Marre des insatisfaits !

“I have a dream that one day our school will rise up and live out the true meaning of its creed : We hold this truth to be self-evident that all students shall have a library spot available”. Pas plus tard qu’hier on pouvait encore entendre ce discours rêveur et iconoclaste résonner entre les murs du Boutmy Mall. “Quand vous pensez à la réputation de cette école, n’est il pas incroyable qu’il faille encore s’asseoir par terre pour travailler en bibliothèque aux heures pleines ?” vient-t-on encore nous crier aux oreilles. Mais de quoi se plaint-on ?

Chacun semble se comporter naïvement comme si, par je ne sais quelle forme de “droit naturel” lui incombant, il avait un droit spontané à, plus que d’avoir une bibliothèque, y avoir en plus une place pour étudier. Comme si finalement c’était là l’essence d’une bibliothèque , et qu’on devait laisser de coté design, grands espaces, “structure verticale”, et salles de réunion pour le seul bien-être d’élèves qui, non contents de déjà profiter d’ascenseurs qui parlent, exigent en plus pouvoir s’asseoir et étudier dans des conditions “décentes”.

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Le voilà le scandale de notre siècle. Des élèves pourris gâtés, baignés dans cette culture nasillarde des droits-créances, et habitués à avoir le beurre et la cuillère en argent dans la cuisse de Jupiter. Oui, il est vrai qu’il faut tous les après-midis parcourir 8 étages et 2 bâtiments pour se rendre compte que la bibliothèque de Sciences Po a les sièges du fond qui baignent. Mais est-ce là une raison pour polluer les oreilles des chanceux stakhanovistes, à coup de soupirs violents et grotesques ? Et ce alors que des hectares entiers de moquette grisâtre et de linos poussiéreux attendent sagement le derrière des élèves, et qu’un grand escalier à la pierre alléchante décline ses marches désolées et sinistrées à nos dos fatigués ?

Et ce n’est là que le début. Avez vous remarqué comme ces mêmes gens qui se plaignent de la surpopulation en bibliothèque rechignent ensuite à aller travailler dans le jardin qui n’attend qu’eux en plein mois de janvier ? Avez-vous pensé une seule seconde à utiliser les magnifiques toilettes qui sont mises à votre disposition comme sièges, certes de fortune, mais après tout fort fonctionnels ? N’avez vous pas remarqué que le trottoir de la rue Saint-Guillaume est d’un confort qui, bien que spartiate, saura largement combler nos fesses d’aventuriers ? Ouvrez les yeux bon sang ! Et vous verrez tout cet espace qui s’offre à vous. Ces étagères vides où les moins grands d’entre nous trouveront tout loisir de s’étaler confortablement. Les capots des voitures alentours, qui offrent en hiver le réconfort d’un peu de chaleur, et plus d’espace qu’un bureau pour étaler sa paperasse. Les canapés du Basile où, après que 3 serveurs vous auront craché dessus, vous trouverez aisément une table humide et collante pour déposer vos copies. Le local de Sciences Po Environnement qui, en dehors des 7 minutes par semaine où s’y tient une permanence, a tout pour accueillir une vingtaine d’élèves un peu chétifs. Et j’en passe.


