Une épidémie Art Oratoire à Sciences Po ?

Sciences Po… Sciences Pipo ? Si ce surnom simpliste en fâche plus d’un, il a pourtant le mérite de souligner la place grandissante vouée à l’éloquence dans notre institution: cours d’expression orale et de gestuelle lors de la semaine d’intégration des 1A, exposés en conférences et désormais oral d’admission pour une poignée de chanceux bacheliers et cours d’art oratoire au BDA, les adeptes de salles combles et de débats enflammés ont toute leur place dans nos rangs universitaires.

l_epidemie_de_l_art_oratoire_a_sciences_po.pngCependant, pour Bruno Cruchant, fondateur de Sciences Polémiques, notre école est longtemps restée à la traîne dans le domaine des arts oratoires, distancée notamment par le milieu des juristes. Séduit par le modèle très anglo-américain du « debating » découvert lors de sa troisième année aux Etats-Unis, il décide en 2009 de l’importer à Sciences Po afin d’y cultiver cette tradition de l’éloquence. Simple club d’une vingtaine d’habitués à sa création, Sciences Polémiques acquiert rapidement une popularité contagieuse, grossissant ses rangs à une soixantaine de fidèles l’an dernier. Avec des débats hebdomadaires aux sujets provocateurs (« Faut-il rouvrir les maisons closes ? », « l’Europe est-elle sexy ? » ou encore « Fallait-il guillotiner Louis XVI ? »), l’association a su faire de quelques curieux de véritables maîtres du verbe ! Qui n’a pas été transporté l’an dernier par les discours passionnés des six finalistes du concours Philippe Seguin ? L’actuel Président de l’association, Sinclair Besombes, évoque une réelle « effervescence » pour les arts oratoires, qui se ressent nettement dans la demande assidue de la part des étudiants: les cours proposés cette année au BdA (English Debating, French Style Debating, Joutes Oratoires) ont affiché complet moins de trois minutes après l’ouverture des inscriptions.

De ce fait, cette année, Sciences Polémiques voit grand: l’enregistrement vidéo des principaux débats, la multiplication des événements et surtout la participation à de nombreux concours sont au programme. Après plusieurs années d’absence, Sciences Po va en effet faire son retour au concours annuel de la French Debating Association à l’Assemblée nationale. Plus prestigieux encore, quelques étudiants du cours « English debating » auront l’honneur de porter les couleurs de notre école au championnat du monde de debating au Botswana, où près de deux mille étudiants issus de 200 universités s’affronteront, avant de décompresser au cours de soirées bien arrosées. Une occasion de redorer notre blason sur la tribune mondiale de l’éloquence ?

Tu regrettes d’autant plus de ne pas avoir eu de place dans les cours organisés par le BdA? (Les crédits n’étaient pas ta seule motivation ?) Les portes de Sciences Polémiques te restent ouvertes chaque semaine le mardi ou mercredi à partir de 19h15. Et pour séduire un public encore plus large, l’association poursuivra cette année la formule conviviale des « soirées tripolémiques ». Le principe est simple : près de 200 participants, un bar sympa de la capitale, des sujets toujours plus stimulants (« Staline ou Poutine ? », « Pour ou contre la polygamie ? ») et de quoi inciter à mettre du sien: « si tu parles, tu bois » ! Le coktail alcool-controverse se révèle à coup sûr détonant !

Enfin, l’incontournable concours Philippe Seguin soutenu par le BDE reste le moment fort de l’année. Plus de soixante candidats, trois places sur le podium, un amphi Boutmy saturé, un jury prestigieux (la famille de Philippe Seguin, Messieurs Fabius et Debré entre autres…), des prix alléchants et une couverture médiatique grandissante, voilà qui devrait motiver bon nombre d’étudiants pour la prochaine édition !

Trop timide pour monter sur la tribune ? Sinclair, se rappelant ses premiers pas au sein de l’association, souligne que les plus discrets finissent toujours par se jeter à l’eau, « et quand ça marche, ça fait leur semaine » ! Il faut le vivre pour le croire, n’est-ce pas ? Les filles, apparemment plus frileuses à prendre la parole, sont d’ailleurs attendues de pied ferme afin de tempérer un débat parfois monopolisé par  « des mecs qui se la jouent. »

Tu ne penses pas avoir un quelconque don pour la rhétorique ? « La vraie éloquence se moque de l’éloquence » te répondrait Blaise Pascal. En un mot, fonce ! Les sujets restent très variés, à la portée de tous et, comme le souligne le Président de l’association, « on s’amuse toujours ! ». Alors auditeurs, orateurs ou buveurs, tout le monde trouvera son compte dans les événements de Sciences Polémiques. Il ne semble pas y avoir débat… sur ce point-là en tous cas ! L’épidémie risque de se répandre mais finalement, mieux vaut ne pas commander de vaccin contre ce virus-là…

Gaétane LEFÈVRE et Hortense N.

7 Comments

  • tchoung

    Article très intéressant, dommage qu’il ne stipule pas que Sciences-polémiques se révèle après expérience être une magnifique façon de se faire voir plus qu’autre chose… Et à Sciences-Po, des gens qui veulent se faire voir, justement, on en voit assez.

  • blabla

    Vous faites bien de souligner la discrétion des filles à sciences polémiques. Si la salle est (comme d’hab à sciences po) composée en majorité de filles, la plupart du temps ce sont uniquement des mecs qui prennent la parole… dommage, les oratrices ont généralement des arguments plus sérieux qui font avancer le débat… Et Sinclair a tout à fait raison, une fois qu’on s’est lancé (la premiere fois, c’est très intimidant), on y prend gout et on progresse rapidement. Et rappelons que l’éloquence a une place primordiale dans notre cursus, entre les exposés, les soutenances de mémoire et le grand O… d’où l’intéret d’une association telle que sciences polémiques !

  • Aymeric

    Excellent article ! Tous les talents en devenir sont les bienvenus jeudi soir à 19h15 en amphithéâtre Caquot pour un grand débat : sommes-nous manipulés ?