La politique à Sciences-Po: Une histoire de famille

Vous n’êtes sûrement pas passés à côté : ces deux dernières semaines se sont déroulées au sein de Sciences Po des simulations des prochaines élections présidentielles.

Chose notable, celles-ci étaient organisées conjointement par 6 partis : Europe Ecologie Les Verts, le Front de Gauche, le Modem, le PS, République Solidaire et l’UMP. Ces simulations, structurées comme il se doit en deux tours, chacun espacé d’une semaine, s’inscrivent dans la lignée de celles organisées en 2007 par l’administration : l’initiative n’ayant pas été répétée cette année par cette dernière, c’est Charza Shahabuddin, du PS Sciences Po, qui a eu la volonté de perpétuer cette expérience, via le PS, puis via tous les autres partis qui les ont rejoints pour former un évènement conjoint.

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Pourquoi un tel évènement ? A l’UMP Sciences Po, on souligne l’intérêt de mener cette expérience « dans une école de sciences politiques » pour y « mesurer l’équilibre politique » à l’approche d’un grand évènement démocratique tel que les élections présidentielles. Au PS, on explique également souhaiter « avoir une représentation de l’air du temps Sciences Po 2012 », air du temps auquel s’intéressent « beaucoup de médias ». Les partis représentés à Sciences Po étant des associations, ils sont reconnus comme les autres lors d’une procédure de reconnaissance qui ne permet pas d’évaluer le rapport de force politique. Il peut également être intéressant de « comparer avec les résultats nationaux », nous dit-on. Alors, concrètement, qu’est-ce que ça donne ?

REA_115399_109 La participation à ces simulations a été surprenamment élevée : 748 votants au premier tour, 595 suffrages exprimés au second. Surprenant, car pour un évènement préparé en quelques jours à cause de la lenteur à venir de l’autorisation de l’administration, faisant l’objet d’une faible communication pendant une semaine marquée par le deuil, et organisé dans une petite salle du 56 rue des Saints-Pères, ce taux de participation est très élevé ; alors que, relativement, beaucoup moins d’étudiants vont voter aux élections syndicales, malgré le fait que ces dernières ont un véritable impact, au contraire des simulations. Les étudiants se sont semble-t-il « étonnés » que n’aient pas lieu plus d’évènements de ce genre pendant la campagne, dans une école comme la nôtre. Cette participation reste évidemment à relativiser lorsqu’on compare ces 800 votants aux 10.000 étudiants de Sciences Po, et que Charza Shahabuddin analyse comme une marque de « désintérêt pour cette campagne nationale considérée comme molle » et pour « la politique en général ».

Quant aux résultats en eux-mêmes : à Sciences Po, au premier tour, François Hollande est arrivé en tête avec 32,7 % des voix, suivi par Nicolas Sarkozy (20,5 %). Derrière, Mélenchon et Bayrou sont au coude-à-coude avec respectivement 15,9% et 15,6% ; suivent Eva Joly (5,7 %), Marine Le Pen (3,7%), Dominique de Villepin (2,7 %), Nicolas Dupont-Aignan (1,1%), Cheminade 0,9 %, Philippe Poutou (0,7 %), Corinne Lepage (0,4 %) et enfin Nathalie Arthaud (0,1%). Les bulletins nuls ont représenté 1% des votes. Le second tour a consacré la victoire annoncée de François Hollande, arrivé largement en tête avec 63,6% des voix, Nicolas Sarkozy n’en récoltant que 36,4%. Les votes blancs et nuls ont représenté 3,8% des suffrages.

