Art et modernité…
…tentative d’éclairage avec l’exposition « Delacroix et la photographie » au musée Eugène Delacroix
Il y a quelques temps, vous avez pu trouver en lien sur votre cher magazine, une mythique interview de Jean Renoir, exprimant ses inquiétudes quant à l’avènement d’un cinéma aux méthodes trop modernes. Selon le maître, qui prédisait même le développement d’un cinéma odorant, l’usage de techniques trop perfectionnées dans la réalisation d’un film risquait fortement d’annihiler tout effort d’imagination. Le but du cinéma, et de l’Art en général, n’est en effet pas de toucher la réalité au plus près, mais de laisser une chance à notre imagination de s’évader.
L’exposition « Delacroix et la photographie », organisée par le musée Eugène Delacroix nous apporte ici une vision complémentaire des liens unissant Art et modernité. L’artiste peintre Eugène Delacroix était en effet bien loin de considérer la photographie, forme nouvelle de représentation de la réalité à l’époque, comme une rivale de la peinture. Il s’est au contraire beaucoup aidé de la photographie dans son travail. Entre autres, il dirigea en 1854 la réalisation d’un album de modèles nus, masculins et féminins, photographiés par Eugène Durieu. Sa correspondance et son journal nous ont appris qu’il se servait de ces photographies pour s’exercer au dessin lorsqu’il ne disposait pas de modèles vivants.
Pour la première fois, le musée a regroupé ici la quasi-intégralité des photographies et des dessins qui en ont été tirés. Même si cela reste très rare, ces clichés ont même inspiré à Delacroix certaines toiles. En observant par exemple cette odalisque et la photographie qui l’a inspirée, on mesure toute l’importance de l’imagination dans le travail de Delacroix. La modernité non comme menace mais comme inspiration, stimulation de l’imagination. Toutefois, Delacroix marque quelques distances avec ce nouveau medium auquel il reproche notamment de manquer parfois de nuance. Il regrette la trop grande netteté de certains clichés dont la multiplicité des détails épuise l’œil. Les clichés dont il a dirigé la réalisation restent d’ailleurs un peu flous, presque sommaires: une caisse en bois, une sorte de peau de bêtes, des corps nus.
On retrouve alors la même idée que chez Renoir: la modernité devient un « danger » pour l’Art dès lors qu’elle cherche à représenter la réalité le plus précisément possible. Elle le nourrit au contraire lorsqu’elle devient une source d’inspiration parmi d’autres.
Musée Eugène Delacroix Tous les jours de 9h à 17h
6 rue de Furstenberg 75 006 Paris