6000 candidats dans le grand bain du concours d’entrée

Lapéniche.net publie aujourd’hui l’article d’Alex Joubert, étudiant en Terminale ES dans le Rhône (Saint Thomas d’Aquin, Mornant) qui passait le concours d’entrée de Sciences Po le premier week-end de mars.

Pendant que quatre-vingt étudiants occupaient l’amphithéâtre Boutmy, près de 6000 lycéens peaufinaient eux leurs ultimes révisions en vue du concours d’entrée au collège universitaire de l’IEP de Paris qui avait lieu samedi et dimanche dernier. Nous étions 11% de plus que l’an dernier à tenter notre chance, preuve qu’en dépit des remous internes qui peuvent agiter l’institution, cette dernière conserve un important pouvoir d’attraction. L’admission à l’IEP constitue en effet un véritable objectif cher à de nombreux étudiants, qui ont investi du temps et parfois de l’argent pour y parvenir, d’autant plus que la sélection est extrêmement rude et qu’au final, seuls 800 admis auront la chance de pouvoir s’insurger contre le manque de transparence dans le processus de désignation du directeur.

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(crédit : l’express)

L’examen écrit, une étape parmi d’autres

Pour ce concours écrit qui intervient plus tôt dans l’année scolaire que lors des exercices précédents, nous étions amenés à passer trois épreuves contre quatre à l’accoutumée car l’examen de culture générale a été rangé aux oubliettes pour délit de reproduction sociale. L’épreuve à option (Maths, SES ou Littérature et Philosophie) ouvrait le bal samedi de 13h à 16h suivie de l’épreuve de langue de 16h30 à 18h00, qui permettait aux élites mondialisées biberonées aux séjours linguistiques de glaner des points en toute impunité, sans suspicion de crime de lèse-égalité des chances. Enfin, l’épreuve reine qu’est l’Histoire faisait guise de cérémonie de clôture le dimanche, de 13h à 17h.

Néanmoins, avec la réforme du concours d’entrée que nous inaugurions, les examens écrits n’ont plus un rôle fondamental : ils comptent pour moitié dans la désignation des admissibles, un dossier rempli au préalable étant également pris en compte, avec les bulletins et la lettre de motivation qu’il contient. Puis, une fois les admissibles désignés autour du 15 avril, c’est à l’oral que se jouera l’admission pour tous les candidats, à cheval entre le mois de mai et le mois de juin. Un seul oral de motivation en français permettra de départager les élèves car l’oral de LV1 initialement prévu a été annulé, à la grande joie des adeptes du franglais qui pourront éviter d’exposer les lacunes d’un accent si peu britannique !

Ce vrai parcours du combattant s’achèvera définitivement le 1er juillet avec la publication de la sentence, c’est à dire la liste des admis au collège universitaire par ordre alphabétique sous forme de document PDF dont les étudiants que vous êtes ont déjà fait l’expérience et dont les cardiaques ayant survécu se souviennent probablement.

Dans l’enfer de Villepinte ou la Guadeloupe, faites votre choix !

Avec six bons milliers de candidats, l’IEP avait ouvert cinq centres d’examens, à Nancy, à Poitiers, à Villepinte, sur l’île de la Réunion et en Guadeloupe. Une très large majorité des candidats a néanmoins opté pour le charmant hangar du parc des expositions de Seine Saint-Denis : un choix d’autant plus judicieux que la présence visible de milliers de concurrents était tout à fait propice à l’évacuation du stress d’autant qu’il y avait d’importants travaux sur la ligne B du RER.

Sur Twitter, les réactions sur la taille du centre ont été nombreuses : « Rien que de voir la salle , j’ai peur » avoue @CharlotteCornu tandis que @heavystone77 garde le « souvenir gravé d’un hangar contenant 5000 personnes silencieuses ». D’autres préfèrent en rire comme @BaptisteObjois dimanche matin qui dit en avoir « marre de voir tout le temps les 5000 mêmes personnes ». Un engorgement des routes et du réseau de transports en commun a par ailleurs obligé les organisateurs à décaler l’heure de démarrage de l’épreuve d’un quart d’heure samedi, ce qui s’est appliqué pour tous les autres centres d’examens par mesure d’égalité.