UMP_-_PS.jpgAu niveau national, les sondages oscillent en ce moment autour de 28% pour François Hollande et Nicolas Sarkozy, 12% pour François Bayrou et Jean-Luc Mélenchon. On remarque tout d’abord le très bon score de François Hollande, qui gagne 5 points par rapport aux sondages actuels, autant que le désamour marqué pour Nicolas Sarkozy, qui fait 8 points de moins. Autre différence: Marine Le Pen, créditée d’environ 15% d’intentions de vote par les différents instituts de sondage, obtient un score plus de trois fois inférieur à Sciences Po ; ce score, s’il est particulièrement notable, ne surprendra pour autant pas la plupart des étudiants de Sciences Po, l’absence d’une section FN à Sciences Po et l’anti-lepénisme y étant particulièrement marqué. On note également le bon score d’Eva Joly qui double son score à Sciences Po, où l’engagement écologique est très visible, et où les conférences à ce sujet ne manquent pas. Enfin, les scores élevés de Jean-Luc Mélenchon et de François Bayrou semblent révéler une volonté, à Sciences Po comme en France, de voir émerger une nouvelle forme de force politique brisant le relatif bipartisme traditionnel.

« Sciences Po reste ancrée à gauche », se réjouit Charza Shahabuddin, du PS Sciences Po, qui affirme que notre école est « profondément empreinte d’un esprit de gauche ». « On a tendance à penser que Sciences Po est plus à gauche », confirme Maxime Cordier, de l’UMP Sciences Po, reconnaissant le « monopole » de la gauche à Sciences Po ; il pointe un « phénomène bobo très présent » et décrirait le science piste moyen comme quelqu’un qui « a des convictions et une vision de la société plutôt à gauche ». De fait, si l’on additionne les scores obtenus par tous les candidats marqués à gauche à Sciences Po, on obtient un score supérieur à 55%, quand la droite traditionnelle (excluant le Front National, qui ne se réclame d’aucun bord politique) ne dépasse pas les 25%. « Sciences Po est une bulle », nous explique-t-on ; il y manque une « diversité sociologique », ce qui n’en fait pas un scrutin représentatif, même s’il n’en reste pas moins très intéressant à étudier. Le profil politique de Sciences Po est marqué par le « monopole relatif » de la gauche : « elle est majoritaire, c’est indéniable ». Mais à l’UMP, on remarque surtout la progression par rapport à 2007, lorsque Nicolas Sarkozy avait été éliminé dès le premier tour, laissant se qualifier Ségolène Royal et François Bayrou pour le second. Et pour convaincre, il serait plus difficile à Sciences Po qu’ailleurs : « le public y est beaucoup plus exigeant » car plus formé et informé ; il faut faire beaucoup plus de fond face à des étudiants exigeants qui questionnent incessamment les militants sur leurs valeurs et les obligent à rester fermes sur leurs convictions. « Ca confirme que la droite a encore beaucoup de défis à relever à Sciences Po. »

Et ces défis, les partis s’attachent plus aujourd’hui qu’à nul autre moment à les relever : à l’approche des présidentielles, les vraies, on s’active : les conférences se multiplient, le tractage se fait plus pressant, et chacun veut tirer le meilleur de la journée du 5 avril, où Nathalie Arthaud, François Bayrou, François Hollande, Eva Joly, Marine le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Nicolas Sarkozy viendront rue Saint-Guillaume. Mais si les étudiants se bousculeront alors pour venir écouter les candidats, d’aucuns s’étonnent du faible engagement des sciences pistes dans la politique en général : alors que nous sommes dans une école telle que Sciences Po, qui forme la future élite politique de notre pays, l’engagement y semble paradoxalement limité à un petit groupe de personnes, qui appartiennent au PS et à l’UMP en majorité. Un constat partagé par Maxime Cordier : « C’est vrai qu’on pourrait s’attendre à plus de mobilisation, de militantisme, de débat ». L’étudiant moyen à Sciences Po « n’est pas très militant même s’il s’intéresse un peu plus à ce qui se passe autour de lui ». Et de fait, sur près de 10.000 étudiants, si tous ou presque s’intéressent à l’actualité politique et sont très renseignés sur les principaux candidats, un très petit nombre est véritablement engagé : l’UMP et le PS revendiquent chacun une vingtaine de membres actifs. « Les étudiants de Sciences Po s’en fichent de la politique », affirme-t-on même avec dépit du côté du PS, relevant une trace de la « morosité à la française ».

