien/Aujourd’hui en France (Villeneuve, Montvallon, Verdez, etc.), dans l’optique de récupérer le lectorat de ce journal. Bilan : le soir du jour de lancement, Pougatchev offre son apéro sur les toits du Centre Beaubourg, la rédaction du Parisien déniche une exclusivité. Quelques jours après, France-Soir publie des « photos exclusives de Jonnhy », en forme, se baignant avec sa famille. Pas de bol, les photos ont quatre ou cinq ans.

    Depuis : … rien ! Les ventes n’ont pas décollé, et le journal est toujours un torchon. Le Parisien marche dans les pas de France Soir, et l’ensemble de PQN se casse la gueule tranquillement. Mais ne nous alarmons pas, il y a le concours France Soir !

    PS : J’oubliais de préciser que ce repor’tour ne passerait probablement pas par Rome ou Moscou, les services de presse de Berlusconi et surtout de Poutine s’occupent d’informer France Soir sur ce qui se passe dans ces pays-là.