Retour sur le Grand O d’A. Finkielkrault

Mercredi soir, c’était au tour d’Alain Finkielkraut de se plier à l’exercice du Grand Oral. Cette édition, marquée par l’appel au boycott de quelques collectifs et un important système de sécurité , s’est toutefois tenue dans de très bonnes conditions. Philosophe, essayiste, polémiste à ses heures, Alain Finkielkraut soulève en effet les passions. Ses écrits, La Défaite de la pensée ou L’identité malheureuse, tout autant que ses déclarations publiques, s’inscrivent dans une pensée aussi éclectique qu’ambivalente. Ce sont les paradoxes de cet homme qui se dit, résolument et malgré tout, « de gauche » que l’équipe du Grand Oral a exploré.

« Le divertissement et l’immigration dictent leurs lois »

Alain Finkielkraut s’est penché, après le portrait incisif de Sciences Polémiques, sur la vie politique française. Actualité brûlante oblige. Considérant Emmanuel Macron comme le candidat de « la France open-space », le philosophe a ouvertement dénoncé les dérives supposées du progressisme contemporain dont « les lois sont dictées par l’immigration et le divertissement ». Cet ancien militant maoïste confie au passage qu’il a « voté aux deux tours pour Manuel Valls », comme un sentiment de loyauté indéfectible à une famille politique qui semble l’avoir reniée depuis bien longtemps. Dans un éclair de voix, dont il a visiblement le secret, le normalien agrégé de lettres dénonce le blogueur du Bondy Blog, Medhi Meklat, au cœur d’une affaire de tweets racistes, antisémites et homophobes, et l’accuse de s’en prendre à lui à cause de son judaïsme. Les attaques sont vives, les mots utilisés le sont tout autant.

« Malcom X, c’est le virage islamiste et antisémite d’une partie de la communauté noire américaine »

La soirée s’est poursuivie avec l’arrivée du Grand Témoin qui n’était autre que Laurent Joffrin, directeur de la rédaction de Libération. L’anti-Finkielkraut en perspective. Deux France qui n’arrivent plus à se comprendre face à face. Le débat commence, rapidement. L’affaire Fillon est au cœur des discussions. Pour le philosophe, « il n’y a pas de détournement de fonds publics ». Il s’inquiète, dans le même temps, d’une « fébrilité judiciaire » dénonçant de façon sous-jacente une forme de politisation des juges. Laurent Joffrin l’accuse alors de soutenir les « accusations diffamatoires » de François Fillon à l’encontre des juges , piliers de l’État de droit. Très critique à l’égard des médias, l’ancien professeur à Polytechnique rétorque que « le journalisme contemporain est aujourd’hui saisi par l’idéologie ». La dénonciation du « système » est en effet l’une des spécialités du philosophe qui, tout en refusant le statut de « victime », dénonce un consensus médiatico-politique tacite qui chercherait à le marginaliser. Courant les plateaux de télévision pour dénoncer un système médiatique qui lui offre des tribunes, « Finkie » semble se définir par ses contradictions. Refusant de se prononcer sur la théorie du Grand Remplacement, répandue à l’extreme droite, il dénonce cependant les conséquence culturelles de l’immigration. Le personnage se dessine plus clairement au fil des échanges.

 

Fidèle à sa dénonciation d’un communautarisme rampant qui gangrènerait selon lui certains quartiers de notre pays, Alain Finkielkraut s’en est pris à l’antiracisme actuel le qualifiant de «manière de nous empêcher de penser et même de regarder la réalité en face ». Le verbe est précis. Il maitrise l’art de la formule qui fait mouche. La rhétorique en guise d’instrument de contradiction. Le penseur, que l’on imagine plongé dans ses livres, est rodé à l’exercice médiatique. Comme le signe d’une époque qui voit les frontières entre opinion et vérité, entre réflexion et commentaire s’effacer peu à peu. Finalement, c’est un polémiste, à la pensée complexe, ou un philosophe, à la pensée simple, fidèle à lui-même, qui occupait ce mercredi soir l’estrade de l’amphithéâtre Boutmy.

One Comment

  • Guillaume Rbt

    « Le penseur, que l’on imagine plongé dans ses livres, est rodé à l’exercice médiatique. Comme le signe d’une époque qui voit les frontières entre opinion et vérité, entre réflexion et commentaire s’effacer peu à peu. ». Ca ne s’applique pas à L. Joffrin ? ; )