Mais à quoi sert le module de gestion associative ?

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Pendant que les responsables de l’UMP SciencesPo écoutaient avec attention Valérie Pécresse dans l’amphi Leroy Beaulieu, l’ensemble des autres responsables associatifs de SciencesPo avaient le bonheur vendredi 12 septembre aux alentours de 19h de suivre leur premier cours du nouveau module de gestion associative.

Dans le cadre de la procédure de reconnaissance, ce programme de formation de dix heures et récompensé de deux crédits est désormais obligatoire pour toute association créée au 27 rue Saint Guillaume. Mais qui est à l’initiative de ce volet de formation qui a conduit plus de 200 responsables associatifs à sacrifier leurs samedis matins du mois de septembre ?

 

Une formation « pratique » prévue de longue date

Annoncée cet été dans une newsletter de la vie étudiante, la création de ce module de gestion associative voit le jour huit ans après la mise en place du premier comité de réflexion chargé de le mettre en œuvre. Appuyé par le syndicat Nouvelle Donne (syndicat disparu en 2010 lors de la création du MET qui avait rassemblé l’UNI et Nouvelle Donne), ce volet de formation avait déjà été mis en place une première fois en 2010 et en 2011 avant d’être rapidement abandonné.

A l’inverse de cette première tentative avortée, le nouveau module « n’est pas une formation théorique, c’est une formation pratique qui répond à un vrai besoin de formation » affirme Julien Palomo, responsable de la vie associative et syndicale et convaincu de l’opportunité de cette formation pour les élèves qui s’apprêtent à mener un projet associatif. « Je peux essayer d’aller dans la rue courir un 100 mètres mais si je n’ai pas fait d’entraînement avant, je vais m’arrêter au bout d’un mètre : l’expérience ne suffit pas, on a aussi besoin d’une formation, c’est pareil pour les associations » affirme-t-il.

La formation apparaît par ailleurs comme un moyen de légitimer l’obtention des deux crédits ECTS autrefois attribués gracieusement aux responsables associatifs. « On ne peut pas donner de crédits ECTS pour une simple activité subjective qu’est le militantisme ou l’activisme associatif. Comment on récompense un syndicat en crédits ECTS ? Parce que c’est celui qui a le mieux occupé Boutmy pendant l’année ? » poursuit M. Palomo.

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Photographie : Guillaume Casel

Un module soutenu par les syndicats 

Approuvée à hauteur de 63% des 309 sciencepistes qui ont répondu à notre sondage, la mise en place de ce module a surtout été ardemment soutenue par l’UNEF en commission paritaire. « On considère qu’il est très important d’apprendre à savoir gérer et préparer un projet associatif, et surtout savoir tenir un projet sur le long terme, ce qui n’est pas forcément le cas aujourd’hui » affirme ainsi Anaïs de Saint Martin, la présidente de l’UNEF SciencesPo.

Même son de cloche du côté de l’UNI : « cette formation permettra de s’assurer que les associations sont sérieuses et qu’elles sont tenues par des gens prêts à sacrifier deux de leurs samedis matins » assure Léo Castellote, responsable du syndicat à SciencesPo et élu en commission paritaire.

Toutefois, les responsables syndicaux regrettent le manque de communication de l’administration qui a imposé la formation de manière assez autoritaire. « La mise en place de la formation a été annoncée pendant les vacances sans consultation et on l’a validé en commission paritaire a posteriori seulement » regrette Léo Castellote. Du côté de l’UNEF,  si Anaïs de Saint Martin confirme avoir appris « la mise en place effective de la formation dans le mail adressé aux étudiants », elle admet toutefois avoir échangé avec la direction et le BDE l’année dernière de l’instauration du module.

Au sein de l’administration, c’est Françoise Mélonio qui a particulièrement contribué à la mise en place du module. C’est notamment elle qui a fait appel à Judith Symonds, une experte franco-américaine de la philanthropie de la fondation Tocqueville, pour mettre en place le contenu pédagogique du module et pour sélectionner les intervenants. Un contenu qui sera évalué à la fin de l’année en commission paritaire : « il y aura des vérifications, la commission paritaire n’est jamais tendre avec la direction et ses projets » affirme Julien Palomo.

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Des responsables associatifs sceptiques 

Mais pour le moment, la première crainte quant aux conséquences de la mise en place du module a été balayée : « on a à l’origine eu peur de décourager les étudiants, de passer de 105 associations candidates à moins de 40, mais au final pas du tout » nous explique Julien Palomo. Le nombre d’associations candidates à la procédure a en effet augmenté de 17% par rapport à l’an dernier (cf. infographie ci-dessus) et plus de 184 étudiants se sont inscrits à la formation.

Un chiffre flatteur pour les promoteurs du module mais qui ne traduit pas pour autant un soutien à une formation qui laisse sceptique beaucoup d’étudiants ayant commencé la formation. Pour Sacha Straub-Kahn, membre du bureau de SciencesPo TV et trésorier d’EuropeansNow, l’invité d’honneur était « très loin des problématiques de SciencesPo et de l’associatif de petite taille. C’était plus un philanthrope à l’américaine ».