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Pour expliquer cela, on invoque tout d’abord les « études », qui prennent beaucoup de temps, mais également un « engagement différent » de celui de militant : certains étudiants s’investissent dans les campagnes, dans les cabinets, ou auprès des élus, auprès desquels le « profil Sciences Po » est très recherché. Cela n’est pas une excuse pour Charza Shahabuddin, qui avoue sa « grande déception » face à un comportement qu’on pourrait espérer différent dans une école où « nous disposons de tout : les moyens, les contacts, les réseaux, et surtout le label Sciences Po » qui nous permettrait de faire bien mieux qu’actuellement. Y a-t-il alors plus de place pour le militantisme politique à Sciences Po ? Si certains étudiants préfèrent les associations de débat et de réflexion aux partis dogmatiques, les responsables de ces derniers veulent le croire. Ils misent pour cela, outre une multiplication de leurs actions et une communication réinventée, sur la campagne présidentielle pour remobiliser les esprits.

9 Comments

  • PetitRobert

    Selon les ouï-dires, la création d’une section du FN à SP a été bloquée par JP pour la raison suivante : « cela serait une menace à la liberté d’expression à SP ».

  • Hm ??

    « le public y est beaucoup plus exigeant car plus
    formé et informé ; il faut faire beaucoup plus de fond face à des
    étudiants exigeants qui questionnent incessamment les militants sur
    leurs valeurs et les obligent à rester fermes sur leurs convictions »
    Je ne comprends pas alors les 15% réalisés par Mélenchon.

  • souvarine

    je suis surpris de remarquer que cet article n’ait pris en compte que les points de vue du ps sc po et de l’ump sc po alors que n’importe quel étudiant de l’iep confirme que la force politique la plus présente et la plus militante à l’iep est le Front de Gauche. De même aucune remarque sur le score de Mélenchon et se contente de le comparer avec Bayrou. Alors 1 ) la logique du Front de Gauche diffère sensiblement de celle de Bayrou car le Front de Gauche a d’autres arguments que la sortie du bipartisme et ensuite à l’iep, le modem n’existe pas, aucune action militante. 2) la péniche ne souligne pa sle fait qu’il n’ya que 4 pointés d’écart au premier tour entre Mélenchon et Sarkozy, fait notable quand on voit que Mélenchon est dionné 3e homme de la présidentielle par plusieurs sondages. Bref, un manque d’objectivité criant qui défavorise, as usual, le Front de Gauhce, souvent assimilé à un rassembvement de dangereux comunistes staliniens et de gauchistes hippies et dégénérés …

  • un libéral (rajoutez un préfixe/adjectif selon votre extrêmisme)

    La vrai question c’est : comment sont-ils rentrés à science-po ceux qui ont votés pour Cheminade ? Ont-ils votés pour cet énergumène pour blaguer ?
    Sinon, aucune remise en question des carriéristes des organisations de jeunesse. Pourquoi ne comprennent-ils pas que personne n’a envie de perdre son temps à faire de la propagande pour ceux d’en haut ?

  • Konrad

    « Cette participation reste évidemment à relativiser lorsqu’on compare ces 800 votants aux 10.000 étudiants de Sciences Po, et que Charza Shahabuddin analyse comme une marque de « désintérêt pour cette campagne nationale considérée comme molle » et pour « la politique en général ». »

    Et quand on ne souhaite pas répondre à un sondage politique à la con ça veut dire qu’on se fout de la politique et de la campagne aussi ? L ‘ « analyse » n’est même pas digne d’un mauvais paper de science politique.

  • Simulabobo

    « Cette participation reste évidemment à relativiser lorsqu’on compare ces 800 votants aux 10.000 étudiants de Sciences Po, et que Charza Shahabuddin analyse comme une marque de « désintérêt pour cette campagne nationale considérée comme molle » et pour « la politique en général ». »

    … ou alors personne n’en a rien à foutre de ces élections bidons parce qu’on sait déjà que Sciences Po est à gauche à 60 %…

  • Nicolas

    « relativement, beaucoup moins d’étudiants vont voter aux élections syndicales »

    relativement à quoi ?