Alors avant de venir casser des mauvaises langues sur le dos de l’administration, commencez donc par faire marcher un peu votre raison pratique, plutôt que de vous complaire dans la facilité et dans la protestation peu féconde. Mais ne croyez pas par là que j’exempte nos dirigeants de toute forme de responsabilité. En effet en pareille situation des mesures d’urgence s’imposent. A commencer par interdire l’entrée en bibliothèque à quiconque prétendrait devoir travailler des “humanités scientifiques” ou même de “l’écriture créative” . Détecter ce genre de fraudeur n’est pas chose difficile. Cela fait également trop longtemps qu’on réclame en bibliothèque la présence d’une police politique qui éjecterait les truands qui se permettent de mettre des cahiers à leur place le temps d’aller aux toilettes pour qu’on ne la leur prenne pas. Quand vous pensez qu’on laisse même impunément des élèves aller sur facebook. Dans quel monde vit-on ? Quel Sciences Po veut-on ? La voilà la question que nous posons aujourd’hui. Au tapis les saltimbanques qui ont le culot de parler à leur voisin, pour ne pas évoquer ceux qui se croient autorisés à rire entre les murs de la bibliothèque. Ces éradications en masse devraient libérer un espace substantiel pour les durs, les vrais, les gens de droit, qui viennent muselière et AK-47 en bandoulière. Pour ceux qui ont des lance-roquettes dans les yeux dès qu’on élève la voix, et qui ont devant eux plus de livres qu’un homme n’en pourrait lire en une année entière. On s’étonnera aussi que la bibliothèque trouve un espace infini pour stocker des livres dans ses fameux “magasins”, et pas un centimètre pour loger des élèves. Il est bien sympathique de vouloir nous donner l’accès au plus d’ouvrages possible, mais franchement, entre nous, ne pourrait-on pas scanner tous ces bouquins une bonne fois pour toute et faire des magasins des salles de travail ? Ça n’est tout de même pas demander la lune, il suffirait que quelques salariés de la bibliothèque en mettent un bon coup pendant une semaine avec quelques scanners et le tour est joué. Voilà bien une solution simple, efficace, et que tout le monde semble ostensiblement feindre d’ignorer. On est à l’ère du numérique par dieu ! Finis les grimoires et les reliures en peau de chèvre, nous sommes au temps du livre 2.0 et de la “cloud bibliothèque”.

Voilà, chers amis, un coup de gueule qui sort des tripes, pour vous montrer que, quels que soient ses manquements partiels, il est un peu facile de venir blâmer l’administration pour des maux qui, tout bien réfléchi, ne sont que l’invention d’étudiants partisans du moindre effort et praticiens de la contestation à outrance pour le plaisir de l’opposition. Il est plus que jamais de circonstance de rappeler les mots d’Alain : “C’est dans les bibliothèques qu’on étudie, pour à la discothèque être érudit”.

13 Comments

  • Cha

    Tom, peut être as tu la chance de posséder un grand appart pour pouvoir travailler dans de bonnes conditions, mais sache que la plupart d’entre nous trouve assez complexe de travailler sur la table à manger de la pièce qui leur sert de chambre, salon, cuisine et salle de bains, au milieu de la lampe de chevet et du pot de fleurs. Dans le cas contraire, tu es sûrement un Étudiant Tous Terrains pour qui travailler dans le calme et sur un vrai bureau n’importe guère, dans ce cas là bravo. Bisous

  • Tom

    Après 2 ans passé à Sciences Po, je n’ai jamais mis les pieds à la bibliothèque pour étudier. Non pas que je ne trouvais pas de place mais je ne comprends pas l’intérêt de s’y installer pour travailler.

    Soit on emprunte le livre, soit on trouve l’info sur le net… En fait, la bibliothèque a une autre vocation: celui de socialiser avec ses camarades de promo (on va bosser ensemble le devoir à l’apple store?). Pour résumer, ceux qui s’y installent cherchent 1) à montrer qu’ils étudient pour affoler les camarades de promos 2) à se faire de nouveaux amis.

    Alors premier ou second degré, arrêtez ce vacarme et intéressez vous aux choses sérieuses…

    Tom

    PS: heureusement que le ridicule ne tue pas, sinon Diane aurait émis sa requête directement au près de notre regretté directeur dans l’au-delà

  • Jordi Chlorométhane

    Ouais ben la chasseresse elle va se prendre un pied de biche en travers de la gueule, ça va pas trainer (la patte).

  • Diane

    Ah ah en effet, la fatigue du vendredi soir après m’être assise toute l’aprem sur la moquette de la bibli. Toutes mes excuses. Bon alors prenez mon premier commentaire dans le renforcement de l’article…! Au moins ça fera rire.

  • uorhgq

    Diane, j’ai jamais vu quelqu’un avoir aussi peu de sensibilité au second degré … Ton commentaire est presque aussi drôle que l’article.

  • Taikitizydude

    Diane >> L’article était bien évidemment à prendre au second degré.

    L’auteur proteste contre l’administration qui n’est pas capable d’assurer un minimum de place en bibliothèque, pas contre les élèves qui se plaignent. 😉

  • Diane

    Les bras m’en tombent… Honnêtement, moi aussi j’en ai marre des insatisfaits, surtout ceux qui ne prennent pas la peine de signer leurs articles coups de gueule : la révolte c’est hype, mais bon quand même pas trop de prise de risque hein restons discrets.

