Xavier Dolan affirme brillamment son cinéma avec « Matthias et Maxime »

Si Xavier Dolan a annoncé la fin d’un cycle cinématographique lors de sa prise de parole rapide avant l’avant-première de son dernier film Matthias et Maxime à l’UGC des Halles mardi 15 octobre, ceux qui n’aiment pas ses précédents pourront se passer d’aller le visionner. Toutefois, même s’il propose un film qui s’inscrit dans la lignée de ses dernières réalisations, sans vraiment surprendre, il le fait avec brio. Tout au long de l’histoire d’amour (ou plutôt, de la révélation de l’amour que se portent les protagonistes eux-mêmes), il nous frustre et nous fait sourire avec les héros, et ce toujours avec finesse.

Le film s’ouvre sur une escapade entre potes. On serait presque déçu de ne pas faire partie de la bande, certes peut-être un peu cliché mais pas pour autant caricaturale. Chacun a une personnalité bien distincte, les plaisanteries moqueuses sont de mise, et un plan sur les manettes de console de jeux insiste sur la banalité de cette amitié de longue date. Au premier abord, la situation est presque trop simple par rapport à ce à quoi le réalisateur nous a habitué.

On peut, il est vrai, parfois regretter l’évidence des concepts utilisés par Xavier Dolan. L’avocat ennuyé fixe une plante verte, la petite sœur insupportable abuse d’Instagram et ponctue ses phrases de trois « genre » à la minute, les plans récurrents sur les routes illustrent le chemin parcouru, la prise de conscience dont découle tout le film vient d’un petit hasard (trop) simple. Mais le film s’affine progressivement, tout comme les personnages se découvrent eux-mêmes. La petite sœur ou les riches mères caricaturales et caricaturées apprennent finalement aux héros qui ils sont. La finesse est là aussi en ce qu’elle détrompe le spectateur sur ses premiers jugements. Et on ne peut qu’apprécier l’esthétisme des plans malgré leur simplicité, la beauté des images et l’utilisation de la musique si caractéristiques du réalisateur, qui font de lui « l’artiste » qu’il « est ou aimerait devenir ».

Il faut l’admettre, les thématiques récurrentes du réalisateur sont inévitables. Il mentionne que l’utilisation du groupe nominal « thématique de l’homosexualité » ne présente pour lui qu’un caractère irritant, parce qu’il ne fait que raconter des histoires d’amour, peu importe qui sont les amoureux. D’ailleurs, il le précise, les personnages « ne sont pas gays » : il s’agit d’amour et d’identité, mais l’identité ne se définit pas avec l’orientation sexuelle. Cependant, certains thèmes sont bien présents : la rencontre (ou plutôt la redécouverte) entre deux êtres torturés, la mère ingrate (dont on se demande parfois pourquoi elle existe) et les pères absents, l’autre mère aimante mais pas biologique, la maison et les plans intérieurs. Malgré leur récurrence dans ses films, Dolan refuse l’idée que ces-derniers « se répondraient l’un à l’autre ». Il assure toutefois que l’ère de films très personnels touche à sa fin. Et annonce par la même occasion sa volonté de jouer plus pour ne pas « s’enrouiller », volonté que l’on peut sans hésitation saluer, et se réjouir de la perspective de le voir encore faire (bien) l’acteur. C’est un film sur l’entrée dans l’âge adulte. Il filme brillamment une soirée qui ressemble à une soirée d’adolescents, mais ce n’est, il me semble, que pour mieux faire ressentir son propos sur l’accès à la maturité. D’ailleurs, Dolan le dit lui même, « il n’aurait pas pu faire ce film avant », et on ressent effectivement au fil de ses films à la fréquence notable (presque un par an) une évolution de sa façon de raconter. Mais c’est aussi un film qui ne donne pas de leçon de moral, qui n’exploite pas de concepts éternels et universels. Il dépeint le réel et la complexité de celui-ci, retranscrit en beauté les émotions auxquelles nous sommes tous confrontés, magnifie le commun en capturant des moments de vie. Il fait du Dolan, mais il le fait bien. Et on ne s’en lasse pas.