US Elections #2: Qui est Jill Stein, la candidate écologiste qui rebat les cartes du paysage politique américain ?

Dans cette série d’articles sur les élections américaines, nous couvrirons les élections générales américaines qui ont eu lieu le 5 novembre, en étudiant les candidats, leurs campagnes, leurs programmes et leurs propositions politiques. Nous analyserons également les résultats et leurs impacts sur la société américaine, et serons présents pour les conférences, discours et autres événements importants autour du sujet. Pour ce deuxième article de notre série, on s’intéresse à la candidate écologiste Jill Stein.

Alors que les résultats des États clés tombent un à un en faveur de Donald Trump, nombreux sont les Démocrates qui en veulent aux candidats de plus petits partis restés dans la course, au premier rang desquels la candidate du Parti Vert Jill Stein. Sensible à la douleur des Palestiniens pour certains, opportuniste pour d’autres, qui est cette femme politique qui se présente pour la troisième fois aux élections présidentielles ?

Légende image : Jill Stein, keffiyeh autour du cou, prend la parole lors d’un rassemblement pro-Palestinien devant la Maison Blanche, le 8 juin 2024. (Photo by Mattie Neretin/Getty Images)


À 74 ans, Jill Stein, candidate écologiste à l’élection présidentielle américaine de 2024, est une coutumière de la politique. Militante dès ses années au lycée lors desquelles elle « organisait des veillées hebdomadaires contre la guerre [du Vietnam] » et membre du Parti Vert depuis 2002, elle s’est depuis présentée à plusieurs élections sous la bannière écologiste. Élections du gouverneur de l’État du Massachussets en 2002 et 2010, élections présidentielles en 2012, 2016 et 2024 : sans jamais gagner, Jill Stein a su donner une certaine popularité médiatique au Parti écologiste dans un pays dominé par un bipartisme chevronné… et parfois assommant.

Elle-même en a fait l’expérience il y a quelques décennies. Avant de s’engager en politique avec le Parti Vert, cette ancienne médecin a quitté le Parti Démocrate au sein duquel elle militait depuis quatre ans, lui reprochant d’avoir « torpillé la réforme du financement des campagnes dans mon État ». Aujourd’hui son discours n’a pas changé, alors qu’elle accuse les Démocrates d’avoir trahi, « encore et encore », les promesses faites « aux travailleurs, aux jeunes, et en matière de climat ».

C’est d’ailleurs une des rares candidates à s’être maintenue dans la course à la Maison Blanche pour offrir une « troisième voix » aux électeurs, malgré les appels de plusieurs élus Démocrates à se retirer. Une inflexibilité qui lui vaut des critiques jusque dans son propre camp : plusieurs partis écologistes européens ont appelé à son retrait ce vendredi 1er novembre, pour ne pas pénaliser la candidature de Kamala Harris en divisant les électeurs.

Cette obstination n’est pourtant pas nouvelle. En 2016 déjà, celle qui n’hésitait pas à renvoyer les partis Démocrate et Républicain dos à dos avait récolté plus d’1 % des suffrages lors de l’élection présidentielle, au grand dam de la candidate Démocrate d’alors, Hillary Clinton. Et pour cause : si Jill Stein s’était retirée et que ses électeurs avaient reporté leurs votes sur Hillary Clinton – une hypothèse toutefois assez peu plausible compte tenu des différences idéologiques entre les deux femmes – l’ancienne Secrétaire d’État aurait alors battu Donald Trump pour devenir la première femme présidente des États-Unis.

Cette situation va-t-elle se répéter cette année ? Trump, en tout cas, a de quoi l’espérer. Il a même déclaré, le 5 novembre 2024, que Jill Stein « pourrait bien être l’une de mes personnalités politiques préférées ». De là à y voir un coup médiatique pour affaiblir la campagne de Kamala Harris, il n’y a qu’un pas. Car tout oppose l’ancien président de 78 ans et la candidate écologiste passée par Harvard : ardente défenseure du « Green New Deal » qui se dit « à la gauche de Bernie Sanders », figure de la gauche radicale aux États-Unis, Jill Stein mène une campagne axée sur l’éducation gratuite, une protection sociale universelle, et surtout l’arrêt des livraisons d’armes à Israël.

Élevée dans une famille juive à Chicago, cette mère de deux enfants n’en reste pas moins farouchement opposée à la politique menée par l’État hébreu depuis un an à Gaza, qu’elle n’hésite pas à qualifier de génocide. « C’est très clairement un criminel de guerre », lachaît-elle le 16 septembre 2024 à propos de Benyamin Netanyahou, Premier Ministre israélien, dans une interview avec le journaliste Mehdi Hasan. Ce discours ferme, aux antipodes des positions démocrate et républicaine sur le sujet, lui vaut une forte popularité auprès des électeurs musulmans : près de 42 % d’entre eux penchaient pour un vote en faveur du Parti Vert, selon un récent sondage du Conseil des relations américano-islamiques.

Aujourd’hui installée avec son mari à Lexington, dans le Massachusetts, elle n’échappe pas pour autant aux critiques. Si certains s’étonnent de sa clémence envers Vladimir Poutine, qu’elle a eu du mal à qualifier de criminel de guerre face à Mehdi Hasan, d’autres, notamment au sein du Parti Démocrate, lui reprochent son « opportunisme ». « Si tout ce que vous faites c’est vous présenter une fois tous les quatre ans pour parler à des gens qui sont à juste titre en colère, […] vous n’êtes pas sérieux. Pour moi, ce n’est pas de l’authenticité, c’est de la prédation », tançait le 1er septembre Alexandria Ocasio-Cortez, députée Démocrate réputée progressive.

Ces commentaires font écho au bilan électoral du Parti Vert, qui n’a jamais élu de candidat au niveau fédéral et dont le nombre d’adhérents a chuté de 319 000 en 2004 à 244 000 en 2024. Présent à toutes les élections présidentielles depuis 1996, le parti n’a pas réussi à s’implanter durablement dans le paysage électoral américain, ne gagnant jamais plus de 2.7 % du vote populaire. Ce score, réalisé en 2000 par Ralph Nader, lui valait déjà d’être qualifié de « spoiler » (« gâcheur ») dans la course particulièrement serrée entre le Démocrate Al Gore et le Républicain George W. Bush. Tout auréolée qu’elle soit par son soutien à la Palestine dans cette élection marquée par la politique étrangère des États-Unis, Jill Stein échappera-t-elle à ce traitement ?