A l’inverse, au lycée Gerville Réache de Basse-Terre, en Guadeloupe, ce sont à peine trente candidats qui ont passé l’épreuve m’a assuré l’un d’eux. Et apparemment, aucun problème de RER n’a été signalé.

Des sujets entachés par un « couac » en italien

Dans la faculté de droit de Nancy, centre d’examen dans lequel j’ai composé aux côtés de candidats majoritairement alsaciens et lorrains mais aussi quelques parisiens égarés qui ont préféré le TGV aux joies du RER (pour un temps de déplacement souvent équivalent), les épreuves ont commencé une fois que le directeur du campus franco-allemand Mr Laval avait donné son aval.

A la sortie, un certain nombre de candidats faisaient part de leur déception en SES où le temps bref de l’épreuve (3 heures contre 4 au BAC) en a surpris plus d’un, qui n’ont pas eu le temps de finir leur sujet. Le raisonnement argumenté, noté sur 14, traitait de plus des défaillances de marché, une notion micro-économique qui prêtait à la confusion et aux hors-sujets. En Littérature et Philosophie, ce sont les Misérables de Victor Hugo (le film de Tom Hooper n’y est peut être pas étranger) qui étaient à l’honneur ainsi que l’Emile de Rousseau.

En langues, l’épreuve d’Anglais portait sur la politique étrangère d’Obama tandis que l’examen d’Italien a été entaché d’un imbroglio assez déstabilisant pour les candidats puisque le texte concernait la pollution en Italie… alors que les questions de compréhension évoquaient Silvio Berlusconi ! Par un geste cavaliere, les étudiants ont été au final dispensés des questions de compréhension et ont pu se concentrer sur la rédaction, les organisateurs ayant réagi au bout d’une demi-heure au cours de laquelle les candidats cherchaient en vain dans le texte toute référence à l’ancien président du conseil des ministres. En Espagnol, alors que la question du mouvement indépendantiste catalan avait la faveur des pronostics, c’est sur l’Amérique Latine que les candidats ont été finalement invités à composer !

Enfin en Histoire, les candidats avaient le choix entre deux sujets de composition : « La guerre d’Algérie » (rebelote pour la série S après le baccalauréat l’an passé) ou « L’économie monde britannique » ainsi qu’une étude de document obligatoire portant sur le mur de Berlin. Des sujets assez inattendus (puisque la veille du concours, beaucoup pariaient sur les totalitarismes ou sur les deux guerres mondiales) et qui nécessitaient la maîtrise de connaissances assez techniques et précises, disqualifiant a priori les candidats qui n’avaient pas fourni une véritable préparation.

Un voile d’ignorance jusqu’au 15 avril

Au sortir des épreuves, alors que je m’attendais à voir autour de moi une foule de jeunes filles (et jeunes hommes, gare aux pré notions) en larmes après avoir échoué, je n’ai pas aperçu d’effusions sentimentales mais des visages majoritairement confiants. Le sourire ne fait certes pas l’admissible et tout jugement hâtif serait dès lors inopportun mais il n’empêche que cette foule de candidats assurés et droits m’a mis directement face à la réalité d’une dure concurrence qui rend le chemin vers l’admission d’autant plus semé d’embûches.

En effet, parmi les candidats en lice ce week-end, un nombre conséquent d’élèves ont fait de la réussite à l’examen un véritable objectif et s’en sont donné les moyens, en suivant par exemple d’onéreuses prépas privées. Ainsi, à l’entrée du centre d’examen, aux côtés des personnes isolées, certains groupes d’une dizaine de candidats avaient déjà fait connaissance dans le cadre de prépas le week end ou de stages de vacances proposés par IPESUP, l’ISTH ou encore Euroforce, très présent dans l’est de la France.

