Herman Van Rompuy, un Président pour l’Europe à Sciences Po

Herman_Van_Rompuy_-_World_Economic_Forum_on_Europe_2010_2.jpg« Je prends le risque d’être positif ». C’est cette idée qu’Herman Van Rompuy, président du Conseil Européen, a défendu tout au long de sa conférence lundi dernier à Sciences Po.

Avec la sobriété de son costume et un léger retard il est venu présenter la situation de l’Union Européenne, après que monsieur Tommaso Padoa-Schioppa (président de Notre Europe et ancien ministre italien) et notre directeur lui firent une courte introduction. Entre sérieux et auto-dérision, le personnage nous a surpris: l’image qu’on lui attribue ne lui rend pas justice. En effet, loin des racontars, les traits d’humour ont rythmé ses prises de parole, séduisant ainsi la salle comble. Une ombre a cependant terni le tableau: l’amphi Boutmy où se déroulait la conférence représentait bien mal notre école, les étudiants étant cantonnés au balcon voire aux amphis supérieurs. Le bas était occupé par les journalistes, les politiques (Jacques Delors ou Élisabeth Guigou entre autres) et – par chance – nous même.

Bien loin de l’austérité qu’on lui prête, Herman Van Rompuy s’engagea ensuite vaillamment dans un long discours de trente-cinq minutes. Ce n’est certes pas l’orateur qui se lancerait aisément dans de grandes envolées lyriques pour enthousiasmer une foule par la seule force de sa rhétorique, mais tout de même, il était extrêmement à l’aise et transmettait un sentiment positif.

Sur le fond, Von Rompuy était là pour expliquer clairement la situation de l’Union Européenne, les progrès accomplis, et les défis qui se présentent dans un avenir proche. Le secret de l’Europe c’est « l’usage intelligent du temps ». Il ne faut pas brusquer la construction, c’est « a work in progress ». On prétend « que l’Union Européenne est trop invisible, que je suis trop invisible », que l’Union est en train de mourir, mais lui est optimiste, répondant à ces critiques par une phrase de Mark Twain : « the report of my death have been greatly exagerated ».

Sa présentation s’intéressa ensuite à deux points essentiels: la gouvernance économique européenne et la place de l’Union dans le monde. D’ailleurs, « c’était les deux grands sujets du Conseil Européen de la semaine dernière… ou ça devait être les grands sujets… ». Il revint sur la crise grecque et son paroxysme (le week-end du 7 au 9 mai, lorsque « la survie même de l’euro était en jeu »). Il n’est pas encore question d’une Union Budgétaire, mais, dans un premier temps, l’enjeu est de se doter d’un système de surveillance efficace et d’outils pouvant répondre rapidement à une crise de ce genre. C’est l’objectif de la gouvernance économique européenne. Il tire trois leçons politiques de cette crise : l’Europe doit vivre avec le dilemme d’une union monétaire sans union budgétaire, la méthode communautaire tant critiquée n’est pas en question car sa complexité est en réalité garante de la stabilité et de l’efficacité, enfin l’UE avance grâce au savant équilibre entre transfert et participation.

Sur le terrain de la politique extérieure, à travers ses États membres l’UE est le plus grand donateur au monde (49 milliards d’euros d’Aide Publique au Développement). Par exemple c’est l’Union qui permet la survie de l’Autorité palestinienne (1 milliard d’euros d’aides). Mais « nous devons raisonner et agir davantage en terme de stratégie ». Ainsi le maitre mot de la politique extérieure de l’UE est désormais « réciprocité » avec les grandes puissances. En somme une Union avec une diplomatie forte et partagée. Il continua – anticipant les critiques sur la désunion entre les politiques étrangères de chaque état membre – en assurant que l’UE était désormais capable de présenter un front commun d’idées et d’avancer dans une direction homogène. « Tous les bateaux sont liés, invisiblement, sous l’eau ». L’idée est relativement simple: les intérêts des États et de l’UE sont les mêmes, irréversiblement.

Il termina son discours par une phrase d’espoir : « je suis profondément convaincu que notre Europe, notre Europe, réussira ». Le Président de Notre Europe lança ensuite le round de questions, auquel il donna le premier élan: n’y a-t-il pas une insuffisance de communication qui engendre une crise de confiance ? Selon Herman Van Rompuy, la crise de confiance est généralisée en Europe vis-à-vis des pouvoirs nationaux, et puis « il ne suffit pas de communication », « il ne suffit pas d’avoir un président charismatique…on l’à déjà… ! », il faut de l’action, des résultats tangibles.

