Entretien avec Jean Gaeremynck : « je ne suis ni en contact avec la Cour, ni avec la ministre »

En novembre dernier, Jean Gaeremynck est appelé par la ministre de l’enseignement supérieur pour assurer les fonctions d’administrateur provisoire de la FNSP. Ses premiers pas à la tête de Sciences Po, ses fonctions, le nouveau directeur, le conseiller d’Etat a répondu à nos questions.

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Bonjour Monsieur Gaeremynck, pouvez-vous vous présenter pour les étudiants qui ne vous connaîtraient pas encore ?

Bonjour, donc vous connaissez mon nom, Jean Gaeremynck, je suis en temps ordinaire conseiller d’Etat, à la section des finances qui se situe dans la partie consultative du Conseil d’Etat. Chose importante, je suis un ancien élève de Sciences Po (ndlr : 1975 – AP puis prép ENA), et ma scolarité ici fut une étape très importante dans ma vie d’étudiant. J’y ai également enseigné quelques semestres au moment de la grande réforme pédagogique du tournant des années 2000. J’avais en effet, en qualité à l’époque de directeur de l’immigration et de la population au ministère des affaires sociales, proposé à Richard Descoings un enseignement d’ouverture autour des thématiques d’intégration, de naturalisation et d’asile. C’est une institution à laquelle je suis très attaché, parce que pour le provincial que j’étais, elle a toujours incarné l’ouverture, sur la France à mon époque puis sur le reste du monde aujourd’hui. J’ai également été conseiller juridique du président du Sénégal, membre du cabinet du garde des sceaux Pierre Méhaignerie entre 1993 et 1995, enfin délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle. Une introduction un peu en désordre mais qui vous permet de cerner un peu les thèmes de ma vie professionnelle qui font des accroches avec Sciences Po.

Comment s’est passée votre nomination à ce poste d’administrateur provisoire de la FNSP ?

J’ai été contacté par la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, et je n’ai pas hésité une seule seconde. J’ai considéré que c’était un honneur d’être sollicité pour diriger ne serait-ce que pour quelques mois cette très grande maison. De plus, j’ai estimé que les missions que m’a données la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Mme Fioraso étaient parfaitement claires : assurer la continuité des fonctions de direction, engager les réformes préconisées par la cour des Comptes, préparer la procédure de succession et établir une feuille de route pour l’adaptation des statuts de l’institution.

Quel va être votre rôle dans la désignation du nouveau directeur de Sciences Po ?

Tout d’abord, je travaille en conformité avec les conseils ( conseil de direction de l’IEP et conseil d’administration de la fondation) qui sont les seules instances juridiquement compétentes et qui ouvriront et clôtureront cette procédure ad hoc. Lors des différents conseils, nous avons défini les grands principes de celle-ci : 1) respecter les compétences des conseils 2) par tradition et consensus, identité de personne entre le directeur et l’administrateur 3) Un comité unique dans la mesure où l’on recherche une seule et même personne 4) principe de parité : le CD et le CA envoie le même nombre de personnes au comité de recherche 5) Mise en œuvre d’un principe de représentativité 6) La présence dans ce comité de recherche de personnes extérieures à Sciences Po (hors de Sciences Po et étrangère).

Mais en quoi cette nouvelle procédure change-t-elle tant que ça de la précédente, où excepté la pluralité des propositions de candidatures soumises aux conseils, ce comité de recherche reproduit en quelque sorte le comité de sélection du CA, tant critiqué ?

Ecoutez, personnellement je n’ai pas connu la procédure précédente. On me dit qu’il faut définir une procédure robuste, transparente et acceptée par tout le monde. Ce qui change me semble-t-il c’est qu’il y a eu un temps de réflexion assez long lors des conseils, à la mi-décembre puis début janvier, pour définir cette procédure. Après, je ne sais pas trop dans quelle proportion elle ressemble ou pas l’ancienne procédure, ce n’est pas tellement mon sujet, je préfère regarder vers l’avenir plutôt que vers le passé. Le plus important pour moi, c’était que les conseils en aient discuté suffisamment pour aboutir à une conception véritablement partagée de cette procédure.

Y a-t-il eu des discussions sur l’échec de la précédente procédure ? Par là même, n’y a-t-il pas un paradoxe à confier la mise en place d’une nouvelle procédure à des conseils qui en approuvant la nomination d’Hervé Crès, certes à une faible majorité, légitimait la procédure ?

La précédente procédure a abouti à la proposition de nommer Monsieur Hervé Crès et c’est cela qui n’a pas abouti, qui n’a pas été accepté. La ministre ne s’est pas prononcé à ma connaissance sur le processus mais sur le résultat, cela ne veut pas dire qu’il y ait eu un désaveu intégral de la précédente procédure.

Pourquoi ne pas avoir attendu la constitution du nouveau conseil de direction en février pour lancer la procédure ?

D’une part cela retarderait sensiblement la procédure. D’autre part, par principe de droit, tout organisme collégial est pleinement compétent tant qu’il n’a pas été renouvelé.

Sait-on le nombre d’années pour lesquelles le nouveau directeur sera nommé ?

Non, car à ma connaissance, les statuts ne comportent pas de disposition sur le nombre maximal de mandats

Y a-t-il un calendrier clairement établi pour cette procédure ? Quelle forme prendront les discussions du comité de recherche (fréquence, modalités) ? Y aura-t-il des entretiens individuels avec les candidats?

Le calendrier a été donné dans le communiqué sur les modalités de travail du comité de recherche : 1ere quinzaine de février examen des candidatures enregistrées, 2eme quinzaine, audition des personnes qui auront été retenues par le comité.

Imaginez-vous l’éventualité que d’autres candidats se présentent au CD sans avoir été présentés par le comité de recherche qui sémantiquement n’a pas la légitimité de sélectionner … ?

Le comité de recherche a été spécialement missionné pour faire des propositions aux deux conseils, c’est à partir de ces propositions que les conseils délibèreront.

Comment faire si deux noms sont proposés pour que le choix du CD et du CA soient les mêmes ?

La volonté clairement exprimée des deux conseils est que leur choix se porte sur la même personne.

Après avoir parlé de votre troisième fonction, parlons un instant de la quatrième, qui est pour rappel réfléchir à la mutation des statuts … En quoi cela consiste-t-il ?

« Proposer une feuille de route pour une adaptation des statuts ». Une feuille de route implique une réflexion sur le long terme. Le statut de Sciences Po lui a été légué par l’histoire, mais en même temps il s’avère aujourd’hui très moderne et bien adapté aux exigences d’un grand établissement moderne d’enseignement supérieur. Il faut donc maintenir cet acquis historique, ce qui n’empêche pas évidemment les aménagements et les adaptations.

Avez-vous vraiment les mains libres ou êtes-vous en liaison permanente avec la ministre ?

La cour des Comptes a ouvert des chapitres de gestion sur lesquels on va travailler un par un, avec toute l’équipe administrative de Sciences Po. Mais je ne suis ni en contact avec la Cour, ni avec la ministre. Je suis ici, non pas pour faire valoir mes opinions personnelles, mais pour accomplir une mission précisément définie, et faire en sorte que chacun dans la maison travaille dans des conditions normales au service de l’intérêt général. Et je suis le garant de ce travail méthodique et rigoureux au quotidien, permettant de déboucher sur les réformes nécessaires à tous les niveaux.

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