Face à cette concurrence déterminée, l’issue du concours semble floue pour la majorité des élèves. La relative opacité des règles de sélection renforce cette tendance : il est extrêmement hasardeux de se prononcer sur l’issue d’un jeu dont on ne connaît pas les règles. En effet, rien n’est vraiment formel, pas même le barème de l’épreuve d’Histoire qui n’a pas été communiqué. Et la voile ne commencera à se lever que le 15 avril…

7 Comments

  • F.

    Pourquoi laisse-t-on à quelqu’un la possibilité d’écrire un article alors qu’il a seulement passé le concours et qu’il n’a donc aucun lien avec notre institution ? Surtout pour un papier de cette qualité, c’était pas la peine.

    • Vianney CB

      Pour l’évidente raison que personne ne peut être plus qualifié pour parler de ce nouveau concours que quelqu’un qui vient de le subir, tu en conviendra.

    • Auxence

      bravo, bon esprit « F » !
      c’est vrai quoi, Le Monde est un journal français donc aucun étranger ne devrait avoir le droit d’y écrire. De même, La Péniche est le journal de Scpo donc tout point de vue extérieur est nul et non avenu : je propose une pétition pour nous assurer que cet Alex Joubert n’entre jamais à Scpo, ce ne serait que justice.
      « aucun lien avec notre institution », non mais on rêve…! c’est des gens comme toi qui font tant de mal à l’image méprisante que beaucoup ont de Scpo.

      plus sérieusement, c’est pas moins bien écrit que pas mal d’articles sur LaPéniche.net et ça donne une bonne idée des transformations du cocncours pour ceux qui l’ont passé il y a 5 ans donc avant les 2 (ou 3 ?) réformes successives.
      (ça manque un peu d’analyse globale sur le mode de sélection et ses implications mais d’un côté Alex n’est justement pas encore entré dans l’école, donc difficile exercice)

    • Auxence

      et plutôt que de débattre pour savoir si oui ou non des rédacteurs extérieurs à Scpo sont légitimes à écrire ici, on ferait mieux de développer les vraies questions que soulève ce récit, à savoir la légitimité/efficacité des épreuves et de la forme du concours par rapport à son objectif affiché.

      Certes, l’avancement du calendrier était dicté par le ministère semblerait-il mais le 1er changement de date (début juinà était annoncé comme une façon de couper l’herbe sous le pied des prépas privées pour « plus d’égalité » face aux épreuves. Force est de constater que, comme on le savait avant la réforme, ça n’a aucun effet.

      On rejoint ausi la question de la transparence, dans un autre domaine que celui de la désignation du directeur : quels sont les critères réels de sélection des dossiers et des copies (ou des individualités, Hervé Crès ayant assuré qu’on ne recrutait plus de simples copies) ?

      Pour ma part, je pense que même si aucun mode de sélection ne peut être parfait (il est même difficile de savoir qui on veut/doit sélectionner), et bien qu’il y ait des erreurs de castings comme on s’en rend compte une fois à Scpo, la procédure décrite ici, peut-être un peu marathonienne, est probablement assez complète et juste, balançant le dossier académique, les épreuves écrites et l’entretien oral.

  • Hugo

    Cet article est agréable à lire, à mon sens, bien plus que certains articles de La Péniche rédigés par des élèves de Sciences Po, et drôle qui plus est. Reprocher à l’auteur une erreur de citation me semble injuste quand la rédaction est aussi impeccable par ailleurs (après que + indicatif, on ne le voit pas souvent).

  • Marion

    Loin de moi l’idée de vouloir dénigrer nos candidats, mais les tournures de phrases sont extrêmement LOURDES et quelques peu péteuses. (Ce style de rédaction mêlé à des citations comme source de « @heavystone77 » (non, sérieux, à la limite « un candidat » quoi, enfin, je sais pas) est pour le moins étrange.)