La parole fut ensuite donnée à la salle, et notamment à vos deux rédacteurs qui s’interrogèrent sur la politique extérieure de l’UE: Comment expliquer que l’Union soit absente des discussions israélo-palestiniennes, alors même que nous soutenons financièrement l’Autorité palestinienne ? Quel genre de message envoie-t-on par cette absence, l’Union n’a-t-elle pas un rôle à jouer ? La réponse du Président est alors plutôt décevante : l’Union Européenne a un avis fort qu’elle fait entendre à travers le Quartet (UE, EU, Russie, ONU), « c’est par ce biais que notre influence se joue ». « Les discussions sont surtout entre les deux gouvernements »… l’UE oublie surement le déséquilibre entre les deux acteurs en présence. Le Président semble alors abandonner son habit de sincérité pour endosser celui du politicien.

D’autres questions ont été posées par les étudiants: que penser de la participation aux européennes et de la montée de l’extrême droite sur le continent ? La Belgique a t-elle un avenir ?, etc. (« La Belgique a deux cents ans mais elle est comme l’Europe, elle est coriace »). De manière générale la conférence d’Herman Van Rompuy fut un véritable succès, permettant aux étudiants de se forger une opinion propre sur le personnage dont le rôle n’est pas si insipide qu’il n’y parait.

Article co-écrit par Boris Julien-Vauzelle et Edwin Galan-Vilar

5 Comments

  • jules césar

    Je suis toujours stupéfait, par la facilité avec laquelle on critique (dans un sens péjoratif) ce qu’on ne contrôle pas de pied en cap, ce qui nous échappe un tant soit peu.
    La commission européenne serait un acteur maléfique dont les desseins nous échappent, et qui manœuvre l’UE comme bon lui semble? C’est ridicule, on sait bien le pouvoir trop infime dont dispose la commission. On sait bien aussi, que l’UE n’est tirée en avant que par les états, et que sans eux, sans leur dynamique, elle ne saurait avancer.
    « plus maîtres de leurs frontières, de leur monnaie, de leurs finances publiques », etc. On peut bien se demander pourquoi les états ne sont-ils plus maîtres de rien du tout (en somme)? Sans doute parce qu’ils ont volontairement adhéré aux modalités, en même temps qu’aux principes de l’UE. Aucun état n’a été forcé! [Outre le fait que leur maîtrise d’eux mêmes n’est pas si nulle que tu le penses, car si il y a bien des critères de convergence, je ne compte pas deux pays qui les respectent! et si on n’était pas maîtres de nos frontières on laisserait les roms où ils sont]. Tous savaient que l’UE mènerait à un dessaisissement progressif de leurs compétences (et encore tout relatif! mais ici on peut admettre des opinions contraires). L’UE est un choix qu’on fait nos grands-parents, un choix important et respectable.
    Ne sois pas non plus aveugle, les deux rejets de la constitution dont tu parles, sont vides de sens concernant la matière européenne. On votait pour ou contre le gouvernement, pas pour ou contre l’UE. On ne peut donc pas, d’une erreur démocratique, tirer une conclusion générale erronée.
    Enfin, je me demande à qui tu fais référence dans ta dernière phrase, parce que je suis européen, et j’en ai pas « marre d’être pris pour un con », ni d’ailleurs la plupart des gens que je connais.

  • politiquement incorrect

    Jules César, Herman Van Rompuy n’est que le paravent transparent d’une gigantesque usine à gaz où tout se décide à la commission européenne, où tout est avalisé au parlement européen où PSE et PPE vote les mêmes directives à 95%. Dans ce système, les Etats ne sont plus maître de leurs frontières (espace schengen), de leur monnaie (imposition de la monnaie unique à des économies différenciées), de leurs finances publiques (critères de convergence), etc… Ils ont une marge de manoeuvre particulièrement réduite par l’UE car ils doivent transcrire dans le droit national des directives européennes dans un nombre croissant de domaines (2/3 des lois votés aujourd’hui). Et je ne m’attarde pas non plus sur le modèle de démocratie que constitue l’Union Européenne lorsqu’elle outrepasse le rejet du traité constitutionnel par la France et les Pays-Bas et du traité de Lisbonne par l’Irlande. Et après on se demande pourquoi les élections européennes sont celles où l’abstention est systématiquement la plus élevé… Les européens en ont simplement marre d’être pris pour des cons.

  • jules césar

    Ton commentaire se contredit lui-même, politiquement incorrect. Si Herman est un président fantôme, et que les états sont réellement ceux qui dirigent l’Union Européenne, alors comment celle-ci peut-elle être une machine à « broyer les états-nations »?

  • politiquement incorrect

    Pauvre Herman Von Rompuy… On se doute bien que sa fonction de président fantôme de l’Union Européenne doit lui laisser assez de temps libre pour venir à Sciences Po distiller la propagande bien-pensante sur cette machine à broyer les états-nations qu’il « préside ».

  • anonyme

    Un très bon compte-rendu réhabilitant enfin le cher Van Rompuy…! Je suis moi aussi « profondément convaincue que notre Europe réussira »!!