Facebook pervertit-il les sciences pistes ?

Qu’il s’agisse des associations, de l’organisation des soirées ou des fiches de cours,  Facebook tisse sa toile avec une incroyable omniprésence dans tout l’univers science piste. Son taux de pénétration est tel qu’il est tout aussi rare de voir un étudiant sans compte “Fb” que de voir un exemplaire du Monde disponible en Péniche à 07h46. Le réseau social est un indispensable outil de survie pour les pensionnaires du 27 rue Saint-Guillaume, au point qu’il parvienne à s’immiscer  dans les cours magistraux en amphi Boutmy.

 Facebook

Facebook, refuge des étudiants désoeuvrés en cours magistral

Un simple détour sur Facebook en heure d’optimisation de la perte d’attention permet en effet de constater qu’il est clairement LE meilleur ami des 1A désœuvrés. Et le moins que l’on puisse dire est que Facebook ne fait pas office de think tank numérique où les débats, réflexions et prospectives sont au cœur des conversations : une fâcheuse tendance science piste consiste en effet à exhiber sur le groupe de la promo son ennui ou n’importe quelle anecdote insignifiante au moyen par exemple d’un très recherché « trop mdr, Wasmer a fait une faute sur son diapo xD » qui par un mystère dont seul notre institution a le secret, récolte une demi-centaine de « likes » en une quinzaine de minutes. Oui, oui, ce même mystère qui a permis à Olé Olé d’approcher les 70 voix lors de la procédure de reconnaissance.

Certains nostalgiques de leur classe de 5eme passée à publier des photos de leur « bestah » sur Skyblog poussent même le vice jusqu’à exposer sur le groupe de la promo des photos d’eux et leurs amis en Boutmy, en train de noyer leur ignorance et leur immaturité devant une webcam : comme quoi, la régression ne concerne pas que des droites en micro-économie.

Facebook constitue donc un refuge assez pervers pour les étudiants en perdition dans la tempête des cours magistraux. Au point d’interdire le site en Boutmy ? La chose serait techniquement tout à fait envisageable et a déjà été expérimentée. Toutefois, une telle mesure paraîtrait assez ridicule de la part d’une institution qui promeut l’autonomie intellectuelle comme une valeur clé : « je ne suis pas pour le paternalisme et les étudiants me semblent assez grands pour se gouverner eux-mêmes et assumer ce qu’ils font, en cours » souligne d’ailleurs Guillaume Tusseau. Autre argument avancé par Jean-François Chanet : « le blocage du site dans l’amphi Boutmy provoquerait sans doute une érosion plus rapide et plus importante de la fréquentation des cours ».

Le cliché du monstre tentaculaire en expansion à relativiser

D’ailleurs, continuer de déblatérer un verbiage dénonçant l’influence grandissante et perverse du réseau social n’aurait guère d’intérêt. L’audience de Facebook dans les cours magistraux ne démontre en rien que Mark Zuckerberg est l’instigateur d’un vaste mouvement de déconcentration massive des étudiants en amphis. La vacuité intellectuelle des sciencepistes exhibant photos et statuts sur le groupe de la promo n’est nullement “made in Facebook” : elle existait déjà avant. Quand les étudiants ne surfaient pas, ils dessinaient, lisaient, dormaient et jouaient à la belote (ou quelque chose comme ça).

Ainsi, Jean-François Chanet note que depuis quatre ans, il ne voit pas d’évolution sensible en matière de déconcentration des étudiants, un phénomène qu’il juge d’ailleurs minoritaire. Il affirme que lors de sa première année d’enseignement, alors que Facebook n’était pas aussi omniprésent, certains étudiants étaient alors plus enclins à lire le journal.  « Je n’ai pas perçu de différence notable dans l’écoute des étudiants au fil des semestres » note également Guillaume Tusseau. Ainsi, toute tentative d’émettre une corrélation entre la déconcentration science piste et l’importante audience de Facebook apparaît comme assez douteuse. Pour faire clair, les étudiants n’ont pas attendu l’invention de Facebook pour être indifférents aux diaporamas de M.Wasmer richement agrémentés de multiples courbes d’indifférence.

Facebook, un formidable outil de partage de contenus avant tout

En réalité, réduire Facebook à un vaste espace où règnerait une insupportable aphasie intellectuelle est assez caricatural. Au-delà des activités très certainement vaines (mais très certainement minoritaires) de certains étudiants, le réseau social est surtout une plateforme incontournable de partage de contenu pour toute la sphère sciencepiste. En effet, l’engouement sciencepiste pour le réseau social n’est que la conséquence de la “mort du web” (démontrée avec brio par Chris Anderson dès 2010) au profit d’un Internet applicatif où contrairement au web ouvert, TOUT passe par des sites comme Facebook, sortes de plateformes multi-modales du contenu multimédia. Nous ne sommes plus dans l’ère “radiolibre” du web ouvert : pour bénéficier pleinement des contenus sur Internet, être sur Facebook est un avantage clé.

Ainsi, Facebook étant la plateforme par laquelle transitent l’immense majorité des informations et publications, il est un outil indispensable pour la communication des associations, et contribue de ce fait à la richesse de la vie associative. Par exemple, le lectorat de La Péniche dépend essentiellement de Facebook : 70% des lecteurs viennent du réseau social, Même constat chez SciencesPoTV : 49,7% des vidéos vues le sont via un lecteur intégré sur Facebook ou depuis un lien publié sur le site.

A noter que chez SciencesPo TV, il y a soixante-douze fois plus de “webspectateurs” venant de Facebook que de Twitter. Preuve qu’à Sciences Po, que Nadine Morano le veuille ou non, c’est Facebook qui est roi.

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