This is England, Welcome.

Des jeunes gens en jean, crânes rasés, qui courent à travers les champs. Un drapeau anglais qui flotte au vent dans une plaine des iles Malouines, les images presque floues de jeux vidéos 8 bits, une marée humaine qui se heurte aux bobbies. L’Angleterre des années Thatcher contée par Shane Meadows commence ainsi. This is England.

C’est l’Angleterre de Shaun, jeune deshérité d’une ville industrielle anglaise, peu importe son nom puisqu’il en existe des dizaines d’autres semblables en tout point, frappées par la même misère, avec sans doute la même unique église recouverte du même graffiti, Maggie is a twat. Shaun, c’est ce garçon de douze ans, qui va se lier d’amitié avec une bande de skinheads.

À la manière d’un roman d’apprentissage, mais sans pour autant faire de son oeuvre un exercice de style, Meadows filme le quotidien de Shaun et de sa nouvelle bande d’amis, en restant fidèle à l’esthétique des années quatre-vingt. Souvent en gros plan, parfois caméra à l’épaule, le réalisateur entreprend d’une manière assez simple le portrait d’une Angleterre secouée par le chômage et le racisme, qui transparaît dans les traits de Shaun. La tension est souvent presque tangible, avec des cadrages serrant de très près les visages, captant les moindres soubresauts nerveux, la plus petite émotion des personnages qui se veulent pourtant imperturbables.

Mais à trop vouloir jouer dans la cour des grands, Shaun, orphelin de son père, va une fois de plus être confronté à la dure réalité du monde adulte. C’est pour Meadows l’occasion de mêler autobiographie et histoire nationale en évoquant la guerre des Malouines, les luttes politiques et l’essor du National Front.

Un film qui mérite largement votre attention, sans tomber dans le piège du drame social surfait et de la lente et pénible descente aux enfers, et qu’il faut plutôt considérer comme une photographie surrannée d’une Angleterre qui déchante. Il n’y a pas de démonstration dénonçant un quelconque déterminisme social, le scenario n’est ici que prétexte à mettre en scène des personnages devant la caméra de Shane, qui semble l’avoir déposée et être parti. Notons que le film a reçu le prix du jury du Festival de Rome, de celui de Paris, et enfin a été nommé « meilleur film » lors des British Independant Film Awards.

Enfin, si le genre Angleterre des années Maggie vous plaît, je vous conseille la lecture du premier tome du dyptique de Jonathan Coe, Bienvenue au Club, histoire d’une bande de jeunes de Birmingham, de leur découverte des filles et du rock anglais des années soixante-dix à quatre-vingt.

4 Comments

  • Bene

    C’est bien que tu aies rajouté ce point, Georges…

    Film très touchant, dur même, mais d’un charme et d’une beauté irrésistibles… Ah ces ralentis où l’on voit la jeune bande d’apprentis skinhead (ceux "héritiers des mods") défiler fièrement dans les rues..
    Je vais m’empresser de trouver la bande son !
    C’est un film où l’on tremble de peur, de hargne, et de tristesse aussi, mais où peut aussi se laisser suprendre plusieurs fois à sourire (notamment dans les épisodes où le jeune shane découvre "les femmes"…)
    C’est d’autant plus intéressant que l’acteur principal doit avoir 10 ans peut-être, et joue admirablement bien.

    Allez le voir !

  • George

    T’oublies un truc essentiel là. Ce film illsutre et exprime l’apparition des divergences au sein du mouvement skinhead qui apparait a la fin des années 70-debut des année 80.
    La plupart des gens, enfin des français incultes du moins, associent les skinheads aux fachos qui sevissaient en Angleterre mais aussi à Paris dans les années 90.
    Il s’agit en fait d’une minorité. Les skinheads sont les héritiers des mods -a qui ils enmpruntent d’ailleurs certains symboles vestimentaires comme la harrington ou les chemises ben sherman- et partagent avec eux l’amour de la culture et surtout de la musique noire et notamment jamaïcaine et qui sont donc à l’origine fortement opposés à toute forme de racisme. C’est cette tension qui est entre autre au coeur du film.

  • c0wb0yz

    A noter la bande-son reggae ska des très bons Toots and the Maytals ("Louie Louie", "Pressure Drop" and "54-46").

    J’ai été surpris d’apprendre que le mouvement skin-head avait été fortement influencé à sa naissance par la culture jamaïcaine. (en.wikipedia.org/wiki/Ski… pour en savoir plus)

    Très bon film, et excellente performance de tous ses acteurs notamment Thomas Turgoose et Stephen Graham. Je le conseille fortement. On peut aller le voir au Racine Odéon, 6 rue de l’école de médecine dans le 6e.