Maximilien Bouchet, co-responsable du MoDem SciencesPo confirme cette déconnexion entre le contenu académique de la formation et la réalité du milieu associatif science piste : « ça n’a pas beaucoup de sens de parler de fund-raising à l’américaine pour le responsable de l’Amicale du Barbecue ou de SciencesPo Paris Saint Germain ».

 

Une initiative freinant « le dynamisme associatif » ?

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Nicolas Davila pendant le forum des municipales au printemps 2014Photographie : Amal Ibraymi

Mais la critique la plus vive est venue cet été sur le groupe Facebook public « SciencesPo » de la part du président de SciencesPo TV Nicolas Davila qui s’est fendu d’un message incendiaire concernant la nouvelle procédure.

«  Malheureusement, la réglementation à tout va que vous mettez en place depuis plus d’un an a pour seul effet de freiner le dynamisme incroyable qui existe dans cette école. Parce qu’entre la formation de 10 heures pour avoir le droit d’être reconnus, la réservation des salles 6 semaines à l’avance, le fait qu’on doive attendre qu’une demande soit transmise par 15 intermédiaires avant d’avoir la réponse du service compétent de Sciences Po, le fait de devoir faire appel à une entreprise pour servir des fruits dans le jardin… Je me dis aujourd’hui qu‘il est devenu plus simple d’organiser des évènements et des activités à l’extérieur de l’école » avait-il affirmé.

Une critique qui prend sens au vu des retours mitigés de nombreux responsables associatifs après la formation et qui interroge sur sa pertinence : n’est-ce pas en effet l’expérience qui est la meilleure des formations à la gestion associative ? Pourquoi imposer ce cadre formel et scolaire aux initiatives spontanées de la communauté étudiante ?

Julien Palomo, qui a eu connaissance du texte publié par Nicolas Davila, rejette catégoriquement ce raisonnement en justifiant l’encadrement des responsables associatifs : « les étudiants ont accès à des moyens payés par le contribuable français, par les familles des étudiants de SciencesPo et il est donc normal qu’ils montrent dans un contexte de crise qu’ils méritent cet argent, qu’ils savent organiser des projets utiles à la communauté et qu’ils ne vont pas flamber du fric pour des ambitions personnelles ». C’est dit.

5 Comments

  • Luc

    Quant à la formation en elle-même, elle reste tout de même théorique. On n’a pas de baie indication quant à comment créer une asso, les responsabilités légales, la gestion de la trésorerie et tout ça… Je suis totalement favorable à cette formation, mais l’application est loin de satisfaire mes attentes. En fait, je n’y apprend pas grand chose…

  • Michel Michel

    Nicolas,
    Merci de faire de la propagande associative ailleurs, on s’en moque un peu, seul tes propos intéressent dans le cas présent.

    Michel Michel

  • Adrian

    Je crois qu’on aurait dû détailler l’inutilité de la « contribution » de Laurent de Cherisy à la formation (ainsi que le ton bien trop subjectivif et dithyrambique sur lequel Sciences Po et la Fondation Tocqueville l’ont accueilli). Bien que certaines personnes dans l’assistance ont manqué de tenue quant à leur réaction au discours de M. de Cherisy, je comprends leur perplexité vis-à-vis de l’intérêt de son intervention!

  • Nicolas Davila

    Merci Alex pour cet article. Puisque je suis cité, une mise au point s’impose.

    Comme je l’avais écrit dans mon post cet été, je crois que l’intention était louable et que ça n’était pas une mauvaise idée de proposer un module de formation. J’ai critiqué le caractère obligatoire de cette formation, et la manière dont les étudiants ont été informés.
    Et effectivement, si on prend de la hauteur, il y a une accumulation de contraintes qui pèsent aujourd’hui sur les associations et qui rendent plus compliquée l’organisation d’évènements.

    Comme vous le dites, le constat et ce scepticisme vis-à-vis de la procédure est partagé par de très nombreux responsables associatifs de premier plan, et pas simplement par Sacha et moi (il est un peu curieux que nous soyons les seuls étudiants cités).

    En ce qui concerne la petite phrase qui conclut l’article, c’est une caricature qui n’est pas au niveau et qui est un peu blessante pour la cinquantaine d’étudiants qui travaillent dans cette association, non pas pour mes ambitions personnelles, mais pour proposer aux étudiants et au grand public des interviews politiques, du contenu culturel, des émissions sur la vie étudiante…
    Quand avons fait le forum des Municipales avec le Huffington Post, il me semble par exemple qu’il y avait une utilité pour la communauté.

    Par ailleurs, Sciences Po TV est l’une des associations reconnues les mieux gérées. Nous avons mis en place un partenariat inédit il y a deux ans avec Yahoo! (pour la première fois, une télévision étudiante produit une émission pour un média grand public), et nous n’avons pas touché un euro de Sciences Po depuis 2010.

    Enfin, je veux rassurer Julien Palomo. Mes parents paient aussi des droits de scolarité importants et je suis sensible comme n’importe qui à l’utilisation qui est faite des moyens de Sciences Po.

  • Reda

    « l’argent du contribuable français blablabla » ça me fait doucement rire quand on voit la rémunération des cadres de cette école. Ils devraient peut-être commencer par là…