    Ensuite, suis-je la seule à trouver que cet article en vient à donner la larme à l’oeil -de tristesse ou de rire- dans sa verve mélodramatique? La « police politique »? Les « fraudeurs »? C’est exagérer les propos des Sciences Pistes qui « en ont marre »…pour mieux les ridiculiser, ce qui ne marche même pas. Honnêtement, tout ce que cela mérite, c’est du mépris pour quelqu’un qui ne sachant argumenter sa cause, multiplie les images grotesques sur 6 paragraphes.

    Alors, voilà : oui nous sommes chanceux, et je suis la première à le dire, oui nous sommes parisiens (même les provinciaux dont je fais partie) et nous avons accès à des cours labellisés Sciences Po (que chacun estimera ou non à la hauteur de la renommée de l’école). MAIS : nous payons – pas tous, selon un système progressif des plus pertinents que je ne remets pas en cause au contraire – pour avoir accès à Sciences Po, qui se finance par ailleurs essentiellement par les dons. Pour autant, le gros reproche que je fais à Sciences Po, c’est bien les conditions de travail qui laissent à désirer. Augmenter les promotions, sur le fond oui ; mais quid des promos de 1000 élèves lorsque l’amphi Boutmy ne fait que 500 places? Alors bien sûr il y a la vidéo conférence…ne pas pouvoir poser de questions, être soumis aux aléas des performances technologiques… 10 000 personnes au total sur le campus de Paris, et une bibliothèque de cette taille? Même problème. Il y a bien celle de l’école doctorale, c’est sûr. Mais enfin. Oui il faut faire un choix, ou agrandir les promotions et la surface (mais à Paris, le mètre carré coûte cher) ou bien garder les deux dans des proportions maîtrisables. Oui, cela me choque de voir les élèves assis par terre dans la bibli, comme cela me choquerait partout ailleurs ; et ce n’est pas parce que le trottoir est encore moins confortable que la moquette que l’on doit s’estimer heureux. Non, dans un régime fac où les élèves travaillent par eux-mêmes à la bibli, ce n’est pas normal qu’elle ne soit pas conçue assez grande. Si je reconnais de grandes qualités à l’administration, il faut avouer que sur ce terrain-là, elle a tout faux.

    Je fais partie de ces insatisfaits, de ceux qui mangent à 16h parce qu’à midi ils vont travailler à la bibli, quand il n’y a personne. Et insatisfaite, je continuerai de l’être sur ce point-là. Je ne sais pas si l’auteur n’emploie la bibliothèque que dans le but de se montrer érudit(e) sur la piste de danse mais qu’il/elle soit bien gentil de considérer que d’autres travaillent vraiment à la bibliothèque, merci. Et que le jour où on considèrera qu’il est normal en France pour un collégien, lycéen ou étudiant de bosser par terre parce que l’établissement ne peut prévoir assez, c’est qu’il faudra revoir les priorités entre les mac et les chaises.

    Alors, « étudiants partisans du moindre effort et praticiens de la contestation à outrance », pour le plaisir de s’opposer à leurs pairs, qui écrivez des colonnes aussi inutiles dans la Péniche….allez, laissez votre place en bibli.

    Franchement, penser que quelqu’un a pris du temps pour écrire un tel torchon, ça me dépasse.

  • ahgni

    « La bibliothèque aux heures de pointes, c’est comme l’Unef aux heures de pointes : c’est juste insupportable. » T’as le sens de la formule toi Maroilles

  • Maroilles

    Très bon article ! La bibliothèque aux heures de pointes, c’est comme l’Unef aux heures de pointes : c’est juste insupportable.

  • Alain

    Jsuis bien d’accord avec la grosse, car de toute façon, depuis quand est-ce qu’on travaille à scpo? Encore la faute à trois branquignolles de 1A tout excités de rentrer à l’IEP. Ah le bon vieux temps où Richie pouvait mater ces jeunes puceaux à coup de b***e bien dure. Je me censure pour ne pas choquer nos jeunes recrues encore toute innocentes.