A la rencontre des piliers de l’école

Demander à un étudiant de décrire l’institution de la rue Saint-Guillaume entraîne invariablement une profusion de termes comme « cosmopolitisme », «école internationale », « diversité culturelle »… Et ils ne croient pas si bien dire. En effet, Sciences po ne limite pas sa volonté de multi culturalisme à l’ensemble de ses étudiants, si nombreux soient-ils ; les 950 salariés sont bel et bien logés à la même enseigne. Lapéniche.net est donc partie à la rencontre de ces personnes que nous côtoyons quotidiennement sans réellement les connaitre, en dépit de leur rôle fondamental dans le bon fonctionnement de l’établissement.

21270_10151602593529834_377312074_nTout comme il existe une multiplicité de masters et d’orientations professionnelles pour les étudiants de Sciences Po, les employés de la rue Saint Guillaume se caractérisent en premier lieu par la diversité de leurs postes. Agent de service, jardinier, bibliothécaire, techniciens audiovisuels, appariteurs, responsable de l’accueil, infirmière, agent de sureté et de sécurité incendie,… la liste est longue. L’ensemble des salariés de l’école constitue une véritable fourmilière où chacun a sa place et des tâches bien assignées, où tout le monde se croise et se connaît. Adam Smith aurait été largement satisfait de voir à quel point sa théorie de division du travail est respectée ici : rien que pour le service de nettoyage, l’Agence SP3 a mis à la disposition de Sciences Po des dizaines d’agents. Alors que L. Florina s’occupe de la permanence de 6h à 21h en péniche, M. Jean-Baptiste est chargée de l’entretien des escaliers ou encore M. Yakité de celui de la cafétéria. De même, la bibliothèque ne regroupe pas moins de 106 salariés –dont une trentaine d’agents de bibliothèque- et 33 vacataires. Un véritable monde parallèle à la vie étudiante existe donc et la frontière à franchir pour le découvrir ne nécessite qu’un pas. Il est vrai qu’en raison de leurs horaires souvent très matinaux, il n’est pas toujours aisé de croiser ces membres à part entière de Sciences Po ; s’il arrive aux sciences pistes de les apercevoir, ils semblent souvent très affairés.

294858_10151602593204834_165488845_nPourtant ce serait mentir que de dire qu’il n’y a aucun contact entre les étudiants et les employés. Ces derniers expliquent à l’unanimité que globalement, les sciences pistes sont ouverts et agréables, n’hésitant pas à dire bonjour lorsqu’ils passent en coup de vent. S. Khelifi et P. Grivaz, tous les deux travaillant à la bibliothèque, font de l’accueil des étudiants leur priorité. Ainsi S. Khelifi explique qu’elle s’attache à « accueillir les étudiants comme vous auriez voulu être accueillis » (elle s’occupe notamment du Welcome Program). P. Grivaz, que vous pouvez trouver au premier étage du 30 ajoute que ce qui lui plait le plus dans son travail c’est justement cette dimension de service public. Il aime être en contact avec tous ces étudiants qui ne manquent pas non plus de le remercier lorsqu’il effectue pour eux une recherche bibliographique. Une reconnaissance qui n’est cependant pas automatique pour tous. Pour les techniciens du pôle audiovisuel, bien que globalement les étudiants de l’école soient respectueux, leur travail – notamment en régie- manque parfois de reconnaissance. Il est vrai que lorsqu’un intervenant réclame une réparation rapide de l’écran, eux « se démènent et ne récoltent pas forcément de merci ». D. Mayeux, responsable des régisseurs des campus parisiens (au nombre de sept), souligne également le rôle de leur tenue de travail, déterminant nettement leurs relations avec les étudiants. Alors qu’il bascule régulièrement entre le costume de responsable et la tenue quotidienne de régisseur, il remarque les comportements très différents des étudiants et professeurs, pouvant l’ignorer dans le second cas. Il conclut simplement « L’habit ne fait pas le moine mais il contribue ».

943180_10151602593444834_860258141_nOutre la variété de leurs postes, les salariés de Sciences Po se caractérisent également par leur diversité culturelle. En effet comme pour ses étudiants, l’école veille à assurer un certain cosmopolitisme parmi son personnel. Ainsi, chez les 11 personnes interrogées dans le cadre de cet article, on compte près de 7 origines culturelles différentes : Française, Algérienne, Espagnole, Ivoirienne, Haïtienne, Sénégalaise, … Il faut donc étendre cette proportion à l’ensemble des employés de la rue Saint-Guillaume pour pouvoir s’imaginer la richesse culturelle de l’ensemble de son personnel. Un multiculturalisme dont peut se vanter l’école, et qui fut la plupart du temps, très recherché par les salariés. S. Khelifi, responsable de l’accueil des étudiants à la bibliothèque, salue fortement cette « diversité, qui donne une très belle image de la France ». Beaucoup soulignent notamment l’apparition de celle-ci avec Richard Descoings, connu pour son action contre de rigides barrières à l’entrée de l’école.

