Renée Fleming revisite Thaïs

C’est un public parisien rarement vu aussi enthousiaste qui acclama pendant de longues minutes la soprano américaine Renée Fleming à la fin de son interprétation de Thaïs, de Jules Massenet, au Théâtre du Châtelet. Contrairement à ce à quoi beaucoup s’attendaient, Renée Fleming ne profita pas de cette représentation en version de concert pour faire étalage de ses talents techniques, mais privilégia au contraire une interprétation intérieure et intensément émouvante, permise justement par une maîtrise technique parfaite.

La cantatrice, éblouissante de beauté dans sa robe Christian Dior aux allures de sirène, éblouit d’abord au début du deuxième acte, avec l’air de Thaïs « Dis-moi que je suis belle ». Plutôt que d’envisager cet air comme une manifestation des certitudes ancrées de la prêtresse de Vénus, elle y préféra une interprétation exposant le doute, l’incertitude et le malaise de son personnage, qui émut et surprit le public du Châtelet. Ainsi revisité, l’opéra de Massenet prenait une nouvelle dimension, un nouveau sens. Nouveau uniquement pour les rares qui avaient déjà eu la chance d’entendre cette pièce si peu jouée, ce que l’on ne peut que regretter.

Les autres chanteurs servaient également à merveille la soprano américaine. Ainsi Gérald Finley, malgré une certaine hésitation dans le Prélude et le début du Premier acte, mis bien en relief les méandres du personnage d’Athanaël, au sein duquel s’affrontent sa foi inébranlable en Jésus et son amour incommensurable pour Thaïs. Les trois jeunes sopranos courtisanes à Alexandrie et la mezzo australienne Caitlin Hulcup dans le rôle d’Albine furent également remarquables, bien que la différence de maîtrise et de talent se fît sentir avec l’immense Renée Fleming. Il faut également saluer la très belle basse Nicolas Courjal, dans le rôle de Palémon, sûr et puissant, et saluer le malheureux ténor Fabrice Dalis, dans le rôle de Nicias, qui malgré une interprétation très incertaine et avec un manque de rythme certain, a le mérite d’avoir su remplacer au pied levé Barry Banks.

L’orchestre de Paris se montrait impeccable, sous la baguette de Christoph Eschenbach. Il nous offrit notamment une ouverture aérienne préfigurant au mieux le questionnement métaphysique au cœur de cet opéra. L’on peut toutefois regretter le manque de spontanéité du premier violon Philippe. Aïche, faisant perdre par là même toute force à la méditation, pourtant centrale dans l’œuvre de Massenet.

Certains ont pu regretter que cet opéra fût donné en version de concert, sans mise en scène. Pourtant, l’on ne peut que constater que ce choix permet de mettre en relief une interprétation vocale intense, que le public s’y concentre totalement, sans détourner son attention sur des éléments de mise en scène qui apparaissent, au vu de la performance de lundi soir, superflus. Ceci n’est toutefois possible qu’en présence de tels interprètes, et du talent inouï de Renée Fleming, car cette pièce, bien qu’offrant une trame et des airs présentant un intérêt certain, ne peut apparemment se permettre la moindre approximation lors de nombreux passages moins exceptionnels par leur qualité.

4 Comments

  • ghislain

    j,ai eu ce privege moi aussi de la voir chante a l,orphum a vancouver (canada) connaissant
    la grande popularite de renee elle nous a fait un grand privilege de venir nous visitez .Aussi elle a une tres grande generosite pour son public .Elle a pris le temps de signe des authographes appres sa prestation (2.5 hrs) cela est tres epuisant et avec le sourire ce fut un merveilleux moment pour moi.

  • Arthur

    Une des plus grandes sopranos actuelles en tout cas. N’oublions pas notre Nathalie Dessay nationale, qui a un registre, de coloratur, différent de celui de Fleming.

  • emma

    Rien à redire à cette article : c’est la plus grande soprano du monde assurément : c’est un privilège rare de l’avoir vue chanter!