Une vérité qui intéresse : CR de la conférence-débat « Peut-on encore sauver la planète ? »

Tout est soumis au prince hormis le vent (Victor Hugo)

Peu de temps après l’attribution du prix Nobel de la Paix à Al Gore ainsi qu’au GIEC et à l’issue du Grenelle de l’environnement, une conférence-débat sur le thème « Peut-on encore sauver la planète ? La communauté internationale face aux défis écologiques » était organisée dans l’amphi Emile Boutmy. Deux célébrissimes Michel, Mikhaïl Gorbatchev et Michel Rocard, y ont notamment participé. Pour vous, la Péniche.net y était. Petite mise au vert.

Malgré une faible publicité auprès des étudiants de Sciences Po (à droite, dans la Newsletter, si je vous assure), l’amphi Boutmy était plein vendredi 26 octobre matin. A la suite d’une brève présentation de l’Agence française de développement (AFD) et de Green Cross France, la première table ronde de la matinée intitulée « Dégradations environnementales et pauvreté : enjeux pour la paix et la sécurité » débutait en compagnie de l’ancien Premier ministre et député européen Michel Rocard, du président de Coordination Sud Henri Rouillé d’Orfeuil et du directeur de l’AFD, Jean-Michel Sévérino.

Michel Rocard entame le débat en affirmant tout d’abord que « la communauté scientifique est restée très longtemps en désaccord avec elle-même. L’événement intellectuel important est l’unification de la communauté scientifique. L’accord s’est fait petit à petit alors que le conflit était grave -et il s’est fait avec un diagnostic aggravé par rapport au diagnostic initial. Le film d’Al Gore montre que nous prenons conscience d’un grand danger ». L’état des lieux des dégradations environnementales se poursuit : guerre de l’eau au Moyen-Orient, arythmie des régimes de pluie, sécheresses à répétition, problèmes du Darfour qui mêlent paupérisation écologique et tensions politiques sont au programme.

Une intervention de Michel Rocard au sujet des solutions à apporter va susciter les applaudissements d’un aréopage attentif. « Premièrement, il faut créer une nouvelle agence de l’ONU, une agence mondiale de l’environnement pour que cela pèse. Deuxièmement, il faut une réforme de l’ONU avec un ordre international plus contraignant ». Après avoir fustigé « le refus de règles communes » que l’ancien Premier ministre socialiste qualifie « d’anarchie mondiale », il expose sa vision sur l’évolution du capitalisme : « Avant, il y avait un libéralisme régulé avec le plein emploi pendant 27 ans en France. Ce capitalisme acceptait des règles et passait son temps à chercher des règles. Ce sont les Etats-Unis qui ont fait sauté le système qui s’est orienté vers une anarchie générale, un capitalisme monopoliste . En raison de la montée du pouvoir de l’actionnaire et des fonds d’investissement, le travail est devenu précaire, la recherche du profit le critère majeur et le système prédateur. La prédation des ressources naturelles du Tiers monde augmente à toute allure ».

Et Michel Rocard de conclure : « J’ai passé ma vie à me battre pour l’économie de marché, contrairement à d’autres socialistes dirigistes (sic), le capitalisme monopoliste est en train de s’autodétruire. Alors que le capitalisme était critiqué à l’origine par des détracteurs extérieurs comme Marx, depuis 10 ans, l’attaque vient de ces penseurs centraux notamment Joseph Stiglitz (Quand le capitalisme perd la tête) et Patrick Artus (Le capitalisme est en train de s’autodétruire ; Les incendiaires, les banques centrales dépassées par la globalisation) ». Michel Rocard, un vrai zoon politikon. Attention, un Michel peut en cacher un autre.


Suite à la signature d’un accord cadre de partenariat entre Green cross et l’Agence française de développement, Mikhaïl Gorbatchev fit un discours introductif en Russe dans le texte. Da, da ! Pour les nombreux non-soviétophones d’entre nous, un beau casque noir (non pas rouge, personne n’est parfait) assurait une traduction en simultané. Alors que la maison brûle, le camarade Gorbatchev tempête –lui qui a connu des « tempêtes de poussières » dans son enfance comme il nous l’a rappelé- tout feu tout flamme : « Les problèmes écologiques deviennent de plus en plus aigus. Nous vivons une crise globale biologique. Il y a le milliard doré qui vit bien plus un milliard qui vit correctement, les autres vivant dans des conditions misérables de souffrance. 50% des systèmes écologiques sont endommagés. On ne peut pas aller plus loin ».

Tout au long de la seconde table ronde intitulée « le défi d’une gouvernance mondiale de l’environnement », Mikhaïl Gorbatchev concentre son attention sur le problème de l’eau. Répondant à une question de Jean-Pierre Elkabbach, modérateur, au sujet de la proposition d’Al Gore de faire un Grenelle mondial de l’environnement, M. Gorbatchev a fustigé la conférencéite internationale aiguë : « Des conférences, on en fait trop : il faut de l’action et arrêter de discourir. Pour faire du blabla, cela ne vaut pas la peine ».

Pour conclure son intervention, Mikhaïl Gorbatchev expose les trois défis majeurs auxquels nous devons faire face : « le défi de sécurité face à la prolifération des armes et au terrorisme, le défi de pauvreté et de misère, le défi de l’attitude de l’homme à l’égard de la nature. Nous sommes au pied du mur, nous ne pouvons pas aller plus loin. Voilà trois défis pour tout le monde, pour les Etats et les citoyens ». A la fin des questions, un Russe nonagénaire s’est avancé et s’est exprimé en russe pour remercier l’œuvre de son « camarade » Gorbatchev – Gorbatchev a en effet précisé au cours de la conférence que l’on s’appelait toujours « camarade » entre acolytes socialistes, décision bien sûr prise à l’unanimité…

A titre d’information, voilà quelques chiffres avancés au cours de cette matinée haute en débats : les 500 plus grandes fortunes de la Terre possèdent autant que les 500 millions les plus pauvres; il y a 850 millions de voitures dans le monde et 850 millions de personnes qui ne mangent pas à leur faim ; enfin, il y a 1,3 milliard de personnes qui n’ont pas à l’accès à l’eau. Des vérités qui dérangent…

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