946580_10151602593569834_1339190426_nSi les origines sont multiples, il faut aussi noter que chacun de leur parcours est unique. Il y a d’abord ceux qui ont eu leur première expérience professionnelle à Sciences Po et n’en sont jamais partis. C’est le cas de S. Khelifi qui travaille dans la bibliothèque depuis 26 ans : le petit job au départ s’est vite transformé en carrière. Aujourd’hui, elle est responsable de l’accueil des étudiants, du Welcome Program, de l’initiation des premières années à la bibliothèque et des visites organisées toute l’année. Elle explique « qu’il y a un tel dynamisme, que l’on ne s’ennuie jamais ». Elle n’est néanmoins pas la seule à avoir gravi les échelons dans l’école. D. Mayeux a délaissé sa vocation de pâtissier trop contraignante, pour rejoindre la bibliothèque de Sciences Po. Durant 25 ans il a ainsi évolué dans le bâtiment jusqu’à ce que M. Descoings lui propose de devenir le régisseur du nouveau bâtiment en construction à l’époque : l’école de journalisme. Aujourd’hui il dirige une équipe de 7 régisseurs en charge de tout le campus parisien. P. Grivaz a aussi arrêté une première carrière de comédien afin d’intégrer la bibliothèque du 30. Les diplômes sont donc très variés et ne correspondent que très rarement au poste final. M. Jean-Baptiste explique ainsi qu’auparavant, alors qu’elle n’avait pas encore rejoint l’équipe d’entretien de Sciences Po, elle fut diplômée en assistance maternelle puis en assistance hôpital. J-D Motellier et E. Redondo viennent tous deux d’un paysage professionnel très différents. Formés dans l’audiovisuel, ils ont respectivement travaillé dans le tournage de court métrage, le documentaire et à la télévision. Ce n’est que très récemment qu’ils ont choisis de rejoindre le pôle audiovisuel de Science Po. Quoi qu’il en soit, les profils des employés sont tous très atypiques et constituent une vraie richesse humaine pour l’école.

Il est important de souligner qu’au fur et à mesure des interviews, il est apparu un sentiment commun envers Richard Descoings. La plupart des employés interrogés n’ont en effet pu résister à l’envie de rendre un dernier hommage à l’ancien directeur, qui réforma Sciences Po entièrement et changea radicalement leur travail. S. Khelifi met ainsi en exergue toutes les mesures qu’il a appliquées pour ouvrir l’école à un nouveau public, aux origines sociales et culturelles très diverses. Elle insiste sur le caractère persévérant de celui-ci : « Il nous a tous montré que lorsque l’on veut, on peut ». D’autres employés ont davantage accentué la personnalité avenante de « Monsieur Descoings ». Pas un n’a par exemple omis de mentionner que Richard Descoings s’arrêtait pour saluer et s’enquérir des nouvelles de chacun. F. Alimata , les yeux pétillants, déclare que « Monsieur Descoings était une grande personne ». Bien sûr, ils admettent les erreurs financières de celui-ci, mais tous semblent regretter l’acharnement contre celui qui su métamorphoser Sciences Po. La transition directoriale a, quant à elle, été plus ou moins suivie de tous, mais ce qui ressort c’est la halte générale prononcée pendant près d’un an. De nombreux projets ont ainsi été mis en attente durant tout ce temps, à l’instar du rallongement des horaires de la bibliothèque. Ce qui est sûr, c’est que tous les employés de l’école attendent de voir la politique de F. Mion, et misent beaucoup sur lui pour reprendre tout ce qui avait été enclenché l’année dernière.

Finalement, si tous les employés ont des postes, des origines, des parcours plus différents les uns que les autres, quelque chose les rassemble indéniablement lorsque nous les écoutons : ils aiment et sont fiers de leur travail ! M. Makite travaille dans le jardin depuis une trentaine d’années et est toujours satisfait de ce qu’il fait, attendant avec impatience les premiers jours de chaleurs, qui le réchaufferont à 6h du matin. J-D Motellier goute avec délectation cette adrénaline qui le traverse lorsqu’il se voit confier une interview urgente, ou les rênes de la couverture audiovisuelle d’un évènement. De même, ce n’est pas sans fierté que D. Mayeux parle de ses tâches et de son équipe de régisseurs. Il explique que par leur polyvalence, par leur capacité à résoudre un problème technique avec ce qu’ils ont sous la main, ils sont les « MacGyvers de l’école ». Bien sûr, l’ensemble des employés de Sciences Po précise qu’ils ont des tracas quotidiens, que certains aspects ne leur plaisent pas toujours – F. Alimata, agent d’entretien, pointait notamment d’un doigt menaçant, les toilettes féminines de la bibliothèque-. Mais quels que soient leur poste, leurs horaires, leur origine ou leur qualification, les salariés de Sciences Po sont tous fiers d’apporter leur pierre au grand édifice qu’est l’Institut. Le responsable des régisseurs conclut ainsi parfaitement cette série d’interviews : « On a beaucoup de chance de venir avec le sourire au